L’hygiène des mains et les gants pendant l’isolement en cohorte : difficilement conciliables ?

Durant la pandémie de SARS-CoV-2, la pratique de regroupement des soins en cohorte a été appliquée à large échelle et pendant une période prolongée 1-3. Même si le regroupement en cohorte est traditionnellement évoqué dans les publications dédiées à la gestion d’épidémies 4-7, une opérationnalisation claire de ce concept fait défaut. Selon le nombre de patients infectés concernés, tout un département ou seule une partie de celui-ci devient un département en cohorte. C’est dans ce dernier cas de figure que des discussions avec la direction ont parfois eu lieu par le passé. Un point fréquemment abordé concernait notamment la mesure prévoyant l’affectation d’un personnel distinct « jour et nuit » dans le service pour les soins des patients contaminés et pour ceux des patients non contaminés. Un double effectif induit un surcoût considérable pour l’institution. Ainsi, il a été estimé dans un hôpital belge, qu’une épidémie d’une durée de dix mois causée par une souche d’Acinetobacter baumannii, multirésistante, productrice de carbapénemase de type OXA-24, avait entraîné un coût mensuel supplémentaire de 10 000 euros, dont 59 % étaient liés aux coûts de main-d’œuvre supplémentaires pour le personnel 8.

Les principes d’hygiène d’application en temps normal en cas d’isolement en chambre sont en partie ignorés en cas de regroupement en cohorte. Dans ce contexte, il est admis que plusieurs patients infectés par le même microorganisme puissent être soignés avec les mêmes tenues de protection à condition que les précautions générales soient observées. En d’autres termes, dans le cas de soins concomitants, les prestataires de soins peuvent passer d’une chambre d’isolement à l’autre en portant les mêmes équipements de protection individuelle (EPI) pour autant qu’il n’y ait pas d’autres agents pathogènes hautement transmissibles (tels par exemple Clostridium difficile, SARM, VRE, CPE…). Parfois, en cas de regroupement en cohorte, des zones contaminées sont définies, incluant non seulement les chambres des patients infectés et le linge sale, mais aussi les zones communes telles que le poste de soins infirmiers, le local du médecin, … Ce choix suppose un travail continu avec des EPI (potentiellement) contaminés, un principe que nous ne défendons certainement pas. Il est recommandé d’introduire dans un service en cohorte un principe de division par zone avec des recommandations précises en matière d’hygiène et le port des tenues de travail 9. Force est cependant de constater que les points d’attention relatifs à l’hygiène des mains sont souvent formulés de manière fort vague, laissant ainsi place à une interprétation individuelle. Un tel flou peut entraîner des situations de travail dangereuses, avec un risque accru d’épidémie de MDRO ou une hausse du nombre d‘épisodes de CLABSI11,12.

Le tableau 1 illustre la distinction entre l’isolement classique en chambre et le regroupement en cohorte. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nous pensons que l’isolement en chambre classique pourrait augmenter les risques de non-respect des 5 règles d’hygiène lors des soins prescrites par l’OMS. En plus de l’autoprotection, le collaborateur doit toujours se concentrer sur la sécurité des patients en fonction de la prévention des infections nosocomiales. Il n’est pas aisé de changer fréquemment de gants et d’appliquer l’hygiène des mains auprès d’un même patient lors d’un même moment de soins. En outre, pendant le regroupement en cohorte, il y a un risque que le changement de gants et l’application de l’hygiène des mains ne soient pas suffisamment pris en compte entre différents patients. Surtout pendant la première vague de COVID-19, la crainte du virus inconnu du SRAS-CoV-2 a provoqué l’introduction du port de la double paire de gants dans certains établissements. La paire extérieure de gants est retirée en quittant une chambre d’isolement ou en passant d’un patient à l’autre dans une même chambre d’isolement pour l’administration des soins. La première paire de gants, considérée comme une seconde peau, est désinfectée avec une solution hydroalcoolique pour les mains. Une nouvelle paire de gants est ensuite enfilée par-dessus pour administrer des soins à un autre patient COVID-19. Une telle façon de travailler ne permet pas l’application correcte de l’hygiène des mains et est en désaccord avec les 5 règles d’hygiène des mains lors des soins préconisées par l’OMS.

Moore et coll. (2021) dressent un bilan de l’impact de la pandémie de COVID-19 sur l’observance à l’hygiène des mains dans neuf hôpitaux au cours de la première vague aux États-Unis 13. Une augmentation initiale des taux d’observance de 45 % à 62 % a été suivie d’une baisse hebdomadaire régulière à 53 %. La disponibilité limitée de solutions hydroalcooliques, la substitution de l’hygiène des mains par le port de gants, l’observation moindre des règles par les équipes de soins  très sollicitées lors de cette période sont évoquées comme autant de causes possibles de cette diminution d’observance. Lors de la 2e vague de COVID-19, une campagne préalable de l’observance à l’hygiène des mains avait été menée dans notre service Soins intensifs. Toutes les observations ont été effectuées par un infirmier hygiéniste formé lors de plusieurs périodes d’observation de 30 min. L’observance à l’hygiène des mains était globalement de 61 % (n=174), soit une nette diminution par rapport au résultat post-test mesuré en 2019 lors de la 8e campagne nationale d’hygiène des mains et qui était de 77 % (n=173). Il est possible que cette diminution d’observance ait pu résulter de la conjonction de l’effet de baisse classiquement constaté lors des mesures pré-campagne, ainsi que nombre exceptionnellement élevé de patients « COVID-19 » pris en charge en isolement en cohorte. Cette hypothèse pourra éventuellement être confirmée par l’analyse des données nationales disponibles qui ont été recueillies lors de la mesure pré-campagne facultative de la 9e campagne belge d’hygiène des mains. Bien que le port d’une double paire de gants ait été fortement découragé, cette pratique n’a pas pu être empêchée dans la zone COVID-19 du service des urgences. L’équipe mobile composée à la fois d’infirmiers du service des urgences et des soins intensifs a malheureusement également importé cette pratique aux soins intensifs. Suite à cette dérive, l’équipe opérationnelle d’hygiène hospitalière s’est efforcé de convaincre (avec un succès variable) les infirmiers des soins intensifs que cette pratique n’était pas la bonne. L’utilisation d’une double paire de gants en dehors du contexte de la chirurgie à haut risque découle essentiellement des recommandations de prévention de l’infection par le virus Ebola 14.15. Dans le cas de cette fièvre hémorragique virale hautement infectieuse et accompagnée d’un taux de mortalité élevé en l’absence de tout traitement efficace, le port d’une double paire de gants est justifié. Toutefois, dans le contexte de la COVID-19, cette pratique est fortement déconseillée 1 – 3,6. Les recommandations du CSS et de l’OMS sur l’hygiène des mains déconseillent également la désinfection des gants 17-18. Aucune justification sous-jacente n’est donnée. Il semble probable que l’utilisation d’une solution hydroalcoolique sans rinçage sur des gants ne garantisse pas un contact avec toutes les parties des gants en raison de l’absence de sensation. De plus, les solutions hydroalcooliques pourraient également nuire à l’intégrité des gants19.

Seules quelques études expérimentales sont disponibles concernant le rationnel de la désinfection des gants et l’utilisation d’une double paire de gants. Casanova et coll. (2012) ont étudié dans un contexte expérimental chez 18 participants l’effet du port d’une paire unique de gants en comparaison au port d’une double paire de gants sur le transfert du virus vers la peau et sur les vêtements des prestataires de soins lors de la phase de retrait des EPI 20. La contamination par gouttelettes a été simulée par l’application de 5 gouttes de 5 log10 de virus Escherichia MS2 (un bactériophage d’ARN à simple brin, connu pour infecter la bactérie Escherichia coli et d’autres bactéries appartenant à la famille des Enterobacteriaceae). sur la partie antérieure de la blouse de protection individuelle, au niveau de l’épaule, du côté avant droit du masque N95, des lunettes de protection ainsi qu’au niveau de la paume des gants de la main dominante.  Un transfert nettement plus faible a été constaté  sur les mains, mais pas sur la tenue chirurgicale des prestataires de soins qui portaient une double paire de gants. Les auteurs restaient prudents dans leur conclusions estimant que le bénéfice éventuelle de l’utilisation d’une double paire de gants devait être confirmé par d’autres études contrôlées à plus large échelle. Scheithauer et coll. (2016) ont étudié l’efficacité bactéricide de la désinfection des gants conformément à la norme EN 1500, bien que cette norme ne soit pas prévue à cet effet 21. Plusieurs combinaisons de trois marques de gants avec cinq types de solutions hydroalcooliques sans rinçage ont été testées. L’absence de trous microscopiques a également été vérifiée conformément à la norme EN 455-1. Les gants en nitrile ont obtenu un meilleure score que les gants en latex, mais des différences ont été constatées en fonction du type de solution hydroalcoolique utilisée. Pour certaines combinaisons, les gants en nitrile n’ont pas réussi le test de fuite. Gao et coll. (2016) ont montré les effets néfastes des solutions hydroalcooliques sur la résistance à la traction des gants en latex et en nitrile 22. Un effet négatif a également été observé sur l’élasticité des gants en latex, mais pas sur les gants en nitrile.  L’utilisation d’une double paire de gants entraînera dans tous les cas un temps de port plus long et favorisera l’apparition d’une dermatite irritante, un problème qui a été rapporté de manière nettement plus fréquente pendant la pandémie de COVID-19 23. Garrido-Molina et coll. (2021) ont étudié la compatibilité de divers désinfectants sur des gants en nitrile non poudrés 24. Les désinfectants contenant de l’alcool ont un effet négatif sur la résistance à la traction des gants en nitrile. Un gant moins résistant augmente le risque d’auto-contamination de l’utilisateur.

Le risque d’auto-contamination lors de l’enlèvement des EPI est déjà connu suite à des expériences antérieures rapportées pour le SRAS et pour le virus Ebola. Le retrait incorrect des EPI après des soins directs au patient a été identifié comme un facteur de risque majeur d’infection: 60 % des cas de SRAS signalés en 2004 concernaient des prestataires de soins 25. A noter que même après une formation adéquate, le risque d’auto-contamination était de 18,9 % 26.

Alhimidi et coll. (2019) ont étudié le risque d’auto-contamination lors du retrait des gants à l’aide d’une solution fluorescente 27.
Trente-sept soignants sur cent se sont contaminés lors du retrait des gants. Les doigts et les poignets sont les zones plus fréquemment contaminés. Le respect des recommandation du CDC 28 permettait de réduire de manière significative  les contaminations28. Dans un test expérimental de contamination au cours duquel une solution fluorescente était appliquée seulement sur la paume des gants, l’auto-contamination s’est avérée moins fréquente grâce au suivi d’une version adaptée de la technique de retrait des gants recommandée par le CDC (le dernier gant est retiré en plaçant l’index et le majeur sous le bord du gant encore présent sur le côté de la main au lieu du côté de la paume).

Il est donc important de continuer à investir dans la formation et la sensibilisation du personnel de soin sur la nécessité du port et du retrait correct des EPI. Ceci s’applique tant aux situations d’isolement en chambre que dans le cadre d’isolements en cohorte, lors de problèmes endémiques mais aussi en cas d’épidémie ou de pandémie. Le retrait des gants contaminés après un soin constitue une manoeuvre à haut risque d’auto-contamination. Des études complémentaires sur l’hygiène des mains et le bon usage des gants sont nécessaires afin d’ évaluer la connaissance des facteurs de risque et aussi d’améliorer l’adhésion du personnel médical et paramédical aux bonnes pratiques 29. Hygiène correcte des mains et bonne utilisation des gants sont deux choses différentes qui sont encore hélas souvent mal appliquées par le personnel soignant lors des soins pendant un isolement en cohorte.

Références

1. Rational use of personal protective equipment for coronavirus disease (COVID-19) and considerations during severe shortage, WHO, interim guidance 6 april 2020.

2. Infection prevention and preparedness for COVID-19 in healthcare setting, ECDC, 6th update, 9 february 2021.

3. Interim infection prevention and control recommendations fort healthcare personnel during the Coronavirus Disease 2019 (COVID-19) pandemic, CDC, 23 febr 2021.

4. Rosenberger (L.) et al., Quarantine, Isolation and Cohorting: from cholera to Klebsiella, Surgical infections, 2012, 13:2, 69-73.

5. Landelle (C.) et al., Protracted outbreak of multidrug-resistant Acinetobacter baumannii after intercontinental transfer of colonized patients, Inf Control Hosp Epidemiol, 2013, 34, 2, 119-124.

6. Enfiel (K.B.) et al., Control of simultaneous outbreaks of carbapenemase-producing Enterobacteriaceae and extensively drug-resistant Acinetobacter baumannii infection in an Intensive Care Unit using interventions promoted in the CDC 2012 carbapenemase-resistant Enterobacteriacae toolkit, Inf Control Hosp Epidemiol, 2014, 34, 7, 810-817.

7. Recommandations en matière de prévention, maîtrise et prise en charge des patients porteurs de bactéries multi-résistantes aux antibiotiques (MDRO) dans les institutions de soins, Avis CSS n° 9277, avril 2019.

8. Demaiter (G.), Management van een OXA-24 Acinetobacter baumannii uitbraak: een ervaringsverslag, Dag van de Ziekenhuishygiëne, UZ Gent, 15 december 2014.

9. Demaiter (G.), Infectiepreventie en controle tijdens COVID-19: kroniek van het grote gelijk ? Noso-info; 2020, 24,2:9-13.

10. Patel (A..) et al., Rapid spread and control of multidrug-resistant gram negative bacteria in COVID-19 patient care units, Emerging Infectious Diseases, 2021, 27(4), 1234-1236. 

11. McMullen 5K.M.) et al., Impact of SARS-CoV-2 on hospital acquired infection rates in teh United States: predictions and aerly results, AJIC, 2020, 48:1409-1411.

12. Fakih (MG.) et al., COVID-19 pandemic, CLABSI and CAUTI: the urgent need to refocus on hardwiring prevention efforts, , Inf Control Hosp Epidemiol, 2021, 1-6, https://doi.org/10.1017/ice.2021.70

13. Moore (L.D.) et al., The impact of COVID-19 pandemic on hand hygiene performance in hospitals, AJIC, 2021,49:30-33.

14. Recommandations pratiques concernant l’identification et la prise en charge de patients suspectés ou avérés être porteurs de virus hautement contagieux (de type Ebola ou Marburg) dans le cadre d’une bouffée épidémique en Afrique de l’Ouest, à l’attention des professionnels de la santé et des autorités sanitaires, Avis CSS n° 9188, juillet 2014.

15. Guidance on PPE to be used by healthcare workers during management of patients with confirmed Ebola or persons under investigation for Ebola who are clinically unstable or have bleeding, vomiting or diarrhea in U.S. Hospitals, including procedure for donning and doffing, CDC https://www.cdc.gov/vhf/ebola/healthcare-us/ppe/guidance.html#:~:text=Recommended%20PPE%20When%20Caring%20for,to%20at%20least%20mid%2Dcalf.&text=Single%2Duse%20(disposable)%20impermeable%20coverall.

16. COVID-19: guidance for maintaining services within healthcare setting: IPC recommendations, Public Health England, NHS, version 1.1., january 2021.

17. Recommandations en matière d’hygiène des mains durant les soins (révision 2018), Avis CSS n° 9344, avril 2018.

18. WHO guidelines on handhygiene in healthcare, january 2009.

19. Vandeputte (M.), Hygiëne in het ziekenhuis, Acco, Leuven, 2009, p.66.

20. Casanova (L.M.) et al., Effect of single-versus double gloving on virus transfer to healthcare workers’  skin and clothing during removal of personal protective equipment, AJIC, 2012,40:369-374.

21. Scheithauer (S.) et al., Disinfection of gloves: feasible, but pay attention to the disinfectant/glove combination, Journal of Hospital infection, 2016, 94:268-272.

22. Gao (P.) et al., Effect of multiple alcohol-based hand rub applications on the tensile properties of thirteen brands of medical exam nitrile and latex gloves, J Occup Environ Hyg, 2016:13:905-914.

23. Anedda (J.) et al., Changing gears: medical gloves in the era of coronavirus disease 2019 pandemic, Clin Dermatol. 2020, 38(6):734-736.

24. Garrido-Molina (J.M.) et al., Disinfection of gloved hands during the COVID-19 pandemic, Journal of Hospital Infection, 2021, 107, 5-11.

25. Chan-Yeung (M.), Severe acute respiratory syndrome (SARS) and healthcare workers, Int J Occup Environ Health, 2004;10, 421-7.

26. Tomas (M.E.) et al., Contamination of healthcare personnel during removal of protective equipment, JAMA Intern Med, 2015,175(12),1904-1910.

27. Alhimidi (H.) et al., Contamination of healthcare personal during removal of contaminated gloves, AJIC 2019 (47):850-852.

28. Sequence for putting on personal protective equipment (PPE), availabe from: https://www.cdc.gov/hai/pdfs/ppe/ppe-sequence.pdf

29. Chraïti (M.N.), Allegranzi (B.), Larson (E.), Glove use and handhygiene in Handhygiene: a handbook for medical professionals, ed. Pittet (D.), Boyce (J.M.), Allegranzi (B.), Wiley Blackwell, 2017.

Épidémie de Serratia marcescens dans une unité de soins intensifs néonataux : examen des foyers épidémiques à l’aide du séquençage du génome entier

1. Introduction 

Serratia marcescens est une bactérie pathogène opportuniste, occasionnellement responsable d’épidémies d’infections nosocomiales dans des services critiques, en particulier dans les unités de soins intensifs néonataux (NICU) (1-7). Dans une étude multicentrique européenne sur les infections nosocomiales chez les patients pédiatriques, S. marcescens s’est avéré être responsable de 15% des infections nosocomiales à culture positive dans les NICU (8). Les nouveau-nés admis dans les NICU présentent un risque accru de contracter une infections nosocomiale en raison de l’immaturité de leur système immunitaire et des interventions médicales qu’ils doivent subir (1, 9). Les facteurs de risque pour les infections à S. marcescens sont un faible poids à la naissance (< 1 500 g), la prématurité (< 37 semaines), une durée du séjour prolongée, la respiration artificielle et l’utilisation d’antibiotiques (2, 3). Les nouveau-nés peuvent être colonisés à long terme malgré une antibiothérapie adéquate, principalement au niveau des muqueuses gastro-intestinales et respiratoires (10). Une mise en œuvre rigoureuse des mesures de prévention des infections est donc très importante dans le milieu hospitalier (4, 6).

L’identification rapide des patients colonisés et infectés, suivie par une mise en œuvre ciblée de mesures de prévention des infections, est essentielle pour arrêter la propagation de
S. marcescens (3, 4). Le séquençage du génome entier (WGS ou whole-genome sequencing) est une technique nouvelle et prometteuse dans les enquêtes sur les foyers épidémiques. qui permet le typage détaillé de microorganismes à une résolution plus élevée que les techniques plus anciennes telles que l’électrophorèse sur gel à champ pulsé (PFGE), qui est la méthode standard actuelle pour la plupart des espèces dont S. marcescens (1, 6, 11). Le WGS pourrait être utilisé pour cartographier la propagation et identifier des sources potentielles. En outre, cette technique permet l’identification de la résistance aux antibiotiques et des gènes de virulence (1, 11, 12).

Le but de cette étude est de décrire une épidémie (2018-2019) de S. marcescens dans les soins intensifs néonataux de notre hôpital et de discuter des mesures qui ont contribué à son contrôle. À des fins de comparaison, des isolats de précédentes épidémies suspectées au sein des NICU et d’hémocultures prélevés chez des adultes (à titre d’échantillons de contrôle) ont été inclus. 

Des liens phylogénétiques entre les différents isolats bactériens inclus ont été analysés par la technique du WGS afin d’évaluer son potentiel dans les enquêtes sur les foyers épidémiques. 

2. Matériel et méthodes 


2.1 Contexte 

L’UZ Brussel est un hôpital tertiaire de plus de 700 lits. Le service de néonatalogie comprend une unité de soins intensifs (NICU) de 16 lits et une unité de soins non intensifs de 11 lits. Le département compte environ 350 admissions chaque année. L’unité de soins intensifs est divisée en deux salles, accueillant chacune huit patients (Fig. 1). L’unité de soins non intensifs est séparée de l’unité de soins intensifs, mais les soins dans les deux unités sont assurés par la même équipe de soignants.

Figure 1 représentation du service de néonatologie du Universitair Ziekenhuis Brussel. Les surfaces environnementales où les isolats de S. marcescens ont été isolés sont indiquées en rouge (n=4).

 

 

 

 

 

 

2.2 Patients et échantillons

En routine, aucune culture de surveillance n’est réalisée au sein des NICU, les prélèvements de dépistage (oraux et rectaux) et des échantillons environnementaux n’étant réalisés qu’en cas (de suspicion) d’épidémie. Les prélèvements pour culture microbiologique de surveillance sont réalisés par frottis ESwab® (Copan, Brescia, Italie). L’étude se composait de plusieurs sous-groupes.

• Isolats de patients de l’épidémie dans les NICU en 2018-2019 (n=36) :
– prélèvements de dépistage (octobre 2019-mars 2020) ;
– échantillons cliniques prélevés depuis le début de l’épidémie jusqu’à la fin de la période de surveillance (août 2018-mars 2020).

• Isolats environnementaux de l’épidémie au sein des NICU en 2018-2019 (n=4)

• Isolats de patients provenant de deux épidémies suspectées précédentes au sein des NICU : 
– prélèvements de dépistage et échantillons cliniques (mai 2014-août 2015) (n=12) ;
-échantillons cliniques (janvier-décembre 2017 ; aucun dépistage effectué) (n=3).

• Tous les isolats d’hémocultures S. marcescens prélevés chez des adultes en 2019 (n=8) ont été inclus afin de déterminer une extension éventuelle de l’épidémie à l’échelle de l’hôpital.

Un seul isolat par patient a été analysé, à l’exception d’un adulte ayant présenté deux épisodes de bactériémie à sept mois d’intervalle. L’approbation de l’étude a été obtenue auprès du Comité d’éthique médicale local de l’UZ Brussel (NUB 1432020000001).

2.3 Séquençage du génome entier

L’ADN génomique a été extrait des isolats de S. marcescens à l’aide du kit de purification Maxwell RSC Cell DNA sur l’instrument Maxwell RSC (Promega Corporation, Madison, Wisconsin, États-Unis). La fragmentation de l’ADN génomique a été réalisée avec le module NEBNext® Ultra™ II FS. Les bibliothèques de séquençage, avec une taille d’insert moyenne de 550 pb (longueur de lecture 2×250), ont été préparées avec le kit KAPA Hyper plus (Kapa Biosystems, Wilmington, Massachusetts, États-Unis) et une sélection de taille Pippin Prep. Pour éviter le biais PCR, aucune étape d’amplification par PCR n’a été effectuée et un input d’ADN génomique de 500 ng a été utilisé. Après pooling équimolaire, les bibliothèques ont été séquencées avec un instrument Novaseq 6000 (Ilumina, San Diego, Californie, États-Unis) en utilisant une cellule à flux continu de type SP avec 500 cycles. À cette fin, la bibliothèque a été dénaturée et diluée conformément aux instructions du fabricant. Une bibliothèque de contrôle PhiX à 1 % a été incluse dans chaque séquençage. La qualité de la séquence a été déterminée à l’aide du logiciel FastQC (version 0.11.4) (https://www.bioinformatics.babraham.ac.uk/projects/fastqc/). L’assemblage « De novo » a été réalisé avec l’assembleur de génome SPAdes (http://bioinf.spbau.ru/spades).

2.4 Analyse wgMLST

Les données de séquençage ont été analysées à l’aide du schéma du typage de séquences multifocales à génome entier (wgMLST) pour S. marcescens disponible dans BioNumerics version 7.6.3 (Applied Math, Biomérieux, Belgique). Ce schéma se compose de 9 377 loci (6). Deux algorithmes d’assemblage ont été utilisés pour la dénomination d’allèles, à savoir l’approche k-mer « sans assemblage » utilisant des lectures brutes et l’approche BLAST « basée sur l’assemblage ». Les paramètres par défaut ont été utilisés pour les deux approches La qualité des jeux de lectures de séquences, des assemblages « de novo », des dénominations d’allèles « sans assemblage » et « basées sur l’assemblage » a été vérifiée à l’aide de la fenêtre des statistiques dans BioNumerics. Des arbres couvrants minimums (minimum spanning trees) ont été réalisés avec les profils alléliques wgMLST servant de données d’entrée dans BioNumerics. La longueur des ramifications reflète la différence de nombre d’allèles entre les isolats dans les nœuds. La distance maximale entre les nodules pour parler de regroupement a été fixée à 19 (6).

Résultats 

3.1 Enquêtes sur les foyers épidémiologiques

En avril 2019, le service d’hygiène hospitalière a été alerté après que S. marcescens ait été isolé la même semaine dans les échantillons de trois nouveau-nés des NICU (hémocultures, n=2; aspiration bronchique, n=1). D’après la prévalence de
S. marcescens chez les patients des NICU, il est apparu qu’un problème préexistait déjà depuis août 2018, avec une légère diminution au début de 2019, suivie d’un deuxième pic au printemps 2019.

Une enquête sur les foyers épidémiques a alors été initiée. La définition des cas a été décrite comme tous les nouveau-nés admis au sein des NICU depuis août 2018, infectés/colonisés par S. marcescens (Fig. 2).

Figure 2 : Courbe épidémique (incidence mensuelle) de l’infection/ colonisation à S. marcescens dans les NICU du Universitair Ziekenhuis Brussel (mai 2018-mars 2020 ; n=36). 

 

 

 

 

 

 

Les flèches indiquent le moment où les mesures de prévention des infections ont été mises en œuvre.

Les couleurs des carrés correspondent aux couleurs des différents clusters de propagation, comme illustré à la Fig. 3 ; les carrés blancs sont des cas qui ne relèvent pas de l’un des clusters de propagation. Les nombres dans les carrés indiquent les lits dans lesquels des nouveau-nés étaient admis au moment du prélèvement des échantillons. 

Entre août 2018 et mars 2020, 36 nouveau-nés hospitalsié dans l’unité NICU ont été infectés/colonisés par S. marcescens. Géographiquement, ils se situaient dans des lits différents et même dans des parties différentes du service (voir Figure 1, le service est divisé en deux salles) au moment de la première culture positive (Fig. 2). Cela a conduit à l’hypothèse d’une source commune à partir de l’environnement et/ou d’une transmission entre les nouveau-nés par les (mains des) prestataires de soins et des parents.

Des échantillons ont été prélevés sur les surfaces environnementales suivantes : gel à ultrasons (n=1) ; filtres pour robinets de bain (n=4) ; filtres pour pommeaux de douche (n=4) ; tête de douche (n=1) ; évacuation de baignoires (n=4) ; évacuation de lavabos (n=6) ; thermomètre (n=1) ; savon pour les mains (n=2) ; huile de nettoyage (n=2) ; incubateurs (n =4) tire-lait (n=6) ; sièges (n=12) ; coussin de soin (n=1) ; balance pour bébé (n=1) ; boîte de lingettes désinfectantes (n=2) ; surfaces en chambres d’isolement (n=20) ; surfaces à contact élevé du réfrigérateur à lait (n=3) ; et du congélateur (n=2) ; bouteille de lait pour nouveau-nés colonisée par S. marcescens (n=1) ; lait en poudre pour enrichissement du lait maternel (n=1)

Quatre échantillons environnementaux se sont avérés positifs à S. marcescens (Fig. 1) : 

• L’évacuation du lavabo dans la salle A (échantillon 09/10/2019)
• L’évacuation de la baignoire dans la salle B (échantillon 09/10/2019)
• La balance dans la salle B (échantillon 16/10/2019)
• L’évacuation du lavabo dans la chambre d’isolement 1 (échantillon 09/10/2019)

Au total, 63 isolats de S. marcescens (patients, n=59 ; environnement, n=4) ont été inclus pour l’analyse WGS et wgMLST. Sur cette base, cinq clusters ont été distingués (Fig. 3).

L’épidémie soupçonnée en 2018-2019 semble se composer de trois clusters séparés. Le cluster 1 était composé de 24 isolats (patients, n=21 ; environnement, n=3), variant de 0 à 13 allèles. Les isolats environnementaux ont été trouvés au niveau de l’évacuation du lavabo dans la salle A et de la balance et de l’évacuation de la baignoire dans la salle B. Le cluster 2 était composé d’isolats de deux patients et d’un isolat trouvé au niveau de l’évacuation du lavabo dans la chambre d’isolement 1. Les isolats de ce cluster ne variaient que de 0 à 1 allèle. Il convient de noter que les deux patients avaient séjourné simultanément au sein des NICU, mais n’avaient pas été admis dans cette chambre d’isolement pendant leur séjour. Le cluster 3 était composé de neuf isolats de patient, variant de 0 à 8 allèles. Aucun des échantillons environnementaux n’a pu être lié à ce groupe. Les souches de S. marcescens trouvées dans des échantillons prélevés après le 25 décembre 2019 (patients, n = 3) étaient significativement différentes des souches épidémiques et entre elles, ce qui indique que l’épidémie avait cessé. 

Les isolats de S. marcescens d’hémocultures prélevées chez des adultes (n=8) n’ont pas pu être liés entre eux, ni à l’une des souches épidémiques des NICU. Les patients adultes étaient admis dans six services différents. 

Une légère augmentation de la prévalence de S. marcescens dans les NICU à la fin de 2016-au début de 2017 semble indiquer une épidémie, mais les trois isolats de 2017 inclus n’ont pas pu être liés l’un à l’autre, ni à l’une des souches épidémiques.

En 2014, deux clusters ont pu être distingués : le cluster 4 avec sept isolats de patient (différence dans le nombre d’allèles : 0-2) et un cluster 5 plus petit avec deux isolats de patient qui n’ont pas pu être distingués l’un de l’autre avec wgMLST. Trois isolats NICU de 2015 n’étaient pas liés à l’une ou l’autre des souches épidémiques, ni entre elles.

S. marcescens a principalement causé une colonisation au cours de ces épidémies, seule une minorité de patients présentant une infection [cluster 1, 7/21 patients (33 %) ; cluster 2, 1/2 (50 %) ; cluster 3, 2/9 (22 %) ; cluster 4, 2/7 (29 %) ; cluster 5, 0/2 (0 %)]. Il s’agissait principalement d’infections respiratoires (n=7), mais aussi de bactériémies (n=4) et d’une infection du système nerveux central (n=1). Au total, trois patients appartenant aux clusters épidémiques à la suite de l’infection par S. marcescens sont décédés (un de chacun des clusters suivants : 1, 3 et 4). À titre de comparaison, la présence de S. marcescens chez les nouveau-nés qui n’appartenaient pas à un cluster épidémique (n=10) était dans autant de cas due à une colonisation qu’à une infection. Dans ce groupe également, il s’agissait généralement d’une infection respiratoire (n=3), à côté de la bactériémie (n=1) et d’une infection des voies urinaires (n=1). Aucun décès n’a été observé dans ce groupe.

Figure 3 arbre couvrant minimum pour tous les isolats de S. marcescens (n=63), avec mention de l’année d’isolement. 

 

 

 

 

 

 

 

 

Graphique : Adulte / environnement / néonatal
Les couleurs autour des cercles indiquent les clusters épidémiologiques. La taille et les subdivisions des cercles correspondent au nombre d’isolats par type. Les chiffres sur les ramifications indiquent le nombre de différences d’allèles entre les isolats qu’elles relient.

3.2 Mesures de prévention et de contrôle des infections

Le Service de prévention des infections a observé d’un regard critique les procédures des prestataires de soins de santé internes et externes (y compris les physiothérapeutes, les échographistes). Le personnel des NICU et les prestataires de soins externes n’ont pas toujours appliqué les recommandations d’hygiène des mains de manière stricte, et c’est surtout avant le contact avec un patient que trop peu d’attention était accordée à l’hygiène des mains. De plus, tous les parents n’étaient pas suffisamment formés à l’hygiène des mains. L’importance d’une bonne hygiène des mains a d’abord été rappelée. La désinfection du matériel (commun) et le nettoyage du service ont été intensifiés. 

En octobre 2019, un dépistage oral et rectal hebdomadaire de tous les nouveau-nés des NICU a été instauré. Pour un dépistage optimal, un échantillon respiratoire et un gastro-intestinal sont combinés, mais nous avons cependant opté pour un frottis buccal, les échantillons respiratoires étant plus difficiles à prélever (10). Lorsque indiqué, des échantillons cliniques ont également été prélevés.

Le personnel n’a pas été dépisté, mais a été scindé selon qu’il s’occupait des soins à des nouveau-nés infectés/colonisés ou à des nouveau-nés non affectés.

Lors de l’examen des échantillons environnementaux,
S. marcescens (lié aux clusters 1 et 2) a été trouvé au niveau de l’évacuation d’une baignoire et de deux lavabos. Par conséquent, tous les siphons des NICU ont été remplacés (baignoires, n=4 ; lavabos, n=6) et une décontamination hebdomadaire avec de l’acide acétique à 10 % a été introduite. L’acide acétique doit agir pendant 30 minutes avant que l’évacuation ne soit rincée à l’eau.

Après la mise en œuvre de ces mesures, l’épidémie a pu être maîtrisée et la surveillance arrêtée à la fin mars 2020 (Fig. 2).

Discussion

 Nous avons décrit une épidémie de S. marcescens au sein des NICU de notre hôpital à l’aide d’une analyse WGS et wgMLST et avons comparé les souches avec celles d’épidémies antérieures présumées.

L’épidémie de 2018-2019 se composait de trois clusters séparés qui ont circulé simultanément pendant plusieurs mois. La présence simultanée de plusieurs clones a été décrite dans des enquêtes sur les foyers épidémiques déjà publiées et semble indiquer la présence de sources multiples (1, 4, 13-15). 

Une enquête environnementale a montré la présence de souches de S. marcescens dans l’évacuation d’une baignoire et deux lavabos (cluster 1, n=2; cluster 2, n=1). L’évacuation positive du cluster 2 se trouvait dans la chambre d’isolement, mais aucun des patients appartenant à ce cluster n’a jamais été admis dans cette chambre. L’évacuation peut donc avoir été une source de contamination dans les NICU de notre hôpital, comme cela a été le cas dans plusieurs rapports d’épidémie déjà publiés, mais il doit y avoir eu un mode de transmission de l’évacuation du lavabo vers les nouveau-nés du cluster épidémique 2, et une autre source devait également être présente, car aucune évacuation n’a pu être liée aux souches du cluster épidémique 3 (1, 15-17). Sur la base d’épidémies publiées antérieurement, on suppose que le principal réservoir de S. marcescens est le système gastro-intestinal des nouveau-nés infectés/colonisés qui restent colonisés pendant une longue période (2, 4, 10). A partir de ces nouveau-nés colonisés, une contamination croisée peut se faire par les mains des prestataires de soins(3, 4). Mais les parents peuvent aussi être contaminés de manière transitoire et contaminer l’environnement, ou vice versa. Dans le cas de cette épidémie, Il est impossible de savoir si les microorganismes présents dans les canalisations d’évacuation ont colonisé les nouveau-nés, ou si ceux présents chez les nouveau-nés ont occasionné une contamination secondaire des canalisations d’évacuation, mais selon notre hypothèse, les deux cas de figure ont pu agir comme réservoir de contamination par les mains des prestataires de soins et des parents (Fig. 4).

Figure 4 Hypothèse de contamination croisée lors de l’épidémie de S. marcescens dans les NICU du Universitair Ziekenhuis Brussel (HCW= prestataires de soins).

 

 

En 2014, deux clusters épidémiques simultanés ont aussi été observés, attestant ainsi du caractère récurrent des épidémies de S. marcescens dans les NICU. Toutefois, les souches de ces clusters divergeaient considérablement de celles du cluster épidémique de 2018-2019. On peut donc supposer qu’il n’y a pas de source environnementale faisant office de réservoir continu. Ceci étaye l’hypothèse selon laquelle ce sont plus probablement les nouveau-nés, et non l’environnement, qui constituent le principal réservoir et le point de départ des épidémies.

Aucune des souches de S. marcescens isolées à partir d’hémocultures prélevées chez les adultes n’ont  pu être liées entre elles, ni avec celles associées aux épidémies des NICU. Ceci confirme l’hypothèse selon laquelle nous ne sommes pas confrontés à un problème à l’échelle de l’hôpital, ce qui justifie uniquement des mesures de prévention des infections plus strictes au niveau des NICU. Cela illustre également que les nouveau-nés sont plus sensibles aux épidémies de S. marcescens que les adultes en raison de leur système immunitaire immature et des traitements médicaux intensifs qu’ils reçoivent (1, 9). 

Plusieurs mesures ont été prises en différentes étapes (Fig. 2) afin d’enrayer cette épidémie. Nous avons d’abord commencé à intensifier les précautions standard telles que l’hygiène des mains. Étant donné que les bactéries sont transférées par les mains, il est clair que la mesure la plus importante pour prévenir la transmission a consisté à garantir une qualité optimale de l’hygiène des mains. (2-4, 13, 18) Une formation continue des prestataires de services s’est avérée être une mesure efficace lors d’épidémies antérieures (2, 4, 13, 14, 18, 19). Nous avons aussi formé les parents à une bonne hygiène des mains, car il est fort probable qu’ils aient jouer également un rôle dans la transmission. Dans un deuxième temps, nous avons introduit un dépistage de colonisation hebdomadaire, et le personnel a été réparti en  deux groupes distincts (celui qui s’occupait des nouveau-nés infectés et celui qui s’occupait des nouveau-nés non infectés). Une enquête environnementale a également été réalisée (14, 18). Nous supposons que la propagation des souches S. marcescens des clusters 2 et 3 a été arrêtée par la mise en œuvre de ce premier ensemble de précautions standard car aucun nouveau cas n’a pu être détecté depuis juin 2019. Cependant, le cluster 1 n’a pas pu être arrêté.  Par conséquent, tous les siphons des NICU ont été remplacés. Cette mesure a été prise sur la base d’investigations antérieures menées au sein de l’unité de soins intensifs pour adultes de notre hôpital, qui avaient montré que l’évacuation des lavabo constituait une source de contamination par des Enterobacteriaceae (multirésistantes). En raison de la formation de biofilm, la charge bactérienne dans les siphons est très élevée et un aérosol de bactéries peut se disperser lors de l’écoulement de l’eau (20). Lors de différentes épidémies dans les NICU, les siphons ont été remplacés pour arrêter la propagation (15, 19). Toutefois, il ressort d’enquêtes antérieures que le remplacement des siphons seul ne suffit pas pour arrêter définitivement la transmission (15, 20). Dans une étude de Smolders et coll., la décontamination de l’évacuation avec de l’acide acétique (25 %) s’est révélée une mesure peu coûteuse et efficace (21). Toutefois, une concentration supérieure à 10 % peut causer une irritation en cas de contact avec la peau et les yeux et après inhalation (22). En raison de la fragilité de la population des NICU, nous avons donc opté pour une décontamination hebdomadaire de l’évacuation avec de l’acide acétique à 10 %. Après le remplacement des siphons (novembre 2019) et l’introduction d’une décontamination hebdomadaire (décembre 2019), l’épidémie a pu être complètement maîtrisée. Le 2 décembre 2019, le dernier nouveau patient infecté/colonisé par une souche épidémique a été observé.

Pour la phase initiale de l’épidémie (période août 2018-avril 2019), on a d’abord considéré qu’il s’agissait de cas de colonisations ou d’infections à S. marcescens qui survenaient sporadiquement chez des patients des NICU. Si le WGS avait été facilement accessible dans notre hôpital, cela aurait sans doute permis de détecter plus rapidement l’épidémie en démontrant que les souches faisaient partie du même cluster épidémique. L’enquête environnementale a été la clé des sources potentielles qui ont ensuite pu être reliées aux différents clusters établis par le WGS. De cette façon, nous avons pu clarifier les voies de transmission présumées et mettre en place des mesures ciblées en plus des précautions standard. L’apport du WGS a aussi permis de démontrer l’efficacité des mesures mises en œuvre, étant donné que les souches de S. marcescens isolées après décembre 2019 étaient clairement non reliées aux souches épidémiques. 

Les résultats de cette étude illustrent le potentiel du WGS dans le cadre d’enquêtes d’épidémies nosocomiales. Toutefois, à ce jour, le WGS n’est pas disponible à large échelle pour les enquêtes de routine en laboratoire clinique compte tenu du coût encore élevé de la technologie et de l’expertise humaine requise pour l’analyse et l’interprétation des résultats. Une optimisation supplémentaire s’impose pour réduire le délai d’exécution afin d’obtenir le résultat dans un délai cliniquement pertinent. La définition d’un cas, l’adoption de mesures de contrôle et la formulation d’hypothèses doivent être effectuées avant que les résultats du typage ne soient connus. En outre, le coût devrait être encore réduit et l’analyse des données rationalisée afin de rendre la technique largement disponible et de pouvoir l’appliquer plus largement dans des enquêtes sur des foyers épidémiques (23). 

Conclusion

Nous pensons que les nouveau-nés infectés/colonisés et les évacuations des lavabos/baignoires, étaient tous deux des réservoirs de S. marcescens, et que des contaminations croisées se sont produites plus que probablement par le biais des mains des soignants et des parents. Sur la base de cette hypothèse, il est probable que le renforcement de l’observance à hygiène des mains a été la mesure standard la plus importante pour stopper la propagation de l’épidémie. Cependant, celle-ci n’a été définitivement contrôlée qu’après le remplacement et la décontamination hebdomadaire des siphons avec de l’acide acétique (10 %). 

La technique de typage par WGS peut apporter une grande valeur ajoutée dans le cadre d’investigations de foyers épidémiques. Elle peut contribuer à reconnaître une épidémie, à préciser très exactement le niveau de son extension et à indentifier la ou les sources potentielles. Autant d’éléments précieux pour la mise en œuvre ciblée de mesures de contrôle. Toutefois, une optimisation du flux de travail WGS est encore nécessaire afin de réduire les délais de réponse et diminuer les coûts pour que la technique puisse être utilisée de manière systématique dans les enquêtes d’épidémies

Références

1. Martineau C, Li X, Lalancette C, Perreault T, Fournier E, Tremblay J, et al. Serratia marcescens Outbreak in a Neonatal Intensive Care Unit: New Insights from Next-Generation Sequencing Applications. J Clin Microbiol. 2018;56(9).

2. Voelz A, Muller A, Gillen J, Le C, Dresbach T, Engelhart S, et al. Outbreaks of Serratia marcescens in neonatal and pediatric intensive care units: clinical aspects, risk factors and management. Int J Hyg Environ Health. 2010;213(2):79-87.

3. Cristina ML, Sartini M, Spagnolo AM. Serratia marcescens Infections in Neonatal Intensive Care Units (NICUs). Int J Environ Res Public Health. 2019;16(4).

4. Montagnani C, Cocchi P, Lega L, Campana S, Biermann KP, Braggion C, et al. Serratia marcescens outbreak in a neonatal intensive care unit: crucial role of implementing hand hygiene among external consultants. BMC Infect Dis. 2015;15:11.

5. Moles L, Gomez M, Moroder E, Jimenez E, Escuder D, Bustos G, et al. Serratia marcescens colonization in preterm neonates during their neonatal intensive care unit stay. Antimicrob Resist Infect Control. 2019;8:135.

6. Rossen JWA, Dombrecht J, Vanfleteren D, De Bruyne K, van Belkum A, Rosema S, et al. Epidemiological Typing of Serratia marcescens Isolates by Whole-Genome Multilocus Sequence Typing. J Clin Microbiol. 2019;57(4).

7. Attman E, Korhonen P, Tammela O, Vuento R, Aittoniemi J, Syrjanen J, et al. A Serratia marcescens outbreak in a neonatal intensive care unit was successfully managed by rapid hospital hygiene interventions and screening. Acta Paediatr. 2018;107(3):425-9.

8. Raymond J, Aujard Y. Nosocomial infections in pediatric patients: a European, multicenter prospective study. European Study Group. Infect Control Hosp Epidemiol. 2000;21(4):260-3.

9. Fattorini M, Buonocore G, Lenzi D, Burgassi S, Cardaci RMR, Biermann KP, et al. Public Health since the beginning: Neonatal incubators safety in a clinical setting. J Infect Public Health. 2018;11(6):788-92.

10. Giles M, Harwood HM, Gosling DA, Hennessy D, Pearce CT, Daley AJ. What is the best screening method to detect Serratia marcescens colonization during an outbreak in a neonatal intensive care nursery? J Hosp Infect. 2006;62(3):349-52.

11. Gilchrist CA, Turner SD, Riley MF, Petri WA, Jr., Hewlett EL. Whole-genome sequencing in outbreak analysis. Clin Microbiol Rev. 2015;28(3):541-63.

12. Abreo E, Altier N. Pangenome of Serratia marcescens strains from nosocomial and environmental origins reveals different populations and the links between them. Sci Rep. 2019;9(1):46.

13. David MD, Weller TM, Lambert P, Fraise AP. An outbreak of Serratia marcescens on the neonatal unit: a tale of two clones. J Hosp Infect. 2006;63(1):27-33.

14. Dawczynski K, Proquitte H, Roedel J, Edel B, Pfeifer Y, Hoyer H, et al. Intensified colonisation screening according to the recommendations of the German Commission for Hospital Hygiene and Infectious Diseases Prevention (KRINKO): identification and containment of a Serratia marcescens outbreak in the neonatal intensive care unit, Jena, Germany, 2013-2014. Infection. 2016;44(6):739-46.

15. Maltezou HC, Tryfinopoulou K, Katerelos P, Ftika L, Pappa O, Tseroni M, et al. Consecutive Serratia marcescens multiclone outbreaks in a neonatal intensive care unit. Am J Infect Control. 2012;40(7):637-42.

16. Mahlen SD. Serratia infections: from military experiments to current practice. Clin Microbiol Rev. 2011;24(4):755-91.

17. McGeer A, Low DE, Penner J, Ng J, Goldman C, Simor AE. Use of molecular typing to study the epidemiology of Serratia marcescens. J Clin Microbiol. 1990;28(1):55-8.

18. Cipolla D, Giuffre M, Mammina C, Corsello G. Prevention of nosocomial infections and surveillance of emerging resistances in NICU. J Matern Fetal Neonatal Med. 2011;24 Suppl 1:23-6.

19. Tracy M, Ryan L, Samarasekara H, Leroi M, Polkinghorne A, Branley J. Removal of sinks and bathing changes to control multidrug-resistant Gram-negative bacteria in a neonatal intensive care unit: a retrospective investigation. J Hosp Infect. 2020;104(4):508-10.

20. De Geyter D, Blommaert L, Verbraeken N, Sevenois M, Huyghens L, Martini H, et al. The sink as a potential source of transmission of carbapenemase-producing Enterobacteriaceae in the intensive care unit. Antimicrob Resist Infect Control. 2017;6:24.

21. Smolders D, Hendriks B, Rogiers P, Mul M, Gordts B. Acetic acid as a decontamination method for ICU sink drains colonized by carbapenemase-producing Enterobacteriaceae and its effect on CPE infections. J Hosp Infect. 2019;102(1):82-8.

22. Rijksinstituut voor Volksgezondheid en Milieu. De risico’s van azijn bij de bestrijding van onkruid en groene aanslag door particulieren  [Internet] . 2019  [cited 12 February 2020]. Available from: https://www.rivm.nl/bibliotheek/rapporten/2019-0198.pdf.

23. Rossen JWA, Friedrich AW, Moran-Gilad J, ESCMID Study Group for Genomic and Molecular Diagnostics (ESGMD). Practical issues in implementing whole-genome-sequencing in routine diagnostic microbiology. Clin Microbiol Infect. 2018;24(4):355-360.

La COVID-19 et l’impact sur l’environnement de différentes techniques de ventilation et de traitement de l’air

Les articles récents publiés dans la littérature indiquent que la propagation du SARS-CoV-2 peut également se faire par le biais d’aérosols. La formation d’aérosols permet au virus d’être transporté sur de plus longues distances par le flux d’air, même si son importance relative demeure peu claire. Des études ont en effet retrouvé de l’ARN du virus SARS-CoV-2 dans des échantillons d’air. Cependant, la présence d’ARN viral dans l’air ne signifie pas nécessairement qu’il s’agit d’un virus vivant et infectieux. Néanmoins, on sait que l’infectiosité du virus augmente en cas de séjour de longue durée dans un espace mal aéré. Cet élément fait de la ventilation d’espaces intérieurs un élément central pour réduire le risque de propagation du SARS-CoV-2 par voie aéroportée. 

Dans le milieu hospitalier, les conditions et exigences climatiques d’un bâtiment sont gérées par le biais de systèmes HVAC. HVAC est l’abréviation anglaise de heating, ventilation and air-conditioning (chauffage, ventilation et air conditionné). Il s’agit de l’ensemble des installations destinées à contrôler la température, l’hygrométrie, la pression atmosphérique et la qualité de l’air d’un bâtiment. Cet article étudie l’impact de différentes techniques de ventilation sur la qualité de l’air intérieur. Une ventilation mécanique contrôlée est fréquemment utilisée dans les hôpitaux. Avec cette méthode, l’air est récupéré (en totalité ou partiellement), ce qui est préférable d’un point de vue énergétique. En effet, comme l’air récupéré est déjà chaud et humide, ceci permet de réaliser un gain d’énergie. 

L’inconvénient de la récupération de l’air est que, si aucune précaution n’est prise, il se peut que des micro-organismes se propagent par la ventilation. Raison pour laquelle il est crucial d’optimiser le renouvellement de l’air.

Différentes actions peuvent être menées à cette fin. La principale mesure consiste à assurer une ventilation maximale, à empêcher entièrement la recirculation de l’air et à introduire 100 % d’air frais en provenance de l’extérieur. Si la récupération de l’air ne peut pas être désactivée, un filtre HEPA à haute efficacité contre les particules (High Efficiency Particulate Air) de type H13 minimum doit être placé au niveau de l’entrée et de la sortie. Un filtre HEPA de type H13 a, selon l’ECDC (2020) la capacité de retenir le SARS-CoV-2. Lorsque la ventilation est insuffisante dans certaines pièces, un filtre HEPA mobile peut être placé pour assurer une purification locale de l’air. Cependant, Il est essentiel que ces appareils mobiles assurent un débit minimum de 2, et de préférence 5 renouvellements d’air par heure (REHVA, 2020).

A l’UZ Gent certaines infrastructures sont relativement anciennes, et tous les bâtiments ne sont pas équipés d’un système de ventilation de qualité. Dès lors certains services se sont inquiétés de la qualité de l’air lors de l’exécution de procédures aérosolisantes (AGP) en période de COVID-19. Dans ce contexte, une étude de petite envergure a été réalisée afin d’évaluer l’apport de l’utilisation d’un filtre HEPA mobile (CamCleaner City M®, Camfil) en cas d’AGP. 

Un compteur de particules à haut volume validé (Aerotrak 9500®, TSI) a été utilisé pour mesurer le nombre de particules de ≥ 0,5µ (en raison de la limitation du compteur de particules) avant, pendant et après quelques procédures à risque chez des patients non atteints de la COVID-19. Le but de ces mesures était double : d’une part, il visait à identifier les changements dans la qualité de l’air lors d’AGP et d’autre part à définir le temps de récupération après des AGP. Il a ainsi été possible d’estimer le temps nécessaire entre deux procédures pour entrer en toute sécurité dans la pièce.

Toutes les mesures ont été effectuées dans un local clos, c’est-à-dire portes et fenêtres fermées. Le compteur de particules était placé à proximité immédiate de la table d’examen. L’appareil a été paramétré de manière à réaliser un comptage particulaire toutes les 5 minutes, et ce, avant, pendant et après la procédure. En procédant de la sorte, Il a été possible de déterminer une valeur de base moyenne de la qualité de l’air de cette pièce. Les mesures ont été effectuées dans le cadre d’une gastroscopie et d’une bronchoscopie choisies comme deux procédures types risquant de générer des aérosols.

La figure 1 montre clairement que le nombre de particules augmente rapidement lors d’une gastroscopie. Il convient de souligner qu’une qualité de l’air normale est atteinte environ 15 à 20 minutes après la fin de la procédure. Ce temps de retour rapide à la situation normale a pu également être confirmé après l’exécution d’une bronchoscopie avec un filtre HEPA mobile dans la pièce.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Afin d’évaluer davantage l’impact d’un filtre HEPA mobile, des mesures de comptage de particules ont été effectuées lors d’une rhinoscopie avec nettoyage des sinus. Cette procédure a été réalisée deux fois chez le même patient, à 4 semaines d’intervalle, dans le même local et dans les mêmes conditions, une fois sans utilisation d’un filtre HEPA mobile et une fois avec. Afin de bien mettre en évidence la différence entre les deux mesures, les deux graphiques sont présentés en superposition dans la figure 2. Vu que la durée des deux procédures était différente et que l’accent portait sur les modifications de la qualité de l’air après la procédure, l’heure de fin des deux procédures a servi de point zéro. Les résultats de mesure sont affichés à partir de l’heure – 90 minutes jusqu’à + 90 minutes. 

Pendant l’exécution de la rhinoscopie avec nettoyage des sinus sans filtre HEPA mobile (courbe supérieure), on ne constate pas d’effet notable sur la qualité l’air. Un pic de concentration particulaire (3.939.040 particules/m3) est atteint 3 minutes après la fin de la procédure. Le temps de retour à la normale est observé après 1 heure. 

Lors de l’utilisation d’un filtre HEPA mobile, la valeur de base moyenne de la qualité de l’air est nettement inférieure (165.740 particules /m³) par rapport à la situation sans filtre HEPA mobile (3.524.380 particules /m3). Ceci représente une diminution du nombre de particules/m3 d’environ 90 %. Pendant la réalisation de la procédure en présence d’un filtre HEPA mobile (la courbe inférieure), on assiste à une augmentation claire du nombre de particules avec un pic de 391.380 particules/m3. Par contre, le temps de retour à la situation basale est atteint après 10 minutes, temps largement inférieur par rapport à une procédure réalisée sans filtre HEPA mobile.

Ces résultats indiquent que, dans des pièces fermées insuffisamment aérées, l’utilisation d’un filtre HEPA mobile pour purifier l’air s’avère bénéfique sur la qualité de l’air, particulièrement en cas d’AGP. Cette étude comprend cependant plusieurs limitations. En effet, les mesures de comptage particulaire réalisées ne permettent pas d’établir une distinction entre les différents types de particules. Il peut s’agir soit de particules de poussière ou de particules de liquide, mais également de particules contenant (ou pas) des micro-organismes. Par ailleurs, il n’existe aucune valeur de référence ni aucune norme qui permette d’établir des comparaisons, ce qui fait que nous n’avons pu obtenir ici qu’une estimation. Les résultats de cette étude ne peuvent donc pas être généralisés et d’autres études sont nécessaires dans des contextes différents. 

 

Références 

• Correia G., Rodrigues L., Gameiro da Silva M., Conçalves T. (2020). Airborne route and bad use of ventilation systems as non-negligible factors in SARS-CoV-2 transmission. Medical Hypotheses, 141, 109781.

• Dietz L, Horve PF, Coil DA, Fretz M, Eisen JA, Wymelenberg KVD. 2019 Novel Coronavirus(COVID-19) Pandemic: Built Environment Considerations To Reduce Transmission. Consulté le 8 mars 2021 sur https://msystems.asm.org/content/5/2/e00245-20

• Doremalen N van, Bushmaker T, Morris DH, Holbrook MG, Gamble A, Williamson BN, et al. (2020). Aerosol and surface stability of SARS-CoV-2 as compared with SARS-CoV-1. New England Journal of Medicine. Consulté le 18 septembre 2020 sur https://www.nejm.org/doi/10.1056/NEJMc2004973.

• European Center of Disease Control (2020). Heating, ventilation and air-conditioning sytems in the context of COVID-19. 

• Fears A.C., Klimstra W.B., Duprex P., Hartman A., Weaver S.C., Plante K.S., et al. Comparative dynamic aerosol efficiencies of three emergent coronaviruses and the unusual persistence of SARS-CoV-2 in aerosol suspensions. medRxiv. 2020 Apr 18;2020.04.13.20063784

•Haut Conseil de la Santé Publique (2020). Réduction du risque de transmission du coronavirus SARS-CoV-2 par la ventilation et gestion des effluents des patients. Consulté le 8 mars 2021 sur https://www.hcsp.fr/Explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=783

• Conseil Supérieur de la Santé (2021). Recommandations relatives à la ventilation des bâtiments hors hôpital et institutions de soins pour limiter la transmission de sars-cov-2 par voie aéroportée (css n° 9616).

• REHVA, Federation of European Heating, Ventilation and Air Conditioning Associations) (2020). How to operate HVAC and other building service systems to prevent the spread of the coronavirus (SARS-CoV-2) disease in workplaces.

• Sciensano (2021), Fact Sheet COVID-19 disease (SARS-CoV-2), version 9.

• Tran K, Cimon K, Severn M, Pessoa-Silva CL, Conly J. Aerosol generating procedures and risk of transmission of acute respiratory infections to healthcare workers: a systematic review. PLoS ONE. 2012;7(4):e35797.

• World Health Organisation (2020). Modes of transmission of virus causing COVID-19: implications for IPC precaution recommendations. Consulté le 18 septembre 2020 sur https://www.who.int/news-room/commentaries/detail/modes-of-transmission-of-virus-causing-covid-19-implications-for-ipc-precaution-recommendation

• https://lci.rivm.nl/richtlijnen/covid-19

• https://www.cdc.gov/coronavirus/2019-ncov/infection-control/control-recommendations.html

L’infirmier-ère expert-e en prévention et contrôle de l’infection en Suisse, se dévoile.

L’expert-e en prévention des infections associées aux soins est responsable, au sein d’une structure du domaine de la santé et dans les limites de son champ de compétences, de la prévention des infections nosocomiales et des maladies infectieuses transmissibles (prévention, détection, lutte) et de la surveillance. Il-elle assure des missions transversales et occupe une fonction de cadre au sein de l’Etat-major.

La Suisse étant un État fédéral (où 3 langues sont parlées), les obligations et les responsabilités dans le système de santé sont décentralisées. La loi fédérale sur les épidémies (LEp) [1] règle les responsabilités partagées entre les autorités fédérales, cantonales et communales, le rôle des cantons étant primordial. Les vingt-six cantons suisses ont chacun leur propre constitution. Il leur incombe d’autoriser les fournisseurs de prestations à exercer, de coordonner les services hospitaliers et de subventionner les institutions de santé. Il existe également une multitude d’institutions scientifiques au niveau fédéral ou cantonal, notamment les universités, les sociétés professionnelles, différentes associations ainsi que des groupes d’experts.

Un peu d’histoire


De l’infirmier-ère en hygiène hospitalière à l’infirmière en contrôle de l’infection. 

En 1986, les infirmiers-ères en hygiène changent de titre : « Infirmière en contrôle de l’infection ». Ce changement a pour objectif :  la reconnaissance de la fonction. L’hygiène hospitalière couvre un vaste domaine : l’environnement (air, eau, surfaces), la transmission des maladies infectieuses, l’application des Précautions Standard, etc.

Pendant de nombreuses années l’activité dévolue à l’hygiène hospitalière était assez restreinte. La fonction était souvent occupée par l’infirmière cheffe adjointe, puis sous l’impulsion de plusieurs infirmières en prévention des infections et de médecins, des comités d’hygiène s’organisent dans les hôpitaux et les cliniques. 

Un groupe d’intérêts regroupant les professionnels en hygiène hospitalière est constitué en 1987 sous l’égide de la société suisse d’hygiène hospitalière (SSHH)1, l’association suisse des infirmiers (ASI)2 et des d’infirmiers et infirmières. 

Rapidement, les problèmes linguistiques au sein du comité ont émergé, mais la volonté de renforcer le profil professionnel au plan national a favorisé sa pérennité. Dès 1989, les premières infirmières suivent la formation postgrade en hygiène hospitalière. En 1994, deux groupes d’intérêt communs de spécialistes infirmiers en prévention des IAS sont créés ; le SIPI3 groupe francophone, et le FIBS4 groupe alémanique. Les professionnels tessinois se répartissent dans les deux groupes, selon leur niveau de compréhension de la langue. La formation débute en Suisse romande, à l’Ecole Supérieure d’Enseignement Infirmier (ESEI) et s’inscrit dans le programme d’infirmier-ère clinicienne. 

1 Voir : https://www.sgsh.ch/fr/page-daccueil.html (consulté le 13.11.2020)
2 Voir : https://www.sbk.ch/fr/association/groupes-dinterets-communs (consulté le 13.11.2020)
3 Groupe romand d’intérêts communs des « Spécialistes infirmiers en prévention de l’infection » de l’association suisse des infirmiers : https://www.sipi.ch/ (consulté le 13.11.2020)
4 Fachexperten für Infektionsprävention und Berater für Spitalhygiene. Groupe d’intérêts communs de l’ASI. Voir : https://fibs.ch/hygiene-spital-interessensgruppe-schweiz-ueber/ (consulté le 13.11.2020)

Un nouveau diplôme pour une profession en constante évolution

La formation d’infirmier-ère en hygiène s’est déclinée en trois cursus différents :

• la formation des infirmières en contrôle de l’infection créée en 1987,

• la formation des infirmières spécialistes clinique en prévention et contrôle des infections initiée en 1999,

• et depuis 2010, la formation supérieure professionnelle des infirmières expertes en prévention des infections associées aux soins (EPIAS).  Cette dernière formation est proposée par les centres de formation ; Espace Compétences en Suisse romande et par H+ Bildung en Suisse alémanique. L’examen fédéral est placé sous la responsabilité de l’organisation nationale pour la formation dans le domaine sanitaire : l’OdAsanté5.

Le référentiel de formation a été remanié en 2012. Il a pour finalité de préparer à l’exercice du métier en développant des savoir-faire et des compétences permettant d’agir dans des situations professionnelles spécifiques et complexes.

Profil d’un-e expert-e en prévention des infections associées aux soins 

Vers un profil professionnel très spécifique, ou plus large ?

L’experte en prévention des infections associées aux soins (IAS) exerce sa fonction dans une ou plusieurs institutions sanitaires. Selon la situation et le mandat confié, l’experte coopère avec des services et des institutions de la santé publique (organisations nationales et internationales, associations, écoles professionnelles, centres de recherche et services locaux) et siège au sein de commissions ou de groupes de travail internes et externes. Le profil professionnel attendu est donc multiple. Par son travail, l’experte apporte sa contribution à la qualité des soins et à la sécurité des patients. 

Dans la majorité des hôpitaux, la fonction est valorisée à l’instar des spécialistes en soins intensifs, ou en soins d’anesthésie. Parfois, elle occupe la fonction de spécialiste clinique en prévention et contrôle de l’infection. L’experte en prévention et contrôle des infections occupe une fonction clé dans la prévention des infections IAS et dans la gestion du risque infectieux. Toutefois, elle occupe en réalité une position de cadre peu reconnue, pour lui permettre d’accomplir efficacement ses fonctions. 

Il est donc essentiel que le programme de formation soit adéquat et que son statut corresponde à ses nombreuses responsabilités.

Se former pour développer de nouvelles compétences 

La formation est validée en deux ans, au terme de l’acquisition de 5 compétences ; 3 compétences métiers et 2 compétences transversales.

Compétences métiers (compétences clés) :

• Prévention et surveillance des infections nosocomiales 
• Interventions en cas de maladies infectieuses en milieu de soins 
• Création et développement des concepts de prévention des infections

Compétences transversales (compétences de soutien) :

• Formation, communication et consultation 
• Processus de changement et conduite de projets institutionnels ou à plus large échelle

Le programme de formation prépare à l’examen professionnel supérieur, soit le diplôme fédéral supérieur d’expert en prévention des infections associées aux soins. 

La loi est-elle de notre côté ?

De nouvelles lois ont vu le jour. 

Dans le cadre de sa stratégie globale « Santé2020 » [2], le Conseil fédéral a défini la réduction des infections liées aux soins comme mesure de premier ordre, afin de mieux protéger la santé de la population.

La nouvelle loi fédérale sur les épidémies, entrée en vigueur début 2016, prescrit à la Confédération et aux cantons de définir conjointement des objectifs et des stratégies visant à dépister, surveiller, prévenir et combattre les maladies transmissibles. Une stratégie nationale de surveillance, de prévention et de lutte contre les IAS (Stratégie NOSO) [3] qui vise à réduire le nombre d’infections contractées en Suisse dans les hôpitaux et les établissements médico-sociaux (EMS) a été approuvée par le conseil fédéral. L’Office fédéral de la santé publique, en collaboration avec les cantons, les hôpitaux, les EMS et d’autres acteurs majeurs est chargé de la mettre en œuvre (Figure 1).

5 Organisation nationale faîtière de la formation du domaine de la santé : https://www.odasante.ch/fr/examens/ (consulté le 13.11.2020)

Figure 1 : Modèle de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre les infections liées aux soins (Stratégie Noso).

 

Cette stratégie a pour objectifs de coordonner les nombreuses mesures déjà prises, leur mise en œuvre systématique et une meilleure surveillance de la situation à l’échelle nationale. 

En Suisse, l’organisation de la prévention des infections est très hétérogène dans les établissements de soins. Certains cantons disposent de programmes cantonaux de prévention des IAS, dans lesquels des spécialistes de la prévention des infections détiennent un mandat cantonal pour la prévention globale des infections dans les hôpitaux, les EMS et les organisations de soins ambulatoires.

D’autres hôpitaux (universitaires, cantonaux et régionaux) et cliniques disposent de leur propre service de prévention et contrôle de l’infection, dans lequel travaillent des experts en prévention des IAS sous la direction d’un médecin spécialiste en infectiologie FMH (Fédération des médecins suisses). Dans de nombreuses institutions, la prévention des infections est subordonnée à une unité et ne relève pas d’une fonction transversale au plan organisationnel.

Néanmoins, tous les établissements de santé doivent mettre en œuvre le programme de prévention des IAS. Ceci implique d’accéder aux compétences d’un professionnel diplômé en prévention et contrôle des infections ou à défaut à des référents en PCI. Ces ressources devraient être proportionnelles à la taille de l’établissement, à la complexité des missions et à la catégorie de patients pris en charge. 

Un des éléments clés de cette nouvelle stratégie concerne la dotation des professionnels en prévention des IAS. Plusieurs cantons [4] se sont penchés sur la question complexe des effectifs requis en professionnels spécialisés en prévention des IAS dans les lieux de soins, en se basant sur diverses études. 

Les recommandations sont 0.7 EPT6 d’infirmière en prévention de l’infection pour 100 lits avec plateau technique (secteurs de soins aigus avec soins intensifs et/ou bloc opératoire). Dans les secteurs de soins sans plateau technique (centre de réadaptation, gériatrie, psychiatrie) il s’agit d’un 0.4 EPT d’infirmière en prévention de l’infection pour 100 lits. Pour les établissements de soins chroniques, le taux recommandé est 0.2 EPT d’infirmière en PCI (expert ou un répondant en PCI formé) pour 100 lits. 

Les recommandations de dotation se fondent sur le nombre de lits occupés, sur la portée du programme de prévention et du contrôle des IAS, la complexité du lieu de soins, les caractéristiques de la population de patients ou de résidents et les besoins de l’établissement.

C’est un bon début, mais dans ces recommandations on ne tient pas compte du rôle sans cesse élargi des programmes de prévention et du contrôle des IAS, l’augmentation des bactéries hautement résistantes, les interventions dans les projets de conception et de construction, et la participation aux divers groupes de travail. Finalement, on oublie que les structures sanitaires de taille modeste n’ont pas les ressources nécessaires pour recruter un professionnel en prévention des IAS. Certains établissements n’ont pas la dotation prédéfinie, par manque de professionnels diplômés disponibles ou de budget alloué à cette activité. 

Le succès du déploiement et de la pérennisation de la stratégie nationale (Stratégie NOSO) au niveau des cantons nécessite la création et le développement d’outils de monitorage. Elle nécessite également la formation de professionnels en prévention des IAS, la création de postes en prévention et du contrôle des IAS dans les établissements non dotés ou partiellement dotés, afin de favoriser l’intégration et l’application des normes et des directives cantonales. C’est pourquoi, l’association romande des spécialistes infirmiers en prévention de l’infection (SIPI) s’est engagée auprès d’autres associations professionnelles, organisations et autorités cantonales dans la mise en œuvre de la Stratégie NOSO.

L’avenir de la formation en Suisse… 

La consolidation de notre rôle est un processus continu, difficile mais indispensable.

Les associations des spécialistes infirmiers en prévention des IAS francophone (SIPI) et germanophone (FIBS), œuvrent de concert à la reconnaissance et au perfectionnement de la profession des expertes en prévention des IAS. 

La fonction d’experte en prévention des IAS est un domaine de spécialité reconnu par l’Association suisse des infirmier et infirmières, car elle exige un savoir et des compétences autres que celles requises dans le cadre de la pratique générale de l’infirmière. L’élaboration et la mise en œuvre d’un programme en prévention et du contrôle des IAS nécessitent des connaissances spécialisées dans plusieurs domaines énumérés précédemment, afin d’assurer la qualité et la sécurité des soins en tout temps. Afin de satisfaire aux compétences requises pour l’exercice de la fonction, la formation dispensée aux infirmières en PCI doit rendre l’apprentissage plus efficace et renforcer leur autonomie pour atteindre le niveau d’expert attendu. C’est pourquoi, un groupe de travail composé par les membres de la commission de formation (SIPI et centre de formation) a développé une nouvelle approche basée sur le blended learning, afin de rendre l’apprentissage plus efficient. Cette nouvelle approche pédagogique permet de renforcer dès le début de la formation l’autonomie des professionnels en PCI. 

Le blended learning est une méthode d’enseignement mixte associant, les études en ligne (e-learning) avec des sessions de cours en présentiel. Cette approche pédagogique dynamique incite l’apprenant à faire ses propres recherches, à approfondir les domaines théoriques présentés aux cours ou à anticiper le cours suivant. L’infirmière en prévention des IAS développe ainsi des capacités à résoudre les problèmes complexes, approfondit ses connaissances et développe des ressources. La formation exige des futures expertes qu’elles prennent du temps pour travailler en dehors des cours en présentiels.

Perspectives et conclusion

La crise sanitaire récemment vécue en lien avec la pandémie au SARS-CoV-27 place l’ensemble des systèmes de santé sous haute tension. Elle a placé tous les professionnels de la prévention des IAS devant un défi de taille où le rôle de l’infirmière en prévention des IAS a été plus que remarqué. De la gestion ordinaire d’une épidémie à une pandémie hors norme où tout dérape. 

Quand cellule de crise, rime avec bataille des EPI ou avec le manque de matériel de protection individuelle. Que faire quand on n’a pas sous la main le matériel de protection essentiel (masque, surblouse) ou suffisamment de lits ? La gestion de crise requiert des adaptations rapides et multiples.  L’experte en prévention des IAS intervient dans un contexte tendu et en grande difficulté. Tels sont désormais les défis de prévention et de contrôle des infections à relever. 

6 EPT : l’équivalent plein-temps sert à mesurer le travail fourni par un employé. il est égal à 1 pour un employé à plein temps.
7 Severe acute respiratory syndrome coronavirus : syndrome respiratoire aigu sévère coronavirus.

Références

• [1] Loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles à l’homme LEp 818.101

• [2] Office fédéral de la santé publique. Stratégie globale pour le système de santé – Santé 2020. Confédération suisse. 2013. Accessible à : https://www.bag.admin.ch/bag/fr/home/strategie-und-politik/gesundheit-2020/eine-umfassende-strategie-fuer-das-gesundheitswesen.html (consulté le 24.06.2020)

•[3] Conseil fédéral. La stratégie NOSO en bref. Stratégie nationale de surveillance, de prévention et de lutte contre les infections liées aux soins. Confédération suisse. 2016. accessible à : https://www.bag.admin.ch/bag/fr/home/strategie-und-politik/nationale-gesundheitsstrategien/strategie-noso–spital–und-pflegeheiminfektionen.html (consulté le 23.06.2020)

• [4] Unité cantonale vaudoise. Programme cantonal vaudois de lutte contre les infections associées aux soins. Canton de Vaud. Confédération suisse. 19.09.2018.accessible à : https://www.hpci.ch/hpci-vaud/organisation-mission-du-programme-cantonal (consulté le 23.06.2020).

https://www.sipi.ch/wp-content/uploads/2020/12/En-direct-du-…SIPI-HY_XXVIII_5_Qalla_En-direct.pdf