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Fièvre d’EBOLA et la crise de 2014 (28 octobre 2014)

En 1976 deux épidémies concomitantes d’une fièvre hémorragique firent leur apparition à Yambuku, dans ce qui s’appelait alors le Zaïre, et à Maradi dans le sud du Soudan. Des équipes internationales furent engagées, auxquelles participa l’Institut de Médecine Tropicale d’Anvers au Zaïre, et purent rapidement caractériser ces épidémies et en trouver la cause, un filovirus ressemblant au virus de Marburg. On donna au virus le nom d’Ebola, qui est une rivière coulant près de Yambuku. (1,2,3) Très rapidement il fut clair que les hôpitaux servaient de source ou d’amplificateurs de l’épidémie. De nombreux soignants étaient touchés et les mesures préconisées à ce moment restent toujours d’actualité : « Virus transmission was interrupted by stopping injections and by isolation of patients in their villages. Use of protective clothing and respirators, strict isolation of patients, and careful disposal of potentially contaminated excreta and fomites will almost certainly prevent future major outbreaks. The virus is probably rarely transmitted by infectious aerosols, although infection via large droplets remains a possibility.” (2)
La maladie de Marburg se présenta en 1968 comme une épidémie de fièvre hémorragique touchant 30 personnes travaillant dans des laboratoires en Allemagne (essentiellement à Marburg) et en Yougoslavie. Ils furent infectés par des cellules de singes verts contaminés provenant d’Ouganda. En outre, une femme fut très certainement contaminée sexuellement par son mari.(4) Depuis lors des cas isolés et de petites épidémies ont été décrits en Afrique équatoriale.

Le virus

Le virus appartient au genre Ebola, qui avec le virus de Marburg forme les Filoviridae. Récemment un nouveau genre de Filoviridae encore non officiel, Lloviuvirus, a été décrit chez des chauves-souris insectivores en Espagne. (5,6) On divise les virus Ebola en 5 espèces :

  • Zaire Ebolavirus, première espèce décrite lors de la première épidémie au Zaïre
  • Sudan Ebolavirus, espèce apparue au Soudan au même moment que la précédente.
  • Tai forest Ebolavirus (anciennement Côte d’Ivoire Ebolavirus), a infecté une seule personne, une ethnologiste ayant autopsié un chimpanzé décédé naturellement.
  • Bundinugyo Ebolavirus, isolé lors d’une petite épidémie en Ouganda.
  • Reston Ebolavirus, isolé chez des macaques provenant des Philippines et non-pathogène pour l’homme.

 Ce sont des virus enveloppés à ARN de polarité négative dont les particules apparaissent comme des fils plus ou moins longs en microscopie électronique. C’est un pathogène de classe de risque 4 (BSL4), c.à.d. la plus haute. Toute manipulation de matériel infecté nécessite un laboratoire du plus haut niveau de biosécurité L4.  Le virus est très stable à température ambiante, mais est inactivé en 30 minutes à 60°C. La concentration de virus infectieux baisse rapidement avec de fortes doses de lumière ultraviolette, de rayons gamma ou sous l’action de solvants lipides, de β-propiolactone, isothiocyanate de guanidium, solutions d’hypochlorite et désinfectants phénoliques ou alcooliques. L’utilisation des Filoviridae par des laboratoires est régulée dans le cadre de lois sur le bioterrorisme.

Epidémiologie

Les hôtes naturels des virus Ebola sont très probablement des chauves-souris frugivores, qui sont des porteuses asymptomatiques du virus (7,8). A partir de ce réservoir elles peuvent contaminer des singes ou des hommes, qui tomberont malade. A partir de ce point le virus peut se transmettre à d’autres personnes. A l’intérieur d’une famille le risque de transmission est évalué à 10% alors que celui-ci monte à 80%, voire plus, pour ceux qui ont prodigué des soins. C’est donc une maladie qui se transmet facilement dans les services de santé, particulièrement si l’hygiène de ceux-ci est défaillante. Dans chaque épidémie on a remarqué que les hôpitaux servaient d’amplificateurs. Seuls les patients symptomatiques sont infectieux, mais toutes les sécrétions du patient sont infectieuses, y compris les selles et la sueur. Après le décès le cadavre reste dangereux pour la transmission et il faut éviter toute manipulation non protégée. (5)

Actuellement (2014), nous sommes confrontés à une épidémie par le Zaire Ebolavirus qui pour la première fois touche l’Afrique de l’Ouest et autant de personnes dans plusieurs pays (en septembre 2014 Liberia, Sierra-Leone, Guinée-Conackry, Nigeria). Les mesures efficaces qui avaient été prises lors des épidémies assez fréquentes en Afrique centrale n’ont visiblement pas été prises comme il fallait dans cette situation. Le taux de reproduction de base a été évalué à >1 et <2, ce qui permet l’arrêt en diminuant la transmission de plus de moitié,(10) mais l’épidémie est arrivée à une phase exponentielle qui requiert des moyens beaucoup plus importants pour en venir à bout. La réponse vis-à-vis des cas requiert une identification rapide, un isolement des patients et une recherche avec suivi des contacts pendant 21 jours. Venir à bout de la transmission virale n’est pas si difficile, car le virus est très sensible, mais extrêmement contraignant, chaque erreur peuvant être catastrophique pour le soignant. (9) Trois mesures préventives permettent de rompre le cycle infernal de l’épidémie : amélioration du niveau d’hygiène de base des infrastructures et isolement rapide (et donc identification rapide) des patients ; modification des rites funéraires si ceux-ci impliquent un contact physique avec le cadavre ; rétablir la confiance de la population dans les services médicaux et les autorités. A plus long terme des changements dans les habitudes de consommation de « bush meat » (viande de brousse) doivent être envisagées, afin d’éviter la répétition de tels accidents.

Image clinique.

Les infections par Filoviridae semblent bien entrainer la forme la plus sévère de fièvre hémorragique. Les symptômes commencent de façon abrupte après une incubation de 2 à 21 jours (généralement de 4 à 10 jours). Au début le patient présente de la fièvre, des frissons, du malaise et des myalgies, tous symptômes pouvant être confondus avec de nombreuses maladies fébriles, particulièrement la malaria. Rapidement une atteinte multisystémique se développe avec prostration et signes abdominaux, respiratoires, vasculaires et neurologiques. Des phénomènes hémorragiques se développent au plus fort de la maladie chez à peu près la moitié des patients. Un rash maculopapulaire est souvent remarqué vers le 5ième à 7ième jour de maladie, qui entraine une desquamation chez les survivants. Avant le décès des signes de choc, de convulsions, de sévères troubles métaboliques et de coagulopathie diffuse se développent. Le décès survient vers le 6ième à 16ième jour. (11) Le pronostic est extrêmement mauvais pour les femmes enceintes atteintes et la fausse couche est la règle. (12)

Traitement.

Le traitement est essentiellement supportif, bien que plusieurs traitements expérimentaux soient actuellement administrés en désespoir de cause. Il est important de ne pas oublier des causes pouvant être traitées comme la malaria ou la fièvre typhoïde. On conseille de limiter les prélèvements pour le laboratoire à un minimum étant donné le danger des prises d’échantillon pour le personnel soignant et de l’analyse pour le personnel de laboratoire. (12) Dans beaucoup de centres on n’effectue pas de prélèvements, hormis la prise de sang pour confirmer le diagnostic (sang sur EDTA ou citrate pour PCR et détection d’anticorps). Un traitement est donné de façon systématique contre la malaria, ainsi qu’un antibiotique couvrant la fièvre typhoïde. Des perfusions doivent permettre de maintenir une volémie correcte, sans avoir beaucoup de possibilités de mise au point précise. Lors des soins au patient il est impératif d’être couvert complètement, y compris yeux et muqueuses, sans aucun espace de peau nue, ce qui peut poser des problèmes lorsqu’il fait chaud. Il faut une procédure précise et des soins méticuleux lors du déshabillage car l’extérieur de l’équipement protecteur peut être infectieux. (12)

Puisque nous sommes si impuissants devant cette maladie, il faut tout mettre en œuvre pour éviter l’extension d’une épidémie. Les mesures à prendre sont connues ainsi que les problèmes qui peuvent se poser du point de vue de la gestion de ces crises, (13) mais chaque retard rend leur implémentation plus difficile.
Actuellement (28 Octobre 2014) il semble y avoir bon espoir pour la mise en pratique d’un vaccin. L’application de ce vaccin dans la lutte contre l’épidémie doit encore être précisée.

Risques de l’épidémie actuelle pour les pays hors de l’Afrique

Il est presque indécent de parler d’autres problèmes que de l’expansion catastrophique de l’épidémie actuelle dans les pays africains. Il est cependant évident que le risque de voir apparaître des cas d’infection Ebola chez des personnes revenant des régions affectées ou même déjà diagnostiqué dans ces pays et rapatriée, est réel mais cependant faible.(14) Les autorités ont émis des avis dont celui du Conseil Supérieur de la Santé en Belgique, qui reprend dans les grands lignes les recommandations faites dans d’autre pays. (15) Il est demandé à tous les hôpitaux d’établir une procédure pour recevoir ces patients sélectionnés sur base géographique de façon sécurisée afin éventuellement de confirmer le diagnostic et en tous cas de ne pas passer à côté d’une pathologie telle que la malaria ou la fièvre typhoïde qui toutes peuvent être efficacement traitées. Depuis octobre 2014 le diagnostic de fièvre Ebola peut être confirmé à l’Institut de Médecine tropicale d’Anvers.

Perspectives.

Les problèmes soulevés par cette épidémie doivent nous pousser à réfléchir sur les disparités dans les services de santé entre les pays riches et pays pauvres. Ils doivent aussi pousser à une réflexion sur les effets néfastes de phobies collectives et tous les dysfonctionnements qui en découlent. Ils ont également jeté une lumière crue sur notre incapacité à mettre en œuvre rapidement les décisions nécessaires devant une situation de crise qui touche des pays moins nantis, mais nécessite un e coordination internationale. Gardons à l’esprit que nous vivons dans un monde de plus en plus interconnecté où ce qui se passe à n’importe quel endroit de la planète peut rapidement avoir un impact à grande distance.

Bibliographie 

1. Report of a WHO/International Study team – Ebola haemorrhagic fever in Sudan, 1976 – Bulletin of the World Health Organization, 56: 247-270, 1978
2. Report of an International Commission. – Ebola haemorrhagic fever in Zaïre, 1976 – Bulletin of the World Health Organization, 56: 271-293, 1978.
3. Malherbe H. & Strickland-Cholmley M. – Human disease from monkey (Marburg virus) – Lancet i (7557): 1434, 1968.
4. Martini G.A. – Marburg virus disease – Postgraduate Medical Journal, 49: 542-546, 1973 
5. Feldmann H., Sanchez A. & Geisbert T.W. – Filoviridae: Marburg and Ebola Viruses – Chap. 32 in Fields Virology, sixth ed., 2013.
6. Negredo A., Palacios G., Vasquez-Moron S. et al, – Discovery of an Ebola-like virus in Europe – Plos Pathog 7 (10) e1002304. Doi 10.1371/journal.ppat.1002304, 2011.
7. Leroy E.M., Kumulungui B., Pourrut X. et al. – Fruit bats as reservoirs of Ebola virus – Nature 438, 575-576, 2005. 
8. Biek R., Walsh P.D., Leroy E.M. & Real L.A. – Recent comman ancestry of Ebola Zaire virus found in bat reservoir. – PLoS Pathog 2(10): e90. DOI: 10.1371/journal.ppat.0020090, 2006.
9. Frieden T.R., Damon I, Bell B.P., Kenyon T. & Nichol S. – Ebola 2014 – New Challenges, New Global Response and Responsibility. – New Eng J Med Aug 20, e-pub ahead of print, DOI: 10.1056/NEJMp1409903, 2014.
10. Nishiura H. & Chowell G. – Early transmission dynamics of Ebola virus disease (EVD), West Africa, March to August 2014, Euro Surveill. 2014;19(36):pii=20894, 2014 http://www.eurosurveillance.org/ViewArticle.aspx?ArticleId=20894
11. Feldmann H. & Geisbert T.W. –Ebola haemorrhagic fever – Lancet 377: 849-872, doi:10.1016/S0140-6736(10)60667-8,
12. Jeffs B. – A clinical guide to viral haemorrhagic fevers: Ebola, Marburg and Lassa. – Tropical Doctor 36: 1-4, DOI: 10.1258/004947506775598914,
13. Lamunu M., Lutwama J.J., Kamugisha J. et al. – Containing a haemorrhagic fever epidemic: the Ebola experience in Uganda (October 2000 – January 2001). – Int. J. Infect. Dis. 8: 27-37, 2004.
14. European Centre for Disease prevention and Control – Rapid risk assessment: outbreak of Ebola virus disease in West Africa – Third update, 1 August, Stockhom ECDC, 2014.
15. Callens S., De Mol P., Gérard M. et al. – Practical recommendations to the attention of healthcare professionals and health authorities regarding the identification of and care delivered to suspected or confirmed carriers of highly contagious viruses (of the Ebola or Marburg type) in the context of an epidemic outbreak in West Africa. – CSS avis 9188, 2014. http://tinyurl.com/CSS-9188-ebola

Entérobactéries productrices de carbapénémases importées: le contexte belge

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L’accroissement de la mobilité des populations contribue à l’augmentation du risque d’importation et de dissémination d’entérobactéries productrices de carbapénémases (CPE) dans les institutions de soins en Belgique par le biais de personnes ayant voyagé à l’étranger avec ou sans hospitalisation pendant leur séjour.

1-Aperçu de la problématique

Depuis le début de la surveillance épidémiologique des CPE en Belgique en janvier 2012, seulement 12% des cas de CPE recensés étaient liés à un séjour à l’étranger (66 cas sur 566). La pratique du dépistage limitée à ce seul groupe à risque ne suffit donc plus pour prévenir la dissémination de CPE dans notre pays.

Il est cependant nécessaire de rester vigilant vis-à-vis de ce groupe à risque ainsi que l’indiquent les résultats de l’étude récente VOYAG-R(1). Entre février 2012 et mars 2013, les auteurs de cette étude ont examiné le risque d’acquisition de CPE et d’entérobactéries productrices de beta-lactamases à spectre étendu (EBLSE) auprès de 574 voyageurs au retour d’un voyage à l’étranger (Amérique: n=183 voyageurs; Afrique: n=195, Moyen-Orient et Asie du Sud-est: n=196 dont 57 ayant séjourné en Inde). Les voyageurs qui avaient visité ces continents présentaient un risque accru d’acquisition de CPE après une hospitalisation pendant le séjour, lors d’un rapatriement sanitaire, voire même lorsque ils n’avaient eu aucun contact direct avec un secteur de soins de santé dans ces régions.
Une CPE a été identifiée chez 3 touristes sur 57 (5%) au retour en France d’un voyage en Inde (deux E. coli OXA-181[1] et un E. coli New-Delhi producteur de métallo-béta-lactamase 1 (NDM-1). Aucun d’entre eux n’avait été en contact avec des institutions de soins pendant leur séjour en Inde. Des cultures de suivi réalisées chez ces trois personnes après leur retour en France ont permis de montrer que la durée du portage intestinal de CPE était relativement courte (3 mois au maximum).
Il est probable que les mauvaises conditions d’hygiène et sanitaires (contamination de l’environnement, des aliments et de l’eau) et l’usage incontrôlé d’antibiotiques en Inde constituent des facteurs de risque d’acquisition de CPE et de EBLSE lors d’un voyage dans ce pays, même si aucun de ces trois voyageurs n’avait reçu des antibiotiques pendant leur séjour.

 [1] OXA-181 : mutant d’OXA-48 typiquement retrouvée dans les isolats de CPE issus du sous-continent indien. OXA-181 est très souvent présent en association avec la carbapénémase NDM (ou plus rarement VIM).

Pour les EBLSE, un lien avec des voyages à l’étranger(2-6) avait déjà été bien établi depuis plus longtemps. Selon les études, le pourcentage de portage d’EBLSE acquis chez des voyageurs varie de 5 à 85%, selon les pays visités (3-6). Une étude effectuée en Suède entre 2008 et 2009(4,5) montrait que l’acquisition d’ESBLE était fréquente (30% des voyageurs) lors de voyages internationaux et que le facteur de risque de colonisation par ESBLE le plus important était le continent visité. Le risque plus élevé était associé à un voyage dans le sous-continent Indien, une colonisation était retrouvée chez 71.4% des voyageurs de ce continent (OR (odd’s ratio) 24.8, p<0.001), suivi de l’Asie à l’exclusion de l’Inde (44.8%, OR 8.63, p<0.001) et de l’Afrique du Nord (43.3%, OR 4.94, p=0.002).
Ces observations coïncident globalement avec les résultats d’autres études similaires réalisées antérieurement(3), (4),( 6),(7),(8),(9).
Les autres facteurs de risque d’acquisition d’EBLSE liés au voyage étaient la survenue de diarrhée ou d’autres symptômes digestifs pendant le séjour et l’âge du voyageur (les patients âgés de plus de 65 ans présentaient le risque d’acquisition le plus élevé). Dans l’étude suédoise aucune acquisition de CPE n’a pu être mise en évidence, mais la méthode utilisée pour le dépistage ciblait surtout la détection d’entérobactéries résistantes aux céphalosporines. Il est dès lors probable que la présence éventuelle de carbapénémases (en particulier de type OXA-48) ait pu être sous-estimée.
Selon la littérature, la durée de portage d’EBLSE peut être longue, 18% des voyageurs étant encore porteurs asymptomatiques 6 mois après l’acquisition(6).

L’importation de CPE et d’autres MDRO (multidrug resistant organisms) après un voyage peut non seulement être à l’origine d’épidémies, mais peut également être la source d’infections sévères potentiellement létales(10).

2-Résultats de surveillance: les patients porteurs de CPE liée à l’étranger dans les établissements de soins en Belgique

Depuis le début de la surveillance active des CPE (janvier 2012) en Belgique, 890 patients colonisés ou infectés par CPE ont été rapportés sur une période de 24 mois. La notion d’un séjour à l’étranger avec ou sans hospitalisation était présente chez 66 patients sur 566 (12%) porteurs de CPE pour lesquels ces informations étaient disponibles (données manquantes pour 324 patients (36%)).
Sur les 86 laboratoires ayant participé à la surveillance, 23 laboratoires hospitaliers et un laboratoire privé ont rapporté au moins un cas de patient avec CPE associé au voyage. Au cours du second semestre de chaque année, le nombre de cas associés au voyage était plus élevé (doublé) qu’en début de l’année, sans doute en partie sous l’influence du tourisme estival (Figure 1).
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Figure 1: Nombre semestriel de cas de CPE associé au voyage en Belgique (n=66): 2012 – 2013

 La plupart des cas importés ont été recensés par 6 des 7 hôpitaux universitaires (62%, 41/66 cas), tandis que les hôpitaux généraux n’ont rapporté que 36% des cas (24/66). Il est probable que cette différence s’explique par le fait que les hôpitaux universitaires accueillent plus fréquemment des patients rapatriés à partir de pays étrangers.
La moitié de cas de CPE d’importation a été rapportée en région bruxelloise: au total 33 cas, dont 26 par 3 hôpitaux universitaires bruxellois (Figure 2).

Figure 2: Répartition géographique des cas de CPE associés au voyage rapportés en Belgique et distribution des différents types de carbapénémases, 2012-2013

Le pays de séjour/d’hospitalisation était connu pour 65 patients porteurs de CPE associé au voyage. Vingt-neuf cas (45%) étaient liés à un séjour en Afrique, 18 (28%) à un séjour en Asie et 18 (28%) à un pays européen.

Afrique (n= 29)
Les pays d’Afrique du Nord (Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Égypte et le Sénégal) étaient le plus souvent impliqués. 25 cas de CPE sur 29 importés à partir de l’Afrique étaient producteurs d’une carbapénémase de type OXA-48 (Figure 3).

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Figure 3: CPE associées à un séjour/une hospitalisation dans un pays Africain: nombre de cas et types de carbapénémases par pays déclarés en Belgique, 2012-2013

Asie (n= 18) 
Deux types de carbapénémases importées à partir de pays asiatiques étaient rencontrées (Figure 4): OXA-48 (surtout en Turquie, n= 10) et NDM (Inde, Pakistan et Vietnam: n= 6).

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 Figure 4: CPE associées à un séjour/une hospitalisation dans un pays Asiatique: nombre de cas et types de carbapénémases par pays déclarés en Belgique, 2012-2013

Europe (n= 18) 
Les cas de CPE associés à un récent séjour/ hospitalisation dans un pays européen (Figure 5) impliquaient surtout des carbapénémases de type KPC (Grèce et Italie, n=10) et de type OXA-48 (Grèce, n=4).

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Figure 5: CPE associées à un séjour/une hospitalisation dans un pays européen: nombre de cas et types de carbapénémases par pays déclarés en Belgique, 2012-2013

3-Considérations relatives à l’importation de CPE et de MDRO en Belgique

3.1. CPE chez les voyageurs, un groupe à risque d’importance sous-estimée
Bien que la proportion de cas de CPE (colonisation ou infection) recensée au décours d’un séjour à l’étranger ne représente que 12% de l’ensemble des cas rapportés en Belgique, il y a lieu de rester vigilant vis-à-vis de ce groupe à risque particulier dont l’importance est sans doute largement sous-estimée puisque dans plus d’un tiers des cas de CPE déclarés en Belgique, aucune information n’était disponible quant à la notion de voyage ou d’hospitalisation à l’étranger. Ce manque d’exhaustivité est vraisemblablement inhérent à la nature de la surveillance le plus souvent initiée à partir du laboratoire de microbiologie et plus rarement par les acteurs de terrain (équipe d’hygiène hospitalière, équipes médicales et paramédicales dans les unités d’hospitalisation). Idéalement ces informations devraient être obtenues directement auprès des patients ou de leur entourage proche. Une anamnèse détaillée de voyage incluant toute notion de contact avec une structure de soins de santé dans un pays à l’étranger est cruciale mais se révèle en pratique extrêmement difficile à réaliser ou à obtenir.

3.2. Vu la globalisation des CPE, l’utilisation d’une liste de pays endémiques/épidémiques n’est plus utile
Dans son avis du 7 décembre 2011[1], le Conseil Supérieur de la Santé recommandait de dépister le portage de CPE chez tout patient transféré d’un hôpital dans un des pays en situation épidémique ou endémique pour les CPE. S’il était peut-être pertinent de tenter de dresser un tableau des pays à endémicité élevée pour CPE en 2011, cette notion apparaît aujourd’hui dépassée dans un contexte de globalisation rapide de l’épidémiologie des CPE. Aussi, il faut actuellement considérer que tout patient transféré d’un hôpital à l’étranger présente un risque accru de colonisation/infection par CPE. Par ailleurs, les études précitées montraient que des voyageurs sains qui avaient séjourné dans certaines contrées endémiques telles le sous-continent Indien, pouvaient être colonisés par des EBLSE et/ou CPE même en l’absence de tout contact préalable avec un secteur de soins de santé ou sans exposition directe à des traitements antibiotiques.

3.3. Les sources potentielles d’importation de CPE associées à l’étranger sont diverses

3.3.1. L’accroissement de la mobilité de la population et du tourisme mondial
La grande mobilité des populations contribue largement à la mobilité des bactéries résistantes et à la globalisation des MDRO dans le monde(11). En raison de sa situation centrale en Europe, la Belgique constitue un lieu de passage important tant pour l’industrie du tourisme que pour les activités professionnelles (notamment par la présence d’institutions européennes et internationales). Par ailleurs, les résidents belges séjournent également fréquemment à l’étranger. En 2012[2], on répertoriait 7.8 millions de voyages (> 4 nuits) de résidents belges à l’étranger: 6.5 millions de voyages dans un pays européen et 1.3 million hors Europe (Tableau 1).

3.3.2. Les flux migratoires en Belgique
Les flux migratoires jouent sans doute également un rôle dans la globalisation de la problématique de la résistance aux antibiotiques et dans la diffusion des MDRO entre les continents et les pays(12).
En 2012, 10.6% de la population belge était de nationalité étrangère[3] (versus 8.4% en 2001). Les principaux pays d’origine des habitants belges de nationalité étrangère étaient: l’Italie (13.7%), la France (12.8%), les Pays-Bas (12.1%) et le Maroc (7.4%). Ces pays représentent à eux quatre la moitié de la population belge d’origine étrangère. Les autres pays dont sont originaires les expatriés vivant en Belgique sont la Pologne (4.8%), l’Espagne (4.4%), la Roumanie (3.6%), l’Allemagne (3.4%), la Turquie (3.4%) et le Portugal (3.1%). Au cours de la dernière décennie le plus grand afflux d’immigration en Belgique est venu de Pologne (septuplé) et de Roumanie (décuplé).
A l’instar de l’Italie et de la Grèce, la Pologne a connu des épidémies importantes à CPE, principalement de type KPC, vraisemblablement importées à partir des États-Unis(13).
Ces migrants de nationalité étrangère conservent souvent des contacts et attaches familiales dans leur pays d’origine, contribuant ainsi au risque accru de diffusion transfrontalière des CPE ainsi que d’autres MDRO.
Dans notre pays, les concentrations les plus élevées de citoyens de nationalité étrangère sont situées dans quelques communes de l’agglomération bruxelloise et dans la périphérie de Bruxelles, dans les autres grandes villes (Anvers, Liège, Charleroi), dans les régions frontalières, les villes universitaires et autour de l’ancien axe industriel de la Wallonie.

3.3.3. Les rapatriements sanitaires à partir de l’étranger vers un hôpital en Belgique
En Belgique, les rapatriements sanitaires de patients avec des pathologies complexes ou des traumatismes, à partir d’un hôpital à l’étranger vers un hôpital belge sont assurés par diverses organisations nationales/internationales (e.a. les mutualités, les assureurs de voyage). Ceci explique la difficulté de quantifier globalement le nombre et les caractéristiques des patients rapatriés en Belgique. MUTAS[4], une de ces organisations, rapportait en 2013 649 cas de rapatriements sanitaires d’urgence de l’étranger vers un hôpital belge, dont 81% à partir d’un pays européen, 12% de l’Afrique et 7% de l’Asie (Tableau 1).
Le dépistage du portage de germes multi-résistants (dont les CPE) chez les patients directement rapatriés d’un hôpital à l’étranger vers un hôpital belge pourrait en théorie être effectué relativement facilement si des procédures standard étaient instaurées systématiquement par les organisations internationales assurant les rapatriements sanitaires.
Il semble par contre beaucoup plus difficile de cibler les patients ayant voyagé à l’étranger mais qui retournent à leur domicile avant d’être admis dans un hôpital belge. A l’évidence, il paraît encore beaucoup plus ardu de repérer des personnes ayant seulement effectué un voyage dans des pays endémiques (p.ex. : l’Inde), sans aucune exposition à d’autres facteurs de risque (soins de santé). La récolte des données d’anamnèse relatives à un séjour ou à des soins (dans l’année antérieure) dans un pays étranger s’avère de plus en plus incontournable mais reste cependant très difficile à réaliser dans la pratique quotidienne. Une telle stratégie est cependant appliquée avec succès aux Pays-Bas depuis plusieurs décennies pour la maîtrise des MRSA (methicillin resistant Staphylococcus aureus) et ceci devrait nous inciter à l’intégrer de manière systématique dans les pratiques médicales lors de l’admission à l’hôpital. Les praticiens de première ligne, notamment les médecins généralistes et les équipes de soins à domicile devraient également être informés de l’existence et de l’importance des CPE (associées au voyage) car ce mécanisme de résistance est actuellement encore trop peu connu et est souvent considéré à tort comme une problématique exclusivement hospitalière.

3.3.4. Les soins médicaux programmés chez des patients étrangers en Belgique
La qualité et l’accessibilité des soins médicaux en Belgique est excellente. Le phénomène des patients étrangers qui viennent se faire soigner (soins médicaux programmés) en Belgique n’est pas neuf. Par manque de moyens dans certains pays ou à cause d’une limitation d’accès aux soins, et de l’existence de longues listes d’attente[5][6], le recours par des patients étrangers à des soins en Belgique est en augmentation constante depuis plusieurs années.
Entre 2004 et 2008[7], le nombre de patients étrangers, résidant hors de Belgique, hospitalisés dans un hôpital belge a progressé de 60%.
En 2010, 1.5% des hospitalisations classiques dans les hôpitaux belges concernaient des patients étrangers, résidant hors de Belgique. Des contrats avec des prestataires ou avec des établissements de soins pour la prise en charge de ces patients sont de plus en plus fréquemment souscrits. En 2010, 29 hôpitaux belges avaient au total 83 contrats de soins pour des patients étrangers (e.a. pour le traitement du cancer ou pour une chirurgie cardio-vasculaire, esthétique ou orthopédique,…)
La majorité des patients étrangers utilisateurs de soins médicaux programmés en Belgique proviennent des Pays-Bas (58.4%), de la France (19.8%), du Grand-duché du Luxembourg (4.5%), de l’Italie (2.9%) et de la Grande-Bretagne (2.8%). Les arrondissements d’Anvers, Gand, Bruges et Hasselt ainsi que Bruxelles-Capitale comptent le plus de séjours hospitaliers de non-résidents.
Ces patients peuvent importer des entérobactéries BLSE et/ou CPE-positifs voire d’autres MDRO (entérocoques résistants à la vancomycine, MRSA, Acinetobacter baumannii,…) dans nos hôpitaux, tout comme ils peuvent ensuite exporter les MDRO circulant dans notre pays vers leur pays d’origine, ce qui contribue à la globalisation des MDRO.

3.3.5. Les résidents dans les maisons de repos situées dans les zones frontalières
Les résidents des maisons de repos et de soins (MRS) pour personnes âgées (cf. en France les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) constituent une autre source potentielle de diffusion des MDRO, notamment par le biais des établissements situés dans les zones frontalières. En 2004, une maison de repos située à la frontière franco-belge a été clairement impliquée dans l’importation à partir de la France (en situation épidémique) d’Acinetobacter baumannii producteur de BLSE (type VEB-1) dans plusieurs hôpitaux belges[8]. Une proportion importante (+/- 60%) des personnes qui résident dans ces MRS localisées à la frontière franco-belge est de nationalité française et peut être hospitalisée soit en France soit en Belgique, assurant ainsi la propagation de bactéries multi-résistantes d’un pays à l’autre. Dans ces établissements de soins, les personnes colonisées par des CPE (mais aussi par des EBLSE) sont le plus souvent colonisés (portage asymptomatique au niveau de la flore intestinale), parfois pendant des périodes prolongées (de 1 à plusieurs mois). Les contacts de la vie quotidienne (toilettes, soins rapprochés, activités de rééducation,…) constituent des opportunités de transmission des MDRO de ces personnes vers le personnel soignant ou vers leur entourage proche. L’impact clinique du portage de MDRO (dont les CPE) pour ces personnes saines est sans doute très limité mais le risque de constitution de réservoirs en MRS ou de vecteur de transmission dans la communauté est cependant réel. 

3.3.6. Le personnel soignant ayant séjourné à l’étranger comme source potentielle de contamination de patients
Bien qu’il n’existe que très peu de données quant à l’importance du personnel soignant en tant que source ou réservoir de contamination de patients hospitalisés ou institutionnalisés en établissement de soins chroniques, des cas de transmission de CPE à des patients à partir de membres du personnel de soins ayant eux-mêmes séjourné à l’étranger ont été rapportés occasionnellement(14). La libre circulation de services et de personnes au sein de l’Union européenne est responsable de l’accroissement du nombre de professionnels de la santé étrangers qui travaillent dans nos établissements de soins en Belgique. Il est probable que cette catégorie de la population conserve des attaches familiales et voyage dès lors plus fréquemment vers son pays d’origine.
Le dépistage du personnel médical et paramédical n’est pas recommandé actuellement en cas de cas sporadiques ou groupés, mais cette mesure peut éventuellement s’avérer utile dans des situations spécifiques lorsqu’une épidémie ne peut être maîtrisée malgré l’application stricte des mesures de prévention et de contrôle de la transmission.

Tableau 1: Chiffres relatifs au nombre de voyages à l’étranger, nombre de rapatriements sanitaires et nombre de soins médicaux planifiés pour patients étrangers et pourcentage de la population immigrée en Belgique

tableaux-VPE-fr-750

[1] Avis du Conseil Supérieur de la Santé nr. 8791 (7 décembre 2011): Mesures à prendre suite à l’émergence des entérobactéries productrices
de carbapénémases (CPE) en Belgique.
[2]Service Public Fédéral Economie: Enquête voyages, données 2012.
[3] Service Public Fédéral Economie, Direction Générale du Statistique et information économique: Aperçu statistique de la Belgique: chiffres clés 2013.
[4] MUTAS: projet intermutualiste pour soins médicaux d’urgence en Belgique.
[5] Observatoire de la mobilité des patients: Rapport annuel 2012 (INAMI et SPF Santé Publique)
[6] Soins Programmés à des patients étrangers: Impact sur le système Belge de Soins de Santé: KCE reports 169B.
[7] Données Résumé Clinique Minimum: 2004-2008.
[8] Enquête épidémiologique relative à Acinetobacter baumannii producteur de BLSE (type VEB-1) en Belgique. IPH/EPI-reports: Nr. 2004 – 18. (http://www.nsih.be/download/acinetobacter/acinetobacter.pdf)

3.4. Le risque de dissémination de CPE (associé au voyage)
3.4.1. La Belgique, un pays à forte densité de population
Outre les différents risques potentiels d’importation de CPE en Belgique déjà cités, il existe aussi un risque potentiel de dissémination de CPE et d’autres MDRO lié à la densité tant de la population que des différents réseaux et structures de soins de santé qui caractérisent notre pays. En effet, la densité de la population en Belgique est parmi les plus élevées d’Europe (367 habitants par km2, Figure 7). En ce, notre pays est seulement précédé par Malte (1327/km2) et par les Pays-Bas (497/km2).
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Figure 7: Densité de la population en Europe (source: Eurostat, population density, data 2012)

Cependant, la densité de la population en Belgique varie fortement selon les provinces et selon les régions (Figure 8) : ainsi, elle est deux fois plus élevée en Flandre qu’en Wallonie. La densité de population la plus élevée s’observe dans la région de Bruxelles-Capitale (7249 habitants/km2), suivi par les provinces d’Anvers (643), du Brabant flamand (523) et de Flandre orientale (496).

Dans les provinces du Luxembourg (62/km2), de Namur (133) et de Liège (284) la densité de la population est la plus basse.
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Figure 8: Densité de la population dans les provinces belges (Source: Eurostat, population density by region NUTS 2, data 2012)

Plusieurs publications suggèrent que la densité de la population (et la surpopulation) pourrait influencer la prévalence de l’antibiorésistance(15)(16). La densité de la population influencerait le nombre de bactéries résistantes circulant dans la communauté et augmenterait le risque de transmission croisée entre les humains vivant dans la promiscuité. Certaines zones urbaines (grandes villes) cumulent les différentes sources potentielles d’importation de CPE: densité de population élevée, réseau d’établissements de soins dense, concentration d’hôpitaux universitaires, proportion de population étrangère plus importante, tourisme plus important.
En 2012-2013, un tiers des cas de CPE déclarés en Belgique n’avait apparemment eu aucun contact avec des soins de santé (hôpital aigu, MRS) dans les 12 mois qui avaient précédé la détection de CPE. Même s’il est probable (tout comme pour le voyage et l’hospitalisation lors d’un séjour à l’étranger) que la notion de contact préalable avec une institution de soins soit sous-évaluée, ceci suggère néanmoins que les CPE pourraient probablement avoir déjà largement diffusé dans la communauté en Belgique. Des études sont cependant nécessaires afin de préciser l’étendue des réservoirs dans différents secteurs de soins de santé et dans différents groupes de population dans la communauté.

4.- Conclusion

Le programme de surveillance active des CPE en Belgique initié en 2012 a permis d’estimer la proportion des cas de CPE liés à l’étranger dans notre pays. Le présent article souligne les limites de cette surveillance (36% de données manquantes) et passe en revue d’autres sources potentielles d’importation de CPE, liées ou non à des contacts avec les soins de santé à l’étranger.
Il semble prudent de considérer aujourd’hui comme à risque accru de portage de CPE (et d’autres MDRO) tout patient ayant reçu des soins médicaux dans un établissement à l’étranger, quel que soit le pays considéré, même si il est probable que le niveau de risque puisse être très différent selon les zones géographiques considérées.

Un groupe d’experts mandaté par le Conseil Supérieur de la Santé travaille actuellement à la mise à jour des recommandations en matière de prévention et de maîtrise de la transmission des CPE dans les établissements de soins en Belgique.

Le 30 septembre 2013, les Ministres compétents en matière de Santé Publique de l’Etat fédéral et des Entités fédérées ont signé le protocole d’accord (Moniteur Belge du 21 novembre 2013) concernant le Plan national MDRO. Ce plan trace les contours de l’approche coordonnée future de la lutte contre la résistance microbienne dans notre pays et entend associer l’ensemble des acteurs concernés (‘stakeholders’, experts, autorités publiques, acteurs de la santé, patients et associations impliquées). Un comité technique MDRO (TC-MDRO) et une commission nationale de lutte contre les MDRO (CNL-MDRO) ont été instaurés afin de mener à bien les objectifs du plan National MDRO. Le TC-MDRO a pour missions d’évaluer les risques liés aux MDRO, d’analyser les résultats des programmes de surveillance et des études existantes, d’optimaliser ces surveillances et d’implémenter de nouvelles surveillances et études si nécessaire. La CNL-MDRO est chargée de la mise en œuvre des recommandations émises par le CT-MDRO, de la coordination, de la communication et du suivi des initiatives dans la lutte contre les MDRO en Belgique.
Le plan national MDRO a également consacré la mise sur pied d’une équipe d’intervention sur le terrain appelée ‘outbreak support team’ (OST) qui, pourrait lorsque nécessaire aider les établissements affectés dans la gestion et le contrôle des épidémies impliquant des MDRO. Outre les médecins inspecteurs de communautés (les équipes luttant contre les foyers épidémiques des entités fédérales), les autres partenaires associés de l’OST sont l’équipe d’hygiène hospitalière, la direction de l’hôpital, le WIV-ISP, le délégué du Centre National de Référence concerné et si nécessaire un groupe d’experts externes.
Des évaluations régulières devront être réalisées afin d’évaluer l’efficacité des mesures et actions visant à endiguer ou à limiter l’impact des MDRO dans les institutions de soins de notre pays.

Références

     (1)   Ruppe E, Armand-Lefevre L, Estellat C, El-Mniai A, Boussadia Y, Consigny PH, et al. Acquisition of carbapenemase-producing Enterobacteriaceae by healthy travellers to India, France, February 2012 to March 2013. Euro Surveill 2014;19(14).
     (2)   Murray BE, Mathewson JJ, DuPont HL, Ericsson CD, Reves RR. Emergence of resistant fecal Escherichia coli in travelers not taking prophylactic antimicrobial agents. Antimicrob Agents Chemother 1990 Apr;34(4):515-8.
     (3)   Laupland KB, Church DL, Vidakovich J, Mucenski M, Pitout JD. Community-onset extended-spectrum beta-lactamase (ESBL) producing Escherichia coli: importance of international travel. J Infect 2008 Dec;57(6):441-8.
     (4)   Tangden T, Cars O, Melhus A, Lowdin E. Foreign travel is a major risk factor for colonization with Escherichia coli producing CTX-M-type extended-spectrum beta-lactamases: a prospective study with Swedish volunteers. Antimicrob Agents Chemother 2010 Sep;54(9):3564-8.
     (5)   Ostholm-Balkhed A, Tarnberg M, Nilsson M, Nilsson LE, Hanberger H, Hallgren A. Travel-associated faecal colonization with ESBL-producing Enterobacteriaceae: incidence and risk factors. J Antimicrob Chemother 2013 Sep;68(9):2144-53.
     (6)   Paltansing S, Vlot JA, Kraakman ME, Mesman R, Bruijning ML, Bernards AT, et al. Extended-spectrum beta-lactamase-producing enterobacteriaceae among travelers from the Netherlands. Emerg Infect Dis 2013 Aug;19(8):1206-13.
     (7)   Tham J, Odenholt I, Walder M, Brolund A, Ahl J, Melander E. Extended-spectrum beta-lactamase-producing Escherichia coli in patients with travellers’ diarrhoea. Scand J Infect Dis 2010 Apr;42(4):275-80.
     (8)   Arcilla MS, van Hattem JM, Bootsma MC, van Genderen PJ, Goorhuis A, Schultsz C, et al. The Carriage Of Multiresistant Bacteria After Travel (COMBAT) prospective cohort study: methodology and design. BMC Public Health 2014;14:410.
     (9)   Freeman JT, McBride SJ, Heffernan H, Bathgate T, Pope C, Ellis-Pegler RB. Community-onset genitourinary tract infection due to CTX-M-15-Producing Escherichia coli among travelers to the Indian subcontinent in New Zealand. Clin Infect Dis 2008 Sep 1;47(5):689-92.
   (10)   Ahmed-Bentley J, Chandran AU, Joffe AM, French D, Peirano G, Pitout JD. Gram-negative bacteria that produce carbapenemases causing death attributed to recent foreign hospitalization. Antimicrob Agents Chemother 2013 Jul;57(7):3085-91.
   (11)   van der Bij AK, Pitout JD. The role of international travel in the worldwide spread of multiresistant Enterobacteriaceae. J Antimicrob Chemother 2012 Sep;67(9):2090-100.
(12)   MacPherson DW, Gushulak BD, Baine WB, Bala S, Gubbins PO, Holtom P, et al. Population mobility, globalization, and antimicrobial drug resistance. Emerg Infect Dis 2009 Nov;15(11):1727-32.
   (13)   Baraniak A, Grabowska A, Izdebski R, Fiett J, Herda M, Bojarska K, et al. Molecular characteristics of KPC-producing Enterobacteriaceae at the early stage of their dissemination in Poland, 2008-2009. Antimicrob Agents Chemother 2011 Dec;55(12):5493-9.
  (14)   Perez F, Van DD. Carbapenem-resistant Enterobacteriaceae: a menace to our most vulnerable patients. Cleve Clin J Med 2013 Apr;80(4):225-33.
  (15)   Bruinsma N, Hutchinson JM, van den Bogaard AE, Giamarellou H, Degener J, Stobberingh EE. Influence of population density on antibiotic resistance. J Antimicrob Chemother 2003 Feb;51(2):385-90.
   (16)   MacDougall C, Powell JP, Johnson CK, Edmond MB, Polk RE. Hospital and community fluoroquinolone use and resistance in Staphylococcus aureus and Escherichia coli in 17 US hospitals. Clin Infect Dis 2005 Aug 15;41(4):435-40.

 

Global Point Prevalence Survey (Global-PPS) Antimicrobial Consumption and Resistance printemps 2015

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Fin octobre 2014, les hôpitaux aigus ont été invités à participer au volet belge de l’étude mondiale de prévalence ponctuelle relative à l’utilisation d’antibiotiques et à la résistance au sein des hôpitaux aigus (Global Point Prevalence Survey Antimicrobial Consumption and Resistance). Cette étude est la suite des trois dernières études de prévalence ponctuelle effectuées par l’European Surveillance of Antimicrobial Consumption (ESAC) au cours de la période 2006-2009.
En Belgique, cette étude mondiale est organisée par le Belgian Antibiotic Policy Coordination Committee (BAPCOC), en collaboration avec l’Université d’Anvers (UA) et avec le soutien scientifique de l’Institut scientifique de Santé publique (WIV-ISP).

L’étude vise à :

i. décrire et comparer l’utilisation d’antibiotiques et les patrons de résistance des hôpitaux belges ;
ii. examiner les facteurs déterminants liés aux caractéristiques institutionnelles et relatives aux patients ;
iii. implémenter des indicateurs qualité, ainsi qu’à mettre en avant des valeurs cibles (p.ex. en cas de prophylaxie périopératoire, choix d’un antibiotique thérapeutique conformément aux directives locales, indication d’une thérapie par antibiotiques mentionnée dans le dossier médical) ;
iv. encourager les hôpitaux à prendre des mesures pour accroître la prudence dans la manipulation de moyens antimicrobiens ;
v.mesurer l’impact de telles interventions à l’aide d’échantillonnages internes réguliers de dossiers médicaux. Le but est également de renouveler cette étude de prévalence ponctuelle.

Le 20 janvier 2015, un atelier sera organisé à Bruxelles pour préciser le plan stratégique du groupe de travail médecine hospitalière, ainsi que la méthodologie de cette étude de prévalence ponctuelle. Le laboratoire de Microbiologie médicale de l’Université d’Anvers a élaboré l’application d-ue logiciel en ligne PPS pour cette étude mondiale et la met à disposition des hôpitaux pour y introduire, valider et exporter leurs données (excel, PPT) (http://app.globalpps.uantwerpen.be/globalpps_webpps/). Aussi bien les données concernant les patients que celles concernant l’hôpital sont anonymisées à l’aide d’un code unique. Aucun rapport, ni aucune publication ne divulguera les noms des hôpitaux participants.

En Belgique, cette étude mondiale de prévalence ponctuelle sera effectuée pendant les mois de février-mars-avril 2015. Nous vous conseillons d’informer le plus possible au préalable tous les services hospitaliers et les personnes impliquées du déroulement de cette étude, afin de pouvoir définir précisément la répartition des tâches. À l’appui de cette communication, différents documents vous seront proposés.

En participant à cette étude, les hôpitaux peuvent appliquer une méthode simple, fiable et rapide pour analyser les pratiques de prescription d’antibiotiques et les patrons de résistance au sein des différents services. Les participants reçoivent un aperçu détaillé de l’utilisation des moyens antimicrobiens et de la résistance au sein de leur propre établissement, et ainsi de l’impact de leur politique en matière d’antibiotiques. Les hôpitaux recevront également un feed-back sur les données nationales par le biais de l’Institut scientifique de Santé publique (WIV-ISP).

La participation d’un nombre représentatif d’hôpitaux belges nous permet, par ailleurs, d’obtenir des données nationales fiables sur l’utilisation de moyens antimicrobiens. Cela permettrait également de juger l’évolution de la consommation et la résistance y afférente en Belgique grâce à une comparaison avec les résultats de l’utilisation d’antibiotiques de l’étude européenne de prévalence ponctuelle «Healthcare-associated Infections and Antibiotic Use» de l’ECDC effectuée en 2011, à laquelle plus de la moitié des hôpitaux belges a participé. Cette étude a démontré que 29% des patients hospitalisés ont pris un antibiotique le jour de l’enquête.

Pour toute information complémentaire,
veuillez contacter le BAPCOC
(Dr Evelyne Van Gastel : evelyne.vangastel@health.fgov.be)
ou
le laboratoire de Microbiologie médicale de l’Université d’Anvers
(Ann Versporten : global-PPS@uantwerpen.be).

Degré d’efficacité des combinaisons de protection contre les agents biologiques

Introduction

Les soins aux patients (présumés) atteints de fièvre hémorragique virale (FHV) requièrent l’utilisation d’équipements de protection individuelle (EPI) spécifiques. Outre les gants, la coiffe, les chaussons, le masque et les lunettes de sécurité, la combinaison de protection fait généralement aussi partie de l’équipement de base des professionnels de la santé qui entrent en contact avec ce type de patients. Toutefois, les hygiénistes hospitaliers ne se sentent pas toujours en confiance avec certains équipements de protection. Ainsi, les blouses d’isolement classiques de type SMS (spunlace à l’ intérieur et à l’ extérieur et une couche de meltblown au milieu) , par exemple, utilisées pour les soins aux patients atteints de microorganismes multirésistants, n’offrent pas une protection suffisante et adéquate contre les FHV. Dans cet aperçu, nous essayons d’y voir plus clair dans l’éventail de combinaisons de protection possibles et disponibles actuellement sur le marché.

Normes

a) Vêtements de protection contre les risques chimiques
En vertu de la norme européenne EN 14126, les vêtements de protection contre les risques biologiques sont subdivisés au niveau de l’étanchéité aux fluides de la même façon que les vêtements de protection contre les risques chimiques. Ces tenues de protection chimique doivent donc être certifiées de catégorie III (« vêtements de protection chimique », reconnaissables grâce au pictogramme : cf fig.1).

Figure 1
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Ces vêtements de catégorie III visent à protéger celui qui les porte contre un risque mortel ou de lésion permanente. En fonction du degré de protection, on distingue au sein de cette catégorie III six niveaux de protection (voir tableau 1). 

Tableau 1
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Le type 1 est encore subdivisé en différentes sous-catégories. Le type 1a dispose d’un appareil respiratoire isolant intégré. Avec le type 1b, l’appareil respiratoire isolant est porté par-dessus la combinaison de protection. Dans la tenue de type 1c, l’apport d’air est assuré par des tuyaux. Les types 1a-ET et 1b-ET sont destinés aux équipes d’urgence (ET = emergency teams).

b) Vêtements de protection contre les risques biologiques
L’ajout du suffixe B permet de reconnaitre les vêtements de protection contre les risques biologiques, par exemple type 3-B. Le pictogramme « protection contre les risques biologiques » est également utilisé. (Figure 2).

Figure 2
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La norme EN 14126 reprend toute une série de méthodes d’essai permettant de déterminer la classe de protection. Plus la classe de protection est élevée, plus le niveau de protection est haut. Cela peut porter à confusion avec la classification telle qu’indiquée dans le tableau 1, où la classe de protection diminue à mesure que la numérotation suit son cours. Il convient donc, au moment de sélectionner la tenue de protection, de garder à l’esprit que le degré de protection n’est pas très élevé en classe de protection 1 en vertu de la norme EN 14126. Plus la classe de protection est élevée, mieux la tenue de protection protègera son porteur dans une situation spécifique.

1°) Test en vertu de l’ISO 22611: degré de protection contre la pénétration par des aérosols biologiquement contaminés.
table-a

2°) Test en vertu de l’ISO 22610: Degré de résistance d’un matériau à la pénétration de bactéries dans un liquide lorsque ce matériau est soumis à un frottement mécanique.

table-b

3°) Test en vertu de l’ISO 16603: Degré de protection contre la pénétration de sang synthétique sous pression pendant 5 minutes.
table-c

 

4°) Test en vertu de l’ISO 16604: Degré de protection contre la pénétration de virus véhiculés par le sang pendant 5 minutes.
table-d

 

Outre ces 4 tests, il est possible qu’un test viral supplémentaire soit également réalisé avec un liquide contaminé avec un bactériophage (Phi-X-174). Ce test est comparable au test effectué en vertu de l’ISO 16603, où il est fait usage de sang synthétique.

Confort au porter

Le fait de travailler dans des vêtements de protection imperméables peut influencer sérieusement la température corporelle, et ce, que ce soit dans des zones (sub)tropicales ou dans des chambres de patient bien chauffées d’hôpitaux occidentaux. En effet, ce type de vêtement limite l’évacuation de la chaleur et de la sueur, entrainant une augmentation de la température corporelle. Ce problème se pose surtout avec les vêtements de protection de type 1 à 3 (voir tableau 1). En revanche, les vêtements de type 4 à 6 sont fabriqués en matériau microporeux, permettant à la sueur et la chaleur de s’échapper dans une certaine mesure.

Les professionnels de la santé qui portent des vêtements de protection doivent dès lors pouvoir interrompre à temps leurs activités. L’OSHA (Occupational Safety and Health Administration) conseille ainsi de limiter le temps de travail à 20 minutes, par exemple, dans un environnement chaud ou en présence d’activités physiques lourdes. Dans cette optique, il est également primordial de s’hydrater suffisamment avant de reprendre les activités.

Accessoires

Outre le port de combinaisons de protection, il peut être nécessaire d’utiliser des accessoires de protection tels que des chaussons de protection remontant jusqu’au mollet ou une protection de tête supplémentaire. On peut également se baser, lors du choix de ces accessoires, sur les normalisations visées plus haut. Toutefois, si la notification se limite à, par exemple, catégorie III de types 5 & 6, on peut en conclure qu’un tel équipement de protection protègera suffisamment contre de légères éclaboussures, mais pas contre de copieuses éclaboussures sous pression.

Conclusion

Le choix d’équipements de protection individuelle sera déterminé par une analyse de risques. La prestation de soins au chevet de patients porteurs de FHV requiert l’utilisation d’une protection adéquate, comme une combinaison de protection offrant un niveau de protection minimal de type 3 B ou supérieur. Ceux qui n’entrent pas en contact avec les patients mais assistent au déshabillage de ceux qui ont eu un contact avec ces patients ou avec la manipulation d’échantillons, de conteneurs de déchets fermés, etc. peuvent être suffisamment protégés avec un niveau inférieur d’EPI (exemple de type 5B ou 6B).

Références

  1. EN 14126:2004 Protection biologique. Performances requises et méthodes d’essai pour les vêtements de protection contre les agents Infectieux, CEN – Comité européen de normalisation, Bruxelles.
  2. Vêtements de protection contre les risques chimiques et biologiques. http://oshwiki.eu/wiki/Protective_clothing_against_chemical_and_biological_hazards.

 

 

 

On a lu pour vous

S. Yokoe, D. J. Anderson, S. M. Berenholtz, D. P. Calfee, E. R. Dubberke, K. D. Ellingson, D. N. Gerding, J. P. Haas, K. S. Kaye, M. Klompas, E. Lo, J. Marschall, L. A. Mermel, L. E. Nicolle, C. D. Salgado, K. Bryant, D. Classen, K. Crist, V. M. Deloney, N. O. Fishman, N. Foster, et al.

A compendium strategies to prevent healthcarre-associated infections in acute care hospitals : 2014 updates

American Journal of Infection Control, vol 42 (8) : 820-828, 2014

Depuis la publication du «Compendium des stratégies pour la prévention des infections associées aux soins dans les hôpitaux aigus» en 2008, la prévention des infections associées aux soins (HAIs) est devenue une priorité nationale. Malgré les efforts, des HAIs évitables surviennent encore. Les mises à jour 2014 du compendium sont réalisées pour apporter aux hôpitaux aigus une guidance experte pratique et à jour pour les aider dans la mise en place et le choix des priorités dans leurs efforts de prévention des HAIs. C’est le produit d’efforts très collaboratifs menés par la Société d’épidemiologie hospitalière américaine (SHEA), la Société américaine des maladies infectieuses (IDSA), la Société américaine des hôpitaux (AHA), l’Association américaine des professionnels en contrôle de l’infection et épidémiologie (APIC) et la « Joint Commission », avec de larges contributions de représentants d’un grand nombre d’organisations et de sociétés ayant une grande expertise en ce inclus, les Centres de contrôle des maladies (CDC), l’Institut pour l’amélioration des soins (IHI), la Société des maladies infectieuses pédiatrique (PIDS), la Société de médecine intensive (SCCDM), la Société de médecine hospitalière et la Société ds infections en chirurgie.

L.L. Steed, J. Costello, S. Lohia, T. Jones, E. W. Spannhake, S. Nguyen

Reduction of nasal Staphylococcus aureus carriage in health care professionals by treatment with a nonantibiotic, alcohol-based nasal antiseptic.

American Journal of Infection Control, vol 42 (8) : 841-846, 2014 

Contexte : Les antibiotiques utilisés pour réduire la colonisation nasale chez les patients par Staphylococcus aureus avant leur admission sont inappropriés pour réduire le portage sur une base régulière dans un hôpital général. Des alternatives effectives non antibiotiques pour l’utilisation quotidienne dans les narines pourraient réduire cette source bactérienne.

Méthode : notre étude a testé l’efficacité d’un antiseptique non antibiotique en base alcoolique pour la réduction du portage bactérien nasal chez les professionnels de santé (HCPs) dans un centre hospitalier urbain. Les HCPs testés positifs pour la colonisation vestibulaire à Staphylococcus aureus ont été traités trois fois pendant la journée avec un antiseptique local ou une préparation de contrôle. Les niveaux de colonisation bactérienne totale et de Staphylococcus aureus nasal ont été déterminés avant et après une journée de travail de 10 heures.

78 (20,2 %) des 387 HCPs testés étaient positifs pour la colonisation à Staphylococcus aureus. Sur les 39 sujets testés positifs pour la présence de Staphylococcus aureus qui ont participé à l’étude, 20 ont reçu l’antiseptique et 19 ont reçu un traitement placebo. Le traitement antiseptique a réduit les unités formant colonie de Staphylococcus aureus de 99 % (médiane) de la ligne de base et de 82 % (moyenne) (P<0,001). Les unités formant colonie des bactéries totales ont été réduites de 91 % (médiane) et de 71 % (moyenne) (P<0,001).

Nous concluons que l’application d’un antiseptique non antibiotique en base alcoolique réduit efficacement le portage de Staphylococcus aureus et des bactéries totales, suggérant que cette approche est sûre, efficace et une alternative intéressante au traitement antibiotique.

E.J Carter, S. M. Pouch, E. L. Larson

Common infection control practices in the emergency department : a literature review

American Journal of Infection Control, vol 42 (9) : 957-962, 2014

Contexte : les infections associées aux soins (HAIs) sont un défi majeur pour la santé bien qu’elles soient largement évitables. Le département des urgences (ED)est une composante essentielle du système de soins de santé et sujet à des défis de charge de travail qui peuvent gêner l’adhésion du personnel aux pratiques de prévention de l’infection basées sur les recommandations.

Méthode : l’objectif de cette revue est d’examiner la littérature parue concernant le taux d’adhésion parmi le personnel ED pour choisir les pratiques de prévention de l’infection incluant l’hygiène des mains (HH) et les techniques aseptiques durant le placement de cathéters veineux central et urinaire. Nous avons recherché sur PubMed les études qui incluaient le taux d’adhésion du personnel ED pendant les soins de routine au patient, les techniques aseptiques pendant le placement de cathéters veineux central et urinaire et le taux de contamination de l’équipement.

Nous avons relevé 853 études et 589 « abstracts » ont été examinés. Nous avons examiné le texte complet de 36 articles, et 23 articles ont rencontré les critères d’inclusion. 8 études utilisaient des échelles variées de mesure de la compliance à l’hygiène des mains (HH) qui sétalait de 7,7 % à 89,7 %. 7 articles ont examiné l’insertion de cathéter veineux central en ED ou par des médecins résidents aux urgences. Des détails sur les pratiques aseptiques pendant la pose de cathéter urinaire étaient manquants. 4 articles ont décrit la contamination de l’équipement dans ED.

Nous concluons que des définitions et méthodes standard de monitoring de la compliance sont nécessaires pour comparer les résultats entre services. 

Schek Mc Alearney, J. L. Hefner

Facilitating central line-associated bloodstream infection : a qualitative study comparing perspectives of infection control professionals and frontline staff.

American Journal of Infection Control, vol 42 (10) : S216-S222, 2014

Environnement: les professionnels en contrôle de l’infection (ICPs) jouent un rôle primordial dans la mise en place et la gestion des interventions de réduction des infections associées aux soins alors que le personnel de terrain est responsable de fournir des soins directs et continus au patient. L’objectif de notre étude est de déterminer si les ICPs et le personnel de terrain ont des vues différentes sur les facilitateurs et les défis sur le succès des programmes de prévention des septicémies liées au cathéter veineux central (CLABSI).

Méthode : nous avons réalisé des enquêtes informatives dans 8 hôpitaux qui participaient à la prévention des CLABSI dans le cadre de l’Agence pour la recherche et la qualité dans les soins de santé, initiative intitulée :  « On the CUSP : Stop BSI ». Nous avons analysé les données des interviews de 50 infirmières de terrain et 26 ICPs pour identifier les thèmes communs liés aux facilitateurs et défis du programme.

Nous avons identifié 4 facilitateurs de succès du programme CLABSI : éducation, leadership, données et cohérence. De même, nous avons identifié 3 défis communs : manque de ressources, priorités en compétition et résistance médicale. Cependant, la perspective des ICPs et du personnel de terrain est différente. Alors que les ICPs tendent à se focaliser sur des descriptions générales, le personnel de terrain relève les spécificités du programme et discute souvent des exemples concrets.

Nous concluons que les ICPs devraient prendre en compte les perspectives du personnel infirmier de terrain lorsqu’ils mettent en place le contrôle de l’infection et des initiatives plus larges de recherche de qualité. De plus, l’inclusion délibérée de personnel de terrain dans la mise en place de ces programmes peut être fondamentale pour le succès de ces programmes.

 

K. Perumal, M. E. Wand, J. M. Sutton, L. J. Bock

Evaluation of the effectiveness of hydrogen-peroxyde-based disinfectants on biofilms formed by Gram-negative pathogens

Journal of Hospital Infection, vol 87 (4) : 227-233, 2014

Environnement : les désinfectants à base d’eau oxygénée (H2O2) sont largement utilisés dans différentes unités de soins pour contrôler la colonisation et la contamination bactériennes et réduire le risque d’infection croisée. Les tests d’efficacité de ces formulations sont réalisés sur des cultures planctoniques bien qu’il soit bien connu que les biofilms sont la forme dominante de contamination et très difficiles à éradiquer.

L’objectif de l’étude et de déterminer si les biofilms de trois pathogènes Gram négatif avec un phénotype de résistance peuvent être efficacement éradiqués en utilisant différents produits désinfectants à base d’H2O2.

Des cultures planctoniques et une espèce unique de biofilm de 24 heures de 7 lignées de Acinetobacter spp, 7 lignées de Klebsiella pneumoniae et 7 lignées de Pseudomonas aeruginosa, incluant des isolats cliniques ont été exposées à des concentrations actives de H2O2 et à des formulations contenant H2O2 pendant 1 minute à 24 heures. Nous avons analysé la survivance.

Les niveaux de sensibilité des cultures planctoniques à H2O2 pure ou dans une formulation sont semblables pour tous les organismes et espèces testées avec des concentrations minimales d’inhibition allant de 0,5 à 20mM H2O2. Cependant, les biofilms ont montré une sensibilité diminuée de 266 fois à H2O2 et à ses formulations. Le niveau de réduction de sensibilité est corrélé à la propension de l’espèce à produire du biofilm et est différente entre espèces. Les deux formulations contenant des additifs actifs acides sont meilleures pour des temps d’exposition courts alors que les produits contenant de l’éthanol demandent une exposition plus longue pour être efficaces.

Nous concluons que le biofilm d’un nombre significatif d’isolats cliniques de pathogènes multi résistants ne sont pas sensibles à des concentrations de travail de la plupart des désinfectants en base H2O2. Ceci peut compromettre la possibilité de contrôler ces pathogènes avec de tels produits. 

L’empowerment des patients

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1.  Introduction

Définition de l’empowerment

 Jusqu’il y a peu, la notion la plus courante dans la littérature est celle «d’éducation thérapeutique» ou «d’éducation à la santé du patient». Cette terminologie cherche probablement à ôter le caractère trop paternaliste parfois présent dans d’autres expressions comme «l’éducation du patient». Pour l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), «l’éducation thérapeutique du patient est un processus continu, intégré dans la démarche de soins et centré sur le patient. Il comprend des activités organisées de sensibilisation, d’information, d’apprentissage et d’accompagnement psychosocial concernant la maladie, le traitement prescrit, les soins, l’hospitalisation et les autres institutions de soins concernées. Ce processus éducatif vise à aider le patient et son entourage à comprendre la maladie et le traitement, à mieux coopérer avec les soignants et à maintenir ou à améliorer sa qualité de vie». Cette définition souligne la complexité de la relation soigné-soignant et se confond avec la relation thérapeutique en général (Dumont, 2001).

En 2001, les structures hospitalières s’impliquent de manière croissante dans le développement de l’éducation thérapeutique. Déjà à ce moment, l’absence, au niveau légal, de la considération de cette mission n’en facilite pas une vision à long terme.

L’empowerment, autonomisation ou capacitation, est la prise en charge de l’individu, par lui-même, de sa destinée économique, professionnelle, familiale et sociale. Selon Bernard Vallerie (2008), on repère la première utilisation du terme «empowerment» aux États-Unis, au début du XXe siècle. Il est alors énoncé par les femmes luttant pour la reconnaissance de leurs droits. On retrouve également cette notion dans les méthodes du «community organizing» de Saul Alinsky, dès les années 1930, puis dans le mouvement des droits civiques dans les années 1960. En 1965, un groupe de psychologues utilise la notion dans le cadre de pratiques de psychologie communautaire. La notion va alors se diffuser dans de nombreux champs et se retrouver dans les politiques publiques de lutte contre la pauvreté. Dans cette approche, c’est à partir de son opposé que la notion d’empowerment apparaît : une personne perçoit la diminution ou la perte de son autonomie dans un environnement hostile (powerlessness) (Aujoulat, 2007). Développement du pouvoir d’agir des personnes et des collectivités (empowerment) et pratiques sociales : une approche susceptible de contribuer à une dynamique de développement durable. Bernard Vallerie, IUT2 de Grenoble.
L’empowerment se décline également en plusieurs dimensions: individuelle, communautaire et organisationnelle (Gendron, 2006).

L’Organisation Mondiale de la Santé considère l’empowerment des patients en fonction d’objectifs à atteindre dans la politique de santé actuelle. Rendre les patients et les citoyens autonomes et distribuer des soins centrés sur le patient sont considérés comme des éléments importants pour améliorer les résultats et la performance des systèmes de santé. La société actuelle attend une forme nouvelle de gouvernance de la santé plus proche d’une participation des citoyens et des patients (Jakab 2012).

Pourquoi cette réflexion s’accentue-telle?

Contexte hospitalier

 

Depuis la deuxième moitié du XXe siècle, les développements de la médecine ont été rapides ; ils concernent autant la pratique au domicile du patient qu’en milieu hospitalier. 
Au départ des bases mêmes de la médecine (anamnèse, sémiologie, pari diagnostic, pari thérapeutique), les chercheurs ont rapidement élargi la pharmacopée existant encore après la deuxième guerre mondiale et ils ont développé des technologies d’investigation, de traitements médicaux et chirurgicaux, et de communication dont le retentissement s’accentue plus encore dans l’accélération des progrès actuels.
Au cours des 30 dernières années, les pouvoirs de tutelle sont intervenus pour l’organisation de la médecine hospitalière mais ce ne sont pas les lois Dehaene ou Busquin qui expliquent, en Belgique, le besoin actuel de reconsidérer l’organisation des soins hospitaliers pour le bénéfice du patient.

En effet, depuis les années 1980, les grands domaines de la médecine et de la chirurgie ont vu apparaître différentes spécialités «filles» correspondant à une hyper spécialisation dans des domaines autant diagnostique que thérapeutique. L’engouement des médecins eux-mêmes pour cette évolution n’a pas été complètement maîtrisé. On a vu disparaître, par exemple, les internistes généraux sans qu’aucun autre spécialiste ne puisse assurer un rôle équivalent de coordination dans le domaine de toutes les spécialités écloses en médecine interne. Cette pénurie est le reflet, non pas d’un désintérêt intellectuel, mais bien des conséquences de la nomenclature qui défavorise totalement cette pratique qui ne comporte aucune exploration technique tarifiée.
Les évolutions diagnostiques et thérapeutiques ont permis de raccourcir la durée moyenne de séjour en hospitalisation classique changeant aussi la charge de travail des équipes soignantes. Dans le même temps, la médecine ambulatoire hospitalière s’est fortement développée, principalement au niveau de l’hôpital de jour chirurgical, de l’hôpital de jour médical oncologique et des policliniques.

L’évolution socio-économique de l’après-guerre et le développement des soins médicaux ont contribué à augmenter l’espérance de vie. L’augmentation de la moyenne d’âge des patients hospitalisés fait apparaître par la même occasion plus de pathologies lourdes et graves, plus de maladies chroniques (Ekinci, 2005). Elles sont définies par l’OMS comme «affections de longues durées qui en règle générale, évoluent lentement». En Europe, les maladies cardio-vasculaires représentent la première cause de décès (33 %) suivies par les cancers (27 %). En Belgique, plus d’un quart de la population (27,2 %) déclare souffrir d’une maladie chronique (KCE, 2012).

L’hôpital est une structure complexe où travaillent de nombreux professionnels médicaux, infirmiers, paramédicaux, administratifs et des services de soutien. Il y existe de grandes diversités de structures, de motivations, de compétences et de pratiques.
Les projets pour la qualité des soins et la sécurité des patients visent à améliorer l’organisation. Les processus de soins ont déjà fait l’objet de nombreuses démarches (itinéraires cliniques, check-lists, transfert des patients, etc.). A l’évidence, l’organisation n’est pas un problème isolé ; d’autres s’y greffent et sont également très importants comme l’information et la communication. Ces dernières concernent autant le patient que les professionnels eux-mêmes.

L’empowerment doit s’associer à toutes les attentions «centrées» sur le patient. La notion de «centrage» vis-à-vis du patient prend déjà un aspect ancien.
En effet, le modèle paternaliste a fait place à un modèle participatif. Celui-ci est d’ailleurs renforcé par la loi des droits des patients de 2002.

Les 9 dimensions du «patient-centred care» sont (Leperre-Desplanques, Banaei-Bouchareb, Erbault, 2012) :

  1. accès au soin,
  2. respect pour les valeurs, préférences et besoins exprimés des patients,
  3. coordination et intégration du soin,
  4. information, communication et éducation,
  5. confort physique,
  6. aide émotionnelle et soulagement de la peur et de l’anxiété,
  7. implication de la famille et des amis,
  8. transition et continuité,
  9. courtoisie.

Ce qu’attendent les patients

 La «participation des patients» n’est pas comprise de la même façon des patients ou des professionnels de la santé et n’a pas le même sens pour tous. Elle est souvent assimilée au respect du traitement médical et des ordres du médecin. Elle est souvent comprise comme la transmission d’informations générales sur les symptômes des patients. En revanche, elle est moins souvent comprise comme un dialogue plus interactif, ou comme une occasion pour le patient de donner son avis et de participer au devenir de sa prise en charge médicale.

Les praticiens et les patients ne mettent pas clairement en évidence les avantages plus concrets de la participation dans le processus de soins. L’idée d’une meilleure coopération entre le professionnel de la santé et le patient qui permet d’arriver à de meilleurs résultats en matière de santé n’apparaît pas toujours de façon évidente dans l’appréciation des uns et des autres.
Pour beaucoup, la communication est au cœur du sujet. Pour les patients, cela signifie que les praticiens doivent leur expliquer le diagnostic et le traitement. Pour les praticiens, les patients doivent décrire les symptômes et les tenir informés des progrès du traitement.

La principale barrière à une communication efficace est le temps que les médecins peuvent consacrer aux patients. Patients et médecins décrivent le manque de temps dont les médecins disposent pour expliquer les options de traitement.
Certains patients décrivent un «rapport traditionnel médecin – patient», dans lequel le médecin est perçu comme une personne incontestable et où les patients sont gênés de donner leur avis. Pour cette raison, certains patients estiment qu’il est plus facile de communiquer efficacement avec les infirmiers qu’avec les médecins, particulièrement dans les hôpitaux.
Même si les patients ne veulent pas être responsables de la décision à prendre, ils jugent important de pouvoir poser des questions et de comprendre comment les décisions sont prises (Eurobaromètre, 2012).

L’OMS renouvelle en mai 2013 son engagement pour la participation, la coopération et l’autonomisation des patients dans un texte «Un soin propre est un soin plus sûr». Très clairement, les objectifs sont les suivants :

  1. instaurer une véritable culture de la sécurité dans laquelle les patients, leur famille, les visiteurs et les professionnels de santé œuvrent ensemble,
  2. inviter et encourager les patients à aider les professionnels soignants à améliorer leur pratique,
  3. au bout du compte, améliorer l’hygiène des mains et prévenir les infections associées aux soins (OMS, 2013).

En fait, le problème se complique encore par la perception aliénante de la maladie par le patient «ne plus se reconnaître» ou «ne plus être reconnu», «ne plus s’appartenir», «ne plus être le même», etc… sont des expressions très fréquentes des patients (Aujoulat, 2007). Elles révèlent la détresse du patient qui, confronté à la maladie, se trouve en face du douloureux défi de devoir devenir «autrement le même», «autrement» référant aux changements rendus nécessaires par la maladie. Il existe donc un contraste entre l’empowerment comme concept, qui est souvent décrit dans la littérature comme un processus de prise de contrôle assorti d’objectifs éducatifs tels que le renforcement du sentiment d’auto efficacité par rapport à des comportements qui ne sont pas nécessairement auto déterminés, c’est-à-dire choisis par la personne concernée, et d’autre part, l’empowerment comme expérience de vie, qui n’est pas orienté vers l’élargissement mais vers l’être, et qui suppose l’acceptation d’une perte de contrôle.
Toute cette complexité est difficilement expliquée par le patient qui se replie le plus souvent sur lui-même et qui ne se sent pas dans le cadre idéal pour en parler au moment d’une «consultation classique».
Le choix représente également un aspect essentiel de la participation des patients. Il englobe plusieurs types de sujets, dont: pouvoir changer de médecin et connaître les traitements alternatifs.

Presque tous les patients ont aujourd’hui un meilleur accès aux informations concernant leurs symptômes, les diagnostics possibles et les soins. Cette évolution représente un élément positif du point de vue des patients. Ils estiment cependant que les informations devraient être réglementées pour avoir des garde-fous particulièrement utiles sur Internet.

Les professionnels de la santé perçoivent les avantages de la «participation des patients» dans la mesure où les patients sont plus motivés et impliqués. Les avantages pour les patients sont: une information plus optimale, l’explication des options thérapeutiques ainsi qu’un dialogue plus ouvert dans lequel la communication est plus efficace et ouvre au dialogue.

Les deux risques majeurs de la «participation des patients» semblent être les besoins en ressources (par exemple davantage de temps et de personnel) et l’impact négatif qu’elle pourrait avoir sur le rapport patient/médecins. Bénéficier d’explications complémentaires sur les soins et discuter des options impliquent une plus grande contrainte de temps imposée aux médecins et de disponibilité de personnel actuellement non financé (Eurobaromètre, 2012). De plus, si cette prise en charge doit comporter également la liaison entre l’hôpital et d’autres structures extérieures, le problème ce complexifie encore.
Le patient qui rentre plus tôt à son domicile a souvent besoin d’aides complémentaires qui ne font l’objet d’aucune prise en charge par les caisses d’assurance maladie.
En juin 2011, le SPF Santé Publique a publié sa «Note conceptuelle sur les soins transmuraux». L’hôpital n’est qu’une étape dans les soins des patients. Des liens plus forts devraient se tisser avec l’ensemble des structures d’aval. Il faut malheureusement reconnaître que l’expression des besoins des malades est loin d’être rencontrée à ce niveau et que beaucoup reste à faire. En conséquence, l’hôpital manque d’interlocuteurs et de structures d’accueil des patients. La situation s’aggrave aussi avec la pénurie médicale. Vu l’évolution du nombre de médecins généralistes (trois départs sont remplacés par une arrivée), un scénario hautement probable est le partage croissant de leurs tâches avec d’autres professions de la santé.

La loi des droits des patients

 Le 22 août 2002, entrée en vigueur de la loi relative aux droits du patient. Cette nouvelle loi a incontestablement imposé de nouvelles contraintes au corps médical.
Elle a aussi, indirectement, introduit une autre façon de communiquer avec le patient. Grâce à la possibilité de demander un avis à un autre prestataire de soins et d’obtenir une copie de son dossier médical, le patient acquiert de plus en plus de connaissance sur lui-même et sur sa maladie ; et sur ce que fait et pourrait faire le soignant auquel il se confie.
Du côté médical, on devient alors plus prudent, craintif par rapport aux actions en justice et aux attaques des patients qui se disent «acteurs de leur maladie».
Malheureusement, ce type de comportement fragilise la relation de confiance. Le patient a davantage recours à la plainte envers son médecin et celui-ci se sent contraint à adopter un maximum de précautions et de prendre de la distance.
L’article 17 de la loi sur les hôpitaux (coordonnée le 07/08/1987) ajoute un article 17novies et instaure au sein des hôpitaux l’obligation d’avoir un service de médiation hospitalière.
Une des missions principales du Médiateur est de faciliter et de restaurer le dialogue entre les soignants et les soignés, afin de prévenir les litiges ou de résoudre ceux qui ont commencé.

Les droits du patient :

Art. 5. Prestations de qualité répondant à ses besoins:

  • Qualité des soins.
  • Respect de la dignité humaine.
  • Respect de l’autonomie.
  • Sans la moindre discrimination.

 Art. 6. Libre choix du praticien professionnel:

  • Liberté du choix.
  • Modification du choix.

Art. 7. Droit d’être informé:

  • Sur son état de santé et son évolution probable.
  • Dans une langue claire.
  • Par écrit, si le patient le demande.
  • Accompagné par une personne de confiance, si le patient le souhaite.
  • Droit de ne pas être informé.

Art. 8. Consentement libre et éclairé:

  • Moyennant une information préalable, donnée en temps opportun.
  • Donné expressément, sauf lorsque le praticien professionnel peut inférer du comportement du patient qu’il consent à l’intervention.
  • Fixé par écrit dans le DM du patient (conditions).
  • Refus ou retrait de consentement (conditions).
  • Cas d’urgence. 

Art. 9. Le dossier du patient:

  • Soigneusement tenu à jour et conservé en lieu sûr.
  • La consultation du dossier du patient (délais – personne de confiance – annotations personnelles – refus).
  • La copie du dossier du patient (délais – coût – refus).
  • Le dossier du patient décédé.

Art. 10. La vie privée du patient:

  • Lors de toute intervention du praticien professionnel.
  • Sur les informations liées à sa santé.
  • Respect de l’intimité du patient.
  • Aucune ingérence n’est autorisée (sauf exceptions).

Art. 11bis. Droit à des soins appropriés:

  • Prévenir, écouter, évaluer, prendre en compte, traiter et soulager la douleur.

Les devoirs du patient :

  • Participer activement à la relation de soin pour garantir un dialogue ouvert.
  • Transmettre toutes les informations nécessaires pour que le prestataire puisse prodiguer les soins adéquats.

Les droits du prestataire de soins :

  • Exception thérapeutique : dans l’intérêt du patient, le praticien, dans le cadre d’une concertation pluridisciplinaire, peut déroger à la décision prise.
  • Refuser l’accès au dossier médical s’il dispose d’éléments indiquant que le patient subit des pressions.
  • Confidentialité de ses annotations personnelles dans le dossier médical (uniquement consultation indirecte, par l’intermédiaire d’un médecin).

Les devoirs du prestataire de soins :

  • Se conformer à la législation relative aux droits du patient.
  • En cas de plainte, donner suite à une invitation à un entretien avec le médiateur.

2.  Les objectifs à atteindre

Généralités

Il nous semble essentiel que les réflexions d’amélioration de l’empowerment des patients au sein de l’institution hospitalière se fassent en présence de tous les interlocuteurs.
Dans cette démarche, on peut s’inspirer du modèle de Robert Dilts avec les six niveaux différents, en pyramide, partant de la base vers le sommet : l’environnement, le comportement, les aptitudes, puis les valeurs et l’identité, pour arriver finalement à l’appartenance. Il s’applique à tous les processus de l’apprentissage, de changement, de communication, de solution à des problèmes (Seidi, 2011). En posant des questions à chaque niveau, il est possible de rassembler des informations permettant de situer l’endroit où un changement est nécessaire et ce n’est qu’en présence de tous les acteurs que la démarche peut être complète. Plus une personne en sait sur elle-même et sur son interlocuteur, plus il lui est facile de se mettre à la place de l’autre. De ce fait, les problèmes peuvent être identifiés plus aisément et on évite de s’adonner à de pures spéculations qui ne permettraient pas à la nouvelle structure souhaitée d’aboutir. D’autre part, il est ainsi possible d’attribuer les problèmes à un niveau et les endroits où un changement s’impose. Et, leur traitement a lieu au niveau qui est juste au-dessus.

Le projet d’un empowerment des patients concerne particulièrement l’équipe de médecins et d’infirmières et c’est à partir de l’expression de leurs besoins qu’un débat plus général peut être ouvert en matière de culture de la qualité de la sécurité des soins et donc en culture organisationnelle.
Les directions pourront ainsi exprimer leur point de vue et donner leur vision des possibilités dans ce domaine. Ces échanges d’idées doivent se poursuivre de la même façon pour les points suivants, les outils et les méthodes.

Au niveau des équipes soignantes, il n’y a pas de mystère: les besoins sont la disponibilité de temps et de ressources, de locaux d’accueil et de formation, de la logistique téléphonique et de secrétariat.

On peut se demander pourquoi ils ne sont déjà pas rencontrés quand ces démarches d’organisation des soins des patients écourtent les hospitalisations et permettent à l’institution de mieux répondre à la demande.

Comment répondre à l’attente du patient

 Dans un premier temps, la phase diagnostique peut-être plus ou moins complexe en fonction des symptômes du patient. Dans un second temps, quand la maladie est connue, l’objectif thérapeutique et le traitement médical lui sont souvent présentés comme des impératifs (Barrier, 2009).
Une forte proportion de malades chroniques est considérée habituellement comme ne suivant pas suffisamment leur traitement et l’on peut estimer à 30% des patients chroniques ceux qui sont totalement «non observants».
Le discours médical est trop souvent encore lié à une conception de normativité où la norme apparaît comme la seule priorité du médecin.
Il faut considérer l’aptitude du patient à d’abord accepter le diagnostic et ensuite à découvrir et à gérer par lui-même ce qu’il considère comme sa norme de santé pour son meilleur épanouissement possible dans le cadre de la maladie. C’est à ce moment que le patient bâtit un réel projet de vie qui influence l’orientation des décisions à prendre.
C’est là un aspect délicat du problème de la gestion du temps par le médecin dans sa relation au patient chronique.
Dans les conditions d’un premier diagnostic, il n’y a pas lieu de postposer la sortie si toutes les conventions avec le patient ne sont pas abouties. La prise en charge éducative doit se poursuivre en ambulatoire. Dans certains cas, la prise en charge est uniquement ambulatoire.

À partir de ce moment, on rentre dans une phase importante de communication entre le patient, le médecin et les équipes soignantes. Il faut en effet identifier et valider des choix de traitement avec lui et ensuite négocier ses choix en fonction du projet de vie. C’est après cette étape qu’on pourra envisager son autonomisation (Dumez, 2012).

Le contrôle des effets du traitement est donc essentiel. En effet, c’est bien au patient, qui gère lui-même son traitement à qui revient le rôle de contrôle de sa maladie. Le patient autonome vise à repousser les contraintes de sa maladie. C’est la pratique d’ajustement du traitement en autocontrôle volontaire qui peut le lui permettre. Le médecin passe en quelque sorte au second plan. Il est évident que, dans des situations d’urgence, des décisions doivent être prises et qu’elles reviennent en toute légitimité au médecin qui a les instruments de savoir et d’action salutaires.

L’autonomie peut ainsi être comprise comme la gestion intelligente des dépendances impliquées par le statut de patient. Le patient peut poursuivre dès lors un parcours de self management tout en étant bien entendu encore encadré par les équipes de soins, jusqu’à arriver à une certaine expertise dans le domaine de sa maladie qu’il pourrait partager avec d’autres. Nous arrivons ainsi à une notion de «patient expert» qui n’est pas encore véritablement consacrée dans nos habitudes.

Le patient expert

 Le patient peut être expert de lui-même pour lui-même : c’est alors un véritable partenaire des médecins et des équipes soignantes. Le patient expert peut-être aussi une ressource pour les autres, par exemple à la demande des équipes soignantes et son expertise peut concerner d’autres horizons que ceux de la seule maladie.
Le patient expert peut être enfin un patient aidant, en particulier pour les patients novices ou les patients en difficulté.
Il faut dès lors prévoir une aide disponible en permanence. L’informatique a une place privilégiée dans un tel domaine. La note d’orientation SPF Santé Publique – INAMI (2013) présente l’idée d’un module qui devrait répondre à plusieurs critères pour aider le patient et pour assurer la surveillance de son évolution et la prévention des complications.
Cette mission peut aller jusqu’à un patient expert «professionnel» qui doit alors oublier son expérience personnelle et se former pour la connaissance de la maladie, de la psychologie et de la communication. Qui va gérer ce programme de formation? Quelle doit être l’évaluation de la formation suivie? Quelles seront les modalités de «certification»? Bien d’autres questions peuvent encore être évoquées sur ce sujet (Grimaldi, 2012).

Le case management

L’empowerment étant une démarche particulièrement attachée aux maladies chroniques, sa gestion devient une nécessité (SPF Santé Publique, INAMI, 2013). Dans les cas ordinaires, le patient devrait pouvoir assurer seul la gestion de son cas (tout au moins jusqu’à un certain âge). Si la complexité de la situation est importante ou que l’autonomie du patient diminue, d’autres personnes seront plus impliquées dans le case management. Cette fonction nécessite la définition d’un case manager mais aussi une autre façon de se coordonner. La communication et l’approche multidisciplinaire des soins sont 2 facteurs de réussite que l’on trouve dans toutes les démarches Qualité. Ceci implique non seulement de nouvelles fonctions mais également une formation adaptée.

Ethique et déontologie

L’empowerment des patients apparaît comme une démarche naturelle pour le bénéfice du binôme patient-médecin.
En règle générale, il n’y a pas de crainte particulière à exprimer sur le sujet mais certains cas de figure doivent cependant être évoqués en raison des droits des patients. Cela concerne particulièrement le secret médical dans les cas de support par un membre de la famille: divergence de vue entre membres d’une même famille, situation potentielle de succession, etc. Cette aide doit-elle être associée à la notion de personne de confiance désignée officiellement par le patient (et résiliable)?

Dans l’objectif d’une prise en charge transmurale complète et de soins intégrés, il faut bien définir les partenaires et établir des conventions de telle sorte que la transmission du dossier médical réponde aux exigences en la matière et que le patient (ou son délégué) ait marqué son accord.

«Output» et indicateurs

 Comme pour tout projet qualité-sécurité des patients, la mesure des résultats est un point essentiel de feedback pour poursuivre l’amélioration.
Indicateurs à discuter : morbi-mortalité, ré hospitalisations, satisfaction, événements indésirables, retours d’expérience, médiations, plaintes, par exemple. Ils devraient être, qualitatifs et quantitatifs, validés scientifiquement, acceptés des professionnels de la santé et des représentants des patients. Ils devraient assurer également un feedback des aspects pratiques (faisabilité) et de la maîtrise des coûts.

3.  Conclusions

Le processus de l’empowerment peut être construit sur un principe d’itinéraire clinique pour ses aspects principaux en respectant les étapes essentielles qui mènent à l’autonomisation.
Le projet de vie module ce qu’on considère alors comme un standard de base. Pour certains patients qui ont une vie très active ou qui souhaitent aller le plus loin possible dans sa préservation, la personnalisation et donc l’encadrement par des professionnels de la santé doivent être très accentués.
Si on s’accorde pour une telle approche, il est aussi concevable d’évoquer un «empowerment intégré». Cette appellation pourrait recouvrir l’organisation globale des soins hospitaliers et de la 1ère ligne. La note d’orientation SPF Santé Publique – INAMI ouvre de nouveaux horizons jusqu’à considérer indispensable de financer le dossier patient informatisé global dans des conditions strictes d’encodage et de fiabilité de l’information. 

Références

Aujoulat Isabelle (2007). L’empowerment des patients atteints de maladie chronique. Thèse de doctorat, UCL.

Barrier Philippe (2009). Le contrôle dans la maladie chronique, le point de vue du patient expert. 13è congrès de pneumologie de langue française, Lyon.

Dumez Vincent (2012). Partenariat de soins avec les patients : tendances et défis en contexte de maladies chroniques. 4è rendez-vous de la gestion des maladies chroniques, Montréal.

Dumont Jacques (2001). Etat des lieux sur le développement structurel de l’éducation thérapeutique du patient. L’Hôpital Belge, n° 4, 58-60.

Ekinci O. (2010). Getting to the heart of Things; European Hospital.

Eurobaromètre (2012). Etude qualitative, Commission européenne. Rapport complet. Participation des patients.

Gendron Jean Stephen (2006). Le principe de l’empowerment et de la PNL appliqués au monde des affaires. Association internationale de thérapeutes et association canadienne de PNL.

Grimaldi A. (2012). «Patient expert»: une clarification nécessaire. 2èmes rencontres d’éducation thérapeutique du patient, Lyon.

Jakab Zsuzsanna (2012). Patient empowerment in the European Region. First European Conference on Patient Empowerment. Copenhagen.

KCE (2012). Rapport 190 B, Organisation des soins pour les malades chroniques en Belgique.

Leperre-Desplanques Armelle, Banaei-Bouchareb Linda, Erbault Marie (2012). Accident vasculaire cérébral, Perspectives HAS, Expérience Patient. Plénière annuelle HAS.

OMS (2013). Les patients ont leur mot à dire ! http://www.who.int/gpsc/5may/5may2013_patient-participation/fr/.

Seidi Barbara (2011). L’Art de la PNL, Ixelles éditions, p 101-102.

SPF Santé Publique, INAMI (2013). Note d’orientation. Une vision intégrée des soins aux malades chroniques en Belgique.

Vallerie Bernard (2008). Développement du pouvoir d’agir des personnes et des collectivités (empowerment) et pratiques sociales. Une approche susceptible de contribuer à une dynamique de développement durable. In Fondation d’Auteuil, Familles et professionnels de l’action sociale. Eduquer ensemble. Lyon, Chronique sociale.

Prévention des pneumonies associées à la ventilation dans les unités de soins intensifs en Europe: une enquête en ligne.

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Introduction

Les pneumonies associées à la ventilation mécanique (PAV) concernent environ 7% des patients admis pour plus de 2 jours dans une unité de soins intensif [1] et constituent donc un problème majeur. Les pratiques cliniques de prévention peuvent être classées en 3 catégories. Comme pour les autres infections liées à un dispositif invasif, il convient tout d’abord de limiter l’exposition : dans ce cas en préférant la ventilation non mécanique quand cela est possible, en en limitant la durée au strict nécessaire quand la ventilation mécanique apparait indispensable. Les autres pratiques de prévention visent à réduire la colonisation des voies respiratoires (par exemple, par la pratique régulière de soins de bouche à la chlorhexidine), ou encore à prévenir l’inhalation de sécretions par exemple, en maintenant une pression adéquate du ballonnet). Ces interventions doivent être combinées, dans ce qui est souvent appelé un « faisceau de soins » (« care bundle »). En pratique, le contenu précis des  faisceaux de soins pour la prévention des PAV  varie selon les guidelines, parce que certaines pratiques de prévention sont controversées, que le nombre d’éléments repris dans un « bundle » est forcément limité, et parce qu’une approche pragmatique requiert des compromis. Il n’existe pas de « faisceau de soin » universellement accepté. Une étude visant à définir des recommandations européennes s’est attachée à classer les pratiques cliniques de prévention des PAV en combinant différents critères tels que la force des preuves quant à l’efficacité de la pratique, son impact estimé, et sa facilité de mise en œuvre.[2] Les « gagnants » du classement étaient (dans l’ordre) :

1) pas de changement du circuit de ventilation, sauf si spécifiquement indiqué,
2) hygiène des mains stricte, avec solution hydroalcoolique,
3) interruption quotidienne de la sédation, et protocole de sevrage (pour limiter au strict nécessaire la durée de ventilation invasive,
4) soins de bouche à la chlorhexidine et
5) contrôle quotidien de la pression du ballonnet.

Il ne suffit pas de formuler des recommandations de bonne pratique, encore faut-il que ces recommandations soient suivies et démontrent qu’elles ont l’effet escompté. Toute dynamique d’amélioration de la qualité des soins passe par la mesure des processus (observance à ces recommandations), et des résultats. D’une part, cela est indispensable dans une perspective de suivi et d’évaluation, mais d’autre part la mise en place d’un système de mesure est en elle-même une stratégie d’implémentation des bonnes pratiques cliniques. Le slogan « choc » d’une association américaine pionnière dans le domaine de la qualité des soins (Institute for Health Improvement) est : «ce qu’on ne peut pas mesurer, on ne peut pas l’améliorer».

Les objectifs de notre étude étaient de documenter, au moyen d’une enquête, 1) les pratiques rapportées de prévention des PAV dans les unités de soins intensifs (pratiques cliniques – et systèmes de mesure des processus et des résultats) ; et d’autre part l’attitude par rapport à la mise en place d’un système de mesure, comme stratégie d’implémentation de recommandations de bonne pratique.

Méthodes

 Notre population cible était constituée de médecins travaillant dans des unités de soins intensifs. Le questionnaire comprenait 3 parties : caractéristiques du répondant et de son unité, pratiques de prévention des PAV en usage dans son unité (y compris mesures d’observance et de résultats), et attitudes concernant les systèmes de mesure. En l’absence de référence universellement acceptée, et dans le souci de faire un questionnaire court, afin de stimuler la participation, nous avons choisi de limiter les pratiques cliniques au «top 5» des pratiques listées dans l’étude mentionnée plus haut.[2] Nous avons évité à dessein d’utiliser le terme «surveillance», car ce terme est parfois associé chez les cliniciens à des connotations négatives (contrôle, jugement). Le questionnaire a été mis en ligne dans 6 langues (français, anglais, allemand, italien, espagnol, portugais)   et distribué au travers de sociétés scientifiques de soins intensifs, tant nationales qu’internationales pendant 5 mois en 2012. La participation était anonyme.

Résultats

Nous avons reçu 1730 réponses en provenance de 77 pays différents. Pour obtenir des estimations européennes nous avons pondéré (selon la taille de la population du pays) les 1281 réponses provenant de 16 pays européens pour lesquels au moins 10 réponses étaient disponibles. Ces répondants européens (en principe, tous médecins) avaient en moyenne une expérience de 13 ans dans une unité de soins intensifs, 28% étaient des femmes. Les résultats principaux – Europe et Belgique – sont présentés dans le tableau 1.
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Discussion

La participation importante à cette enquête est un point positif et souligne l’intérêt de la communauté des intensivistes pour le problème des PAV. Ces résultats mettent cependant en évidence les points faibles dans les pratiques de prévention dans les unités de soins intensifs en Europe. Les pratiques visant à limiter l’exposition au dispositif invasif sont les moins utilisées, et si certaines pratiques apparaissent relativement connues (soins de bouche à la chlorhexidine), l’observance n’est guère mesurée. Les médecins et infirmières hygiénistes belges ont suffisamment d’expérience dans la mesure de l’observance à l’hygiène des mains que pour savoir qu’il existe une différence importante entre ce que l’on fait, et ce que l’on croit faire !

A peine la moitié des répondants affirme compter et enregistrer les PAV dans son unité, moins d’un quart est en mesure de fournir une estimation du taux de PAV. Cela contraste de manière surprenante avec la majorité qui estime pourtant que « ce qu’on ne peut pas mesurer, on ne peut pas l’améliorer », et affirme être prêt à mettre en place, ou à soutenir, un système de mesure dans une perspective de prévention, tout en exprimant de la méfiance vis-à-vis des données récoltées.

Ces résultats doivent être appréhendés de manière critique. Tout d’abord, nous ne pouvons prétendre qu’il s’agit d’un échantillon représentatif de notre population d’étude. On peut cependant supposer que les personnes ayant répondu volontairement à cette enquête, après avoir été sollicitées par le biais de sociétés scientifiques nationales ou internationales, sont peut-être plus motivées, et mieux informées que celles n’ayant pas participé. D’autre part les pratiques rapportées en disent plus sur la connaissance du médecin, que sur ce qui se passe réellement dans son unité. Les biais de cette enquête laissent donc à penser que les résultats présentés ici embellissent quelque peu la réalité.

La liste de pratiques cliniques que nous avons choisie comme base de notre enquête, pourrait aussi être critiquée. Certains lui reprocheront l’absence de pratiques basées sur des preuves solides, telles que par exemple le drainage des secrétions subglottiques.

Dans la mesure où ces résultats surestiment ce qui se passe effectivement sur le terrain, cette enquête, malgré les critiques qui peuvent lui être adressées, permet néanmoins d’identifier des priorités pour la prévention des PAV.

Améliorer la connaissance des recommandations de bonne pratique clinique est un pré-requis, mais cela est loin d’être suffisant pour améliorer les pratiques. La majorité des médecins s’accorde sur la nécessité de mesurer de qu’ils font : ils pourraient être aidés dans ce sens par la mise à disposition d’outils de récolte de données en ce qui concerne les processus (à l’instar des méthodes standardisées de mesure de l’hygiène des mains) et les résultats (définitions de cas standardisées pour l’enregistrement des PAV), dans un but de suivi des tendances au niveau local. Peu de cliniciens connaissent la différence entre un diagnostic de PAV, et une définition de cas à visée d’enregistrement. Un diagnostic obéit à une logique clinique, il mène à une décision de traitement, il doit être aussi « juste » que possible et ne peut pas être entièrement standardisé. Par contre, une définition de cas à visée d’enregistrement doit être avant toute chose reproductible, afin de permettre les comparaisons dans le temps : la standardisation est sa caractéristique essentielle, au détriment éventuel, dans un certain nombre de cas, de sa «justesse».

Enfin, il est nécessaire de trouver un compromis pragmatique entre le temps passé à récolter des données, et l’utilité de celles-ci dans une perspective de prévention.

Conclusions

Cette enquête a permis de documenter le potentiel important pour l’amélioration des pratiques de prévention des PAV dans les unités de soins intensifs, en Belgique, en Europe, et ailleurs. Certains résultats – tels que la perception générale que « ce qu’on ne peut pas mesurer, on ne peut pas l’améliorer » ont des implications plus larges que la seule prévention des PAV. Promouvoir les recommandations de bonne pratique doit aller de pair avec la promotion des mesures d’observances à ces recommandations, ainsi que des mesures de résultat, comme un outil d’amélioration de la qualité des soins, tout en maintenant les systèmes de récolte de données aussi simples que possible. L’important n’est pas d’être parfait, mais d’être utile.

Notes

Cette étude a été financée par l’Union Européenne (Project IMPLEMENT , DG SANCO, Grant Agreement N° 2009-11-07). L’article, les résultats détaillés par pays (sous forme de fichier Excel), ainsi que la base de données complète, sont disponibles en ligne librement.

Article : http://www.aricjournal.com/content/2/1/9/abstract

Résultats par pays : http://www.aricjournal.com/imedia/8378642499462451/supp1.xls .

Base de données complète exploitable à des fins scientifiques (sur un site de dépôt de données international). http://datadryad.org/  

Bibliographie

1. European Centre for Disease Prevention and Control: Surveillance of health-care associated infections in Europe 2007 . Stockholm, Sweden; 2012.
2. Rello J, Lode H, Cornaglia G, Masterton R: A European care bundle for prevention of ventilator-associated pneumonia. Intensive Care Med 2010, 36:773-780.