L’évolution de l’observance de l’hygiène des mains dans les institutions psychiatriques

En collaboration avec le groupe de travail de la campagne pour l’hygiène des mains de la Plate-forme fédérale pour l’hygiène hospitalière

Introduction

Plusieurs études ont été publiées dans la littérature scientifique sur les interventions visant à améliorer le respect de l’hygiène des mains par les professionnels de la santé. Naikoba & Hayward (2001) ont conclu que les interventions uniques et combinées (formation et formation continue, rappels en atelier, promotion de la solution hydro-alcoolique et audit avec feed-back) peuvent améliorer l’observance, mais que – sans efforts soutenus – cet effet est seulement temporaire.

Ainsi, le SPF Santé publique, BAPCOC (Belgian Antibiotic Policy Coordination Committee) et Sciensano organisent tous les 2 ans une campagne nationale belge de sensibilisation à la promotion de l’hygiène des mains. Ces campagnes de sensibilisation, ayant des thématiques spécifiques, ont pour objectif de modifier les comportements des professionnels de la santé et des patients par l’ empowerment de leur propre hygiène des mains. Chaque campagne de sensibilisation est subdivisée en trois périodes :

– Période d’observation pré-campagne
– Période de sensibilisation
– Période d’observation post-campagne

Les observations faites durant les phases pré- et post-campagne résultent d’une observation directe des pratiques qui varient selon différents indicateurs. Dans cet article, nous souhaitons mettre en évidence l’évolution de l’observance de l’hygiène des mains dans les hôpitaux psychiatriques à travers les 7 campagnes nationales auxquelles ils ont participé.

Méthodologie

La méthodologie utilisée dans le cadre de la mesure de l’observance des institutions psychiatriques est quasiment similaire à celle pratiquée dans les autres catégories d’hôpitaux (chroniques / aigus). Cependant, un aspect les distingue; la suppression de l’indication « contacts sociaux » pour les hôpitaux psychiatriques dès la 3ème campagne. En effet, une analyse effectuée lors de leur première participation à la campagne nationale de 2006-2007 (la deuxième campagne nationale) avait mis en évidence qu’aucun enregistrement de données n’avait été fait pour cette indication.

Dans le 3ème rapport national de promotion à l’hygiène des mains, une attention particulière est faite pour définir les « contacts sociaux » qui se déterminent par des contacts physiques de courte durée excluant les soins, tels que par ex. serrer la main à quelqu’un ou lui taper sur l’épaule. Une présentation reprenant des exemples pratiques de cette observation dans les hôpitaux psychiatriques est disponible sur le site www.hicplatform.be. Cet instrument peut être utilisé dans le cadre de la formation d’observateurs.

Les données relatives à l’observance de l’hygiène des mains qui figurent dans cet article résultent d’une analyse qualitative des résultats des 7 derniers rapports nationaux de la campagne de promotion à l’hygiène des mains en Belgique. Afin de mener à bien cette analyse, nous avons croisé les données qui portent sur l’observance de l’hygiène des mains dans les institutions psychiatriques entre les différents rapports.

Résultats   

Participation à la campagne
La seconde campagne nationale de promotion de l’hygiène des mains en 2006 – 2007 a été marquée par la première participation des établissements psychiatriques. Le thème de cette campagne était « Hand hygiene, do it correctly ». Lors de cette campagne, un taux de participation de 63% a été observé soit l’équivalent de 43/68 hôpitaux psychiatriques. Excellent départ pour une première édition !

Tableau 1 • Participation des hôpitaux psychiatriques, avant et après la campagne d’hygiène des mains, lors des 7 campagnes nationales belges.

Ci-dessus, un tableau récapitulatif qui montre la participation des hôpitaux psychiatriques à travers les 7 campagnes nationales de promotion de l’hygiène des mains en Belgique. Lors de chaque campagne nationale, nous constatons une diminution du nombre de participants par rapport à la campagne nationale précédente. Malheureusement, n’ayant pas investigué davantage les raisons de cette baisse de participation des institutions psychiatriques ; nous ne pouvons, actuellement, qu’émettre les hypothèses suivante

– Baisse de l’enthousiasme et de la motivation à l’idée de participer à une énième édition de promotion à l’hygiène des mains ;
– Thématique abordée lors de la campagne moins pertinente pour les hôpitaux psychiatriques ;
– Participation continue des meilleurs élèves de la classe (çad, les hôpitaux avec les meilleurs résultats) et l’abandon des mauvais élèves (çad, ceux qui ont les scores d’observance les plus faibles).

Ceci reste des hypothèses possibles mais non démontrées et qui nécessiteront d’être vérifiées ultérieurement.

Figure 1 • Évolution de l’observance de l’hygiène des mains (HDM) au sein des hôpitaux psychiatriques, avant et après campagne, pour sept campagnes consécutives, 2006-2019

La médiane (représentée par une ligne horizontale dans chaque boîte), la moyenne (représentée par le symbole dans la boîte), les intervalles interquartiles (hauteur de la boîte), les limites maximale et minimale (barres verticales) de l’observance sont indiquées, ainsi que les résultats extrêmes («outliers « ; points isolés).

Remarque : Participation des hôpitaux psychiatriques à partir de la deuxième campagne (2006-2007).

Observance de l’hygiène des mains 

1. Selon la catégorie institutionnelle

La première participation des hôpitaux psychiatriques, fut notée par une belle évolution de l’observance moyenne avant-après campagne. En effet, la différence du taux d’observance mesuré dans les services de psychiatrie (n=111) était de plus de 21%. Avant la campagne, l’observance moyenne était visiblement plus faible parmi les institutions psychiatriques. Néanmoins, notons que la plus forte augmentation d’observance a été observée dans cette catégorie d’institutions.

Tableau 2 • Résultats des observations selon la catégorie institutionnelle, avant et après la campagne d’hygiène des mains, lors des  7 campagnes nationales Belges.

*% = moyenne des pourcentages (poids plus important pour les institutions avec un nombre d’observations élevé)

Obs. = Observance

Au fur et à mesure des campagnes nationales, nous pouvons souligner une belle progression du taux d’observance des hôpitaux psychiatriques. En effet, depuis leur première participation, ils sont passés d’un taux d’observance de 44,6% (2ème campagne) à 66,3% (7ème campagne) avant-campagne de sensibilisation. Comparativement, pour les mêmes périodes observées, les hôpitaux de soins aigus connaissent une évolution avant-campagne de sensibilisation allant de 55,3% (2ème campagne) à 72,1% (7ème campagne) du taux d’observance. Nous pouvons donc constater une différence du taux d’observance de 4,9% entre ces deux catégories d’institutions (+21,7% pour les hôpitaux psychiatriques et +16,8% pour les hôpitaux aigus) ; chiffres encourageant pour les hôpitaux psychiatriques.

Par rapport aux pourcentages de la 8ème campagne de promotion à l’hygiène des mains, nous constatons une nette diminution du taux d’observance dans la période précédant la campagne 2018-2019 (avant la campagne 2016-2017 : 66,3 %, avant la campagne 2018-2019 : 56,2%, soit une différence de -10,1 % entre les deux campagnes nationales). Cette différence s’explique en partie par le fait que six nouveaux hôpitaux se sont inscrits pour cette 8ème campagne et que certains d’entre eux ont enregistré des taux d’observance très faibles lors de leurs premières mesures.

Lors de la dernière campagne, une différence pré-/post- campagne très importante est constatée pour les unités psychiatriques (hôpitaux psychiatriques et salles psychiatriques) avec une différence de +19,4%. 

Toutefois, si l’observance après campagne de sensibilisation à tendance à diminuer, la différence des périodes avant campagnes (soit +21,7% entre la 1ère et la 6ème participation) révèle que les hôpitaux psychiatriques continuent de s’améliorer au cours des années.  

Selon la catégorie professionnelle 

Tableau 3 • Observance de l’hygiène des mains selon la catégorie professionnelle dans les institutions psychiatriques, avant et après la campagne, lors des 2 dernières campagnes nationales belges

Le tableau ci-dessus met bien en évidence que le taux d’observance moyen diffère selon les professions. Comme lors des deux dernières campagnes nationales, nous observons une hausse du taux d’observance après campagne pour la plupart des professionnels de la santé dans les institutions psychiatriques. Ce constat est très encourageant et illustre la volonté continue de chaque professionnel à vouloir s’améliorer dans sa pratique de l’hygiène des mains.

Chez les médecins, qui avaient réalisés les moins bons scores avant la campagne, on constate une nette amélioration des résultats d’observance après la campagne de sensibilisation. Inversément on constate une diminution importante de l’observance chez les kinésithérapeutes. Le faible nombre d’opportunités observées et nos remarques pour les hôpitaux et unités psychiatriques ne nous permettent pas d’interpréter les résultats de manière pertinente pour ces catégories professionnelles.

Consommation des solutions hydroalcooliques Lors de la première participation à la campagne de promotion à l’hygiène des mains, l’utilisation de solutions hydroalcooliques dans les services psychiatriques n’était pas encore ancrée dans les mœurs. Aussi, une attention particulière a été portée lors de la campagne nationale suivante pour stimuler toutes les institutions (hôpitaux chroniques / aigues / psychiatriques) à promouvoir l’utilisation des solutions hydroalcooliques pour l’hygiène des mains en lieu et place du lavage des mains à l’eau et savon.

La consommation de solutions hydroalcooliques est utilisée comme une indication indirecte pour l’application de l’hygiène des mains par les professionnels de la santé. Toutefois, l’utilisation de ces données de consommation comporte certaines limites. Une première limite est qu’il est difficile de déterminer si la désinfection des mains est faite par le travailleur de la santé lui-même, au bon moment et au bon endroit, et selon les recommandations. De fait, la mesure de l’observance selon les indications de désinfection des mains ne peut être atteinte que par l’observation directe par un observateur formé. La deuxième limite, dont il faut tenir compte, est la faible participation des hôpitaux et donc la nécessité d’interpréter les résultats avec une extrême prudence.

Conclusion

Nous pouvons constater une hausse progressive du taux d’observance au cours des six premières campagnes de promotion à l’hygiène des mains dans les institutions psychiatriques, suivi d’un déclin lors de la dernière campagne. Cependant, un des facteurs pouvant expliquer cette baisse du taux d’observance pré-campagne lors de la huitième campagne est l’augmentation de la participation des hôpitaux psychiatriques. En effet, plusieurs nouveaux hôpitaux psychiatriques ont rejoint la 8ème campagne enregistrant des faibles résultats d’observance.

La littérature montre que les campagnes de sensibilisation sur l’hygiène des mains doivent être répétées pour obtenir un effet durable. En effet, la programmation bisannuelle des campagnes de sensibilisation à l’hygiène des mains contribue à la modification des comportements des professionnels de santé mais également des patients. Cela est, notamment, démontré par les données d’observance obtenues selon la catégorie professionnelle qui sont plus élevées en post-campagne.

Il est important de continuer à intégrer, dans la méthodologie des campagnes nationales, les spécificités des institutions psychiatriques afin de les encourager et de susciter leur intérêt à participer activement aux campagnes nationales de promotion à l’hygiène des mains.

Références

Catry B., Viseur N., Fonguh S. & Simon A. (2013) Résultats de la 5e campagne nationale pour la promotion de l’hygiène des mains, 2013, Bruxelles : Institut scientifique de santé publique,
Consulté sur http://www.nsih.be/download/national%20results%20campagne%202013_FR.pdf

De Pauw H., Benhammadi N., Shodu N. & Catry, B. (2020), Résultats de la 8e campagne nationale pour la promotion de l’hygiène des mains dans les hôpitaux, 2018-2019, Bruxelles, Belgique : Sciensano ; 2018-2019 64p. Numéro de rapport : D/2020/14.440/32. 
Consulté sur
http://www.nsih.be/surv_hh/download/Sciensano_Résultats%20Campagne%20Nationale%20HDM_2018%202019.pdf

De Pauw H., Uwineza A., Benhammadi N., & Catry, B. (2018), Résultats de la 7e campagne nationale pour la promotion de l’hygiène des mains dans les hôpitaux, 2016-2017, Bruxelles : Institut scientifique de santé publique,
Consulté sur
http://www.nsih.be/surv_hh/download/WIV-ISP%20Résultats%20Nationaux%20HDM%202016-2017.pdf

Fonguh, S., & Catry, B. (2015), Résultats de la 6e campagne nationale pour la promotion de l’hygiène des mains dans les hôpitaux, 2014-2015, Bruxelles : Institut scientifique de santé publique,

La coiffe au bloc opératoire : outil de prévention ou accessoire de mode ?

CET ARTICLE EST PUBLIÉ AVEC L’AUTORISATION DE L’AUTEUR ET DU RÉDACTEUR EN CHEF DE LA REVUE HYGIÈNES

Le risque d’infection du site opératoire (ISO) dépend de la quantité de bactéries contaminantes (inoculum), de la virulence du germe impliqué, des défenses du patient, de la présence au site opératoire d’antibiotiques donnés en prophylaxie, et de l’importance des dégâts tissulaires liés à l’intervention. Le risque de contamination peropératoire est majeur en chirurgie propre, principalement dû à la stérilité du site abordé, à la large incision cutanée, ainsi qu’à l’implantation de maté-riel (réduisant de près de 1 000 fois l’inoculum nécessaire à l’infection). Les micro-organismes proviennent soit de la flore du patient : c’est l’origine endogène (flore cutanée ou digestive), soit de l’environnement chirurgical (personnel, matériel, etc.) pour l’origine exogène. Cette dernière source est importante à considérer en chirurgie « propre » avec incision cutanée, comme la chirurgie orthopédique prothétique.

En dehors de toute activité (debout ou assis), l’homme émet près de 100 000 particules par minute dans l’air, ce nombre pouvant monter jusqu’à 30 000 000 de particules lors d’exercice physique. L’étude de l’air en salle d’intervention durant des gestes de chirurgie cardiaque et orthopédique a permis d’établir une corrélation significative entre les comptes particulaires et l’aérobiocontamination [1]. En d’autres termes, les particules émises dans l’air par l’homme sont pour partie des micro-organismes vivants. La desquamation de la peau du personnel représente une quantité importante de cellules porteuses de micro-organismes diffusées dans l’air et qui sont autant de sources de contamination de la plaie [2-5]. Une série d’études, menée par Tammelin et al., recherchait l’origine des bactéries retrouvées dans la plaie opératoire à partir de prélèvements réalisés chez le personnel chirurgical, le patient, et l’air de la salle en chirurgie cardiaque [6,7]. L’épidémiologie moléculaire montrait une similarité entre les souches de Staphylococcus aureus isolées de l’air et celles de la plaie chirurgicale dans 2/19 plaies positives à S. aureus. Les auteurs émettaient l’hypothèse d’une transmission aéroportée pour ces deux patients. Malgré l’absence d’évidence formelle, la voie aéroportée pourrait constituer une voie non négligeable de colonisation de la plaie opératoire.

Polémique américaine sur la coiffe chirurgicale : une histoire à rebondissements

La tenue du personnel est un sujet récurrent de maîtrise de l’environnement au bloc opératoire. Ce domaine n’a pas généré de réel intérêt scientifique pendant de nombreuses années. Malgré cela, des débats passionnés existent autour du type de coiffe chirurgicale, de sa forme, de sa couleur, de sa composition, basés principalement sur des critères esthétiques. De nombreuses coiffes sont disponibles à l’heure actuelle (charlotte, coiffe, cagoule), de matériaux différents et de couleurs ou motifs différents (Figure 1).

En 2016, l’Association américaine des infirmiers(e)s de bloc opératoire (AORN, Association of periOperative Registered Nurses) a publié des recommandations sur la tenue au bloc opératoire [8]. Dans ce document, le personnel de bloc opératoire devait porter : une veste à manches longues recouvrant les bras, et une coiffe ou « couvre-chef » couvrant la tête, les cheveux, et les oreilles. De la même manière, il était recommandé de couvrir les poils du visage (la barbe) et la nuque. Ces mesures, notamment la coiffe recouvrant les cheveux et les oreilles, ont généré une large controverse, par l’interprétation (implicite à la lecture de la recommandation) de la nécessité du port de charlotte par le personnel sur le champ opératoire, abolissant le port du rituel calot par les chirurgiens. Le réservoir important de contamination représenté par les oreilles, qui comportent plus de bactéries que le front, était l’argument évoqué.

Ces recommandations de l’AORN ont été utilisées lors d’inspections d’hôpitaux américains. Des commentaires, voire des réprimandes, ont alors été émis sur le port inadapté de la coiffe par les chirurgiens, qui ne couvrait pas l’intégralité des cheveux autour des oreilles et de la barbe pendant l’opération. Il s’est ensuivi un débat passionné du collège des chirurgiens américains contre les recommandations de l’AORN, allant jusqu’à la médiatisation du sujet [9]. L’American College of Surgeons (ACS) a alors rédigé et publié ses propres recommandations sur le sujet, basées sur « le professionnalisme, le bon sens, et les preuves disponibles », laissant le choix du port du calot par les chirurgiens [10]. La coiffe constituait pour eux un symbole de la profession chirurgicale. La chaleur, l’inconfort procuré, ainsi que des irritations au contact de l’élastique étaient des arguments complémentaires contre la charlotte. L’AORN a alors riposté par une campagne de communication réfutant point par point les recommandations de l’ACS. Il était notamment dit que : « Porter une coiffe en raison de son symbolisme n’était pas fondé sur des preuves et ne devrait pas servir de base à une recommandation de pratique à l’échelle nationale ». Un responsable fédéral déclarait alors que l’agence Medicare (système d’assurance santé géré par le gouvernement fédéral des États-Unis) ne validerait les recommandations de l’AORN qu’après une analyse rigoureuse de l’évidence disponible sur le sujet. Force est de constater que, jusqu’en 2017, les revues de littérature dans le domaine montraient peu ou pas d’évidence sur l’impact de la coiffe pour la prévention des ISO. Cet épisode a alors déclenché la réalisation d’une série d’études aux États-Unis sur les types de coiffes (principalement calot versus charlotte) et leur impact sur le risque infectieux, dont nous décrivons les résultats ci-après.

Retombées de la controverse : de l’absence de données à une série d’études

Les recommandations 2016 de l’AORN portant sur la cou-verture intégrale des cheveux, des oreilles et de la barbe se basaient principalement sur deux études [8]. L’une datant de 1965, étude rétrospective, comparant des bactéries isolées des narines et des cheveux de membres du personnel hospitalier et de patients. Cette étude a identifié les cheveux comme un réservoir de staphylocoques, sans identification d’un lien de causalité avec l’ISO [11]. Une seconde étude, monocentrique et datant de 1973, incluait une série de 11 patients et décrivait une épidémie d’ISO dont l’origine semblait être les cheveux d’un seul chirurgien, dans lesquels une bactérie identique était retrouvée [12]. Ces études ne discutaient pas la coiffe portée par l’opérateur et les professionnels de manière générale.

Suite à la controverse entre les infirmiers et les chirurgiens aux États-Unis, plusieurs études ont alors été menées, principalement rétrospectives ou quasi expérimentales, de manière à établir une évidence dans ce domaine (Tableau I). Une première étude avant/après a été menée de 2014 à 2016 en neurochirurgie, sur des gestes de classe I d’Althemeier dans un hôpital newyorkais. Elle consistait en la comparaison des taux d’ISO obtenus entre deux périodes de 13 mois : l’une permettant le port de calot ou de charlotte, et la seconde avec port uniquement de la charlotte (port du calot interdit). Près de 16 000 interventions étaient incluses dans l’analyse, avec des taux d’ISO respectivement de 0,77% durant la période permettant le port du calot versus 0,84% durant la période « uniquement charlotte » avec une différence non significative (p=0,63). Le design quasi expérimental (avant/après) était une limite majeure de cette étude, du fait de l’absence d’ajustement sur les potentiels facteurs confondants [13].

Une seconde étude a investigué le degré de contamina-tion aérienne lors du port des différents types de coiffes. La charlotte était comparée au calot en nontissé et au calot en tissu. Cinq personnes (dont des chirurgiens et des infirmiers de bloc opératoire diplômés d’État [Ibode]), dans des salles avec filtration particulaire de haut niveau, ont simulé une intervention pendant une heure avec éva-luation de la contamination particulaire et microbienne. Des tests de perméabilité, pénétration, porosité, épaisseur et microscopie des fibres étaient également réalisés. La seule différence de contamination particulaire de l’air de la salle était observée pour le port de la charlotte, significativement supérieure par rapport au calot en tissu. La contamination microbiologique était systématiquement inférieure pour les deux types de calot en comparaison avec la charlotte. Ces résultats étaient confortés par des tests de pénétration et de perméabilité défavorables pour la charlotte. Nous pondérons l’interprétation des données par le fait qu’il s’agit d’une étude in vitro dont la méthodologie est discutable [14].

Par la suite, deux études ont analysé de manière rétros-pective les données collectées de manière routinière par des sociétés de chirurgie. La première, réalisée dans deux hôpitaux américains, a évalué la régulation stricte de la tenue, en incluant la couverture intégrale des cheveux, barbe, oreille et bijoux. L’un des deux hôpitaux a mené des formations associées à des affichages, et mis en place une check-list
« go/no go » portant sur la coiffe. Le second hôpital, quant à lui, a effectué des formations et des affichages seuls. La mise en œuvre de la stratégie renforcée sur le port de la coiffe n’était pas associée à une baisse du taux d’ISO superficielles (OR : 1,2 ; IC95 [0,7-1,96] ; p=0,56) [15]. Cette régression logistique multivariée incluait près de 6 000 patients. La seconde étude reposait sur les données de l’Americas Hernia Society Quality Collaborative (AHSQC), registre national d’amélioration continue de la qualité des soins de hernie [16]. Ce registre intègre les données pré, per et postopératoires jusqu’à 30 jours. Les pratiques de 170 chirurgiens exerçant dans des contextes variables ont été collectées. Une enquête sur la longueur des cheveux, le port de la barbe et le port de la coiffe (six options différentes, Figure 1) a été envoyée à 86 de ces chirurgiens, parmi lesquels 68 (79,1%) ont répondu. Trente et un chirurgiens (45,6%) ont déclaré porter un calot à usage unique, six (8,9%) ont déclaré porter un calot en tissu, 20 (29,4%) une charlotte à usage unique avec leurs oreilles non couvertes, et onze (16,1%) ont déclaré porter une charlotte à usage unique avec les oreilles couvertes. Un total de 6 210 hernies ventrales opérées par les 68 chirurgiens participants ont été incluses dans l’analyse, et 251 (4,0%) ISO ont été identifiées. Lors de l’analyse multivariée, le score modifié VHWG (Ventral Hernia Working Group), la présence de drain et l’entérotomie étaient retrouvés comme significativement associés à la survenue d’ISO. Plusieurs comparaisons ont été faites entre les différents types de coiffes et leur impact sur le taux d’ISO, et aucune association significative n’a été observée. Les auteurs concluaient au fait que le type de coiffe chirurgical pouvait être choisi à la discrétion du personnel de bloc opératoire sans porter préjudice aux patients.

En 2016, un hôpital américain a mis en œuvre les recom-mandations de l’AORN dans ses blocs opératoires [17]. La politique instituée reposait sur la couverture de l’ensemble des cheveux et poils par la coiffe, les bras devant être recouverts par une veste à manches longues. Après analyse des données du National Health Safety Network (NHSN), les taux d’ISO avant et après le changement de politique ont été calculés pour 30 493 interventions de neurochirurgie et de chirurgies générale, cardiaque, orthopédique et gynécologique. La comparaison avant/après a été réalisée par appariement 1:1 sur un score de propension. 12 585 paires d’interventions appariées ont été incluses, représentant un total de 25 170 patients. Les taux d’ISO ne différaient pas entre les deux groupes (1,0% groupe politique AORN versus 1,1% avant chan-gement ; p=0,7). Il n’y avait pas de différence dans l’inci-dence des ISO à staphylocoques (19,3% groupe politique AORN versus 16,8% avant changement ; p=0,6). L’analyse multivariée retrouvait la classe de contamination de la plaie et les interventions en urgence comme facteurs prédictifs d’ISO. Le coût de la tenue vestimentaire pour une personne entrant dans la salle d’opération était compris entre 0,07$ et 0,12$ avant le changement de politique, et 1,11$ à 1,38$ après le changement de politique. Les vestes à manches longues obligatoires en salle d’opération étaient associées à un coût supplémentaire de 1 128 078$ par an, ce qui représentait environ 540 millions de dollars par an pour tous les hôpitaux américains combinés. Des représentants de l’AORN ont alors écrit à l’éditeur pour préciser certains points évoqués dans l’article d’Elmously et al. [18]. Selon Spruce, l’AORN ne spécifie pas dans ses recommandations le type ou le style de coiffe qui devrait être porté : « Une coiffe ou une cagoule propre qui limite tous les cheveux et couvre complètement les oreilles, la peau du cuir chevelu, les favoris, et la nuque devrait être portée. » Par ailleurs, il était précisé que les recommandations avaient été rédigées sans la collaboration des chirurgiens et des différentes sociétés savantes américaines du domaine, sur la base d’une revue systématique de la littérature. Enfin, le port d’une coiffe à usage unique pour recouvrir les coiffes réutilisables en tissu n’a pas été recommandé par l’AORN. Basée sur la même méthodologie, une étude monocentrique a analysé l’effet de la nouvelle réglementation vestimentaire de l’Agency for Healthcare Research and Quality (AHRQ), sur l’incidence des ISO en chirurgie abdominale [19]. 1 122 patients (dont 60,9% de procédures de laparoscopie et 16,4% de résection de l’intestin) ont été inclus, dont 515 avant et 607 après la mise en œuvre des recommandations ; les cohortes étaient similaires en matière de facteurs de risque d’ISO. Cinquante sept patients en ont développé une. L’analyse multivariée retrouvait la laparoscopie, la résection intestinale et la durée d’intervention comme variables associées à l’ISO, mais pas la tenue vestimentaire. La tenue n’était pas significativement associée à l’ISO (p=0,4), à la réadmission (p=0,4) ou à la reprise chirurgicale (p=0,9).

Enfin, les données d’un essai randomisé prospectif, pré-cédemment publié, sur l’impact de la dépilation sur les ISO ont été analysées [20]. Les patients ont été regroupés, selon le choix de coiffe des chirurgiens, en groupes charlotte ou calot. Un total de 1 543 patients a été inclus dans l’analyse. Les chirurgiens présents portaient une charlotte dans 39% des interventions et un calot dans 61%. Le taux d’ISO global était de 8% dans le groupe charlotte versus 5% dans le groupe calot (p=0,016), avec respectivement 6% des ISO contre 4% classées comme superficielles (p=0,041), 0,8% des ISO contre 0,2% classées comme profondes (p=0,12), et 1% des ISO contre 0,9% classées comme infection d’organe ou de cavité (p=0,79). Lors de l’ajustement sur le type d’intervention, aucune différence entre les groupes charlotte versus calot n’était observée concernant les taux d’ISO. Des critiques ont été émises par Fujita et al. sur cette analyse posthoc manquant d’ajustement, notamment sur le score ASA (American Society of Anesthesiologists) ou sur la durée d’intervention [21]. En réponse, Kothari et al. ont fait tourner le modèle en incluant cette dernière variable, sans modification des résultats toujours non significatifs. À la suite des études récentes sur le sujet, l’ACS, l’ASA, l’AORN, l’Association for Professionals in Infection Control and Epidemiology (Apic), l’Association of Surgical Technologists (AST), le Council on Surgical and Perioperative Safety (CSPS) et le Joint action se sont réunis en février 2018 et, après avoir examiné l’évidence scienti-fique disponible, ont publié une déclaration selon laquelle « L’obligation de couvrir les oreilles n’était pas étayée par des preuves » et que « le domaine de la tenue chirurgicale nécessitait une évaluation plus poussée » [22,23].

Les recommandations françaises actuelles

La plupart des recommandations actuellement disponibles en France sur le sujet n’ont pas fait l’objet d’une gradation du niveau de preuve. Sans être opposables, les normes de la série EN 13 795 constituent un guide important pour l’évaluation de la performance des textiles utilisés en bloc opératoire et donc pour leur choix [24]. La tenue de bloc est définie par la norme comme : « Tenue destinée et ayant démontré son efficacité à réduire la contamination de la plaie opératoire par les squames porteuses d’agents infectieux provenant de la personne habillée de cette tenue via l’air de la salle d’opération, réduisant ainsi les risques d’infection de la plaie. » Selon les recommandations de la Société française d’hygiène hospitalière (SF2H) de 2005, la tenue du person-nel en salle d’opération doit être adaptée de manière à limiter la production et la diffusion de particules [25]. La nature des textiles et des non-tissés utilisés en bloc opératoire a un rôle dans l’aérobiocontamination (accord très fort). Enfin, il était recommandé de limiter la production et la dissémination de particules donnant naissance à des colonies par le port permanent d’une tenue spécifique du bloc opératoire, du calot couvrant la totalité des cheveux et d’un masque recouvrant le nez et la bouche (accord fort). En 2008, un guide, publié par le centre de coordination de la lutte contre les infections nosocomiales (CClin) Sud-Ouest, conseillait que la coiffe soit la plus couvrante possible, de type cagoule chirurgicale en non- tissé ou charlotte, les cheveux devant être complètement recouverts [26]. Enfin, en 2015, la SF2H recommandait de recouvrir complètement la chevelure et la barbe, à l’aide d’une cagoule ou d’une coiffe, à usage unique de préférence, pour éviter la contamination aérienne du fait de la desquamation [27]. L’évidence, cotée selon la méthode Grading of Recommendations Assessment, Development and Evaluation (Grade), était classée en B 2 (présomption scientifique), avec accord total du groupe d’experts. En définitive, la coiffe était assimilée aux résultats obtenus lors d’une étude comparant les tenues à usage unique et des tenues réutilisables. Les résultats de la seule étude (financée par un industriel) étaient à l’avantage des tenues à usage unique.

Le point de vue des auteurs

La série d’études publiées présente une avancée des connaissances dans le domaine. Elles concluent toutes à l’absence d’impact du changement de politique sur la coiffe au bloc opératoire. Il est cependant nécessaire de pondérer les résultats et les conclusions des auteurs. Tout d’abord, d’un point de vue méthodologique, les études présentées ci-avant pour l’évaluation de la coiffe au bloc opératoire sont discutables, tout comme les informations mises à disposition par les auteurs. Les travaux portent pour partie sur de la chirurgie digestive, dont l’origine des ISO est principalement endogène. Les analyses ne prennent pas en compte le type de ventilation des salles ; l’intégration du traitement d’air dans l’analyse est cependant cruciale dans l’évaluation du risque exogène d’ISO. La causalité entre le port de la coiffe et la survenue d’ISO est difficile à établir. Les études observationnelles, même prospectives, ne peuvent pas être adaptées à traiter cette question par manque de prise en compte des facteurs de confusion. Les études avant-après ne précisent pas toujours les pratiques dans le groupe « avant ». Ces études ont, pour la plupart, été menées par des chirurgiens en réaction aux recommandations de l’AORN, dans un climat de conflit interprofessionnel. Malgré l’intégrité scientifique indiscutable des auteurs, nous pouvons imaginer qu’un parti pris existe dans la manière de réaliser les études et d’en interpréter les résultats. Pour éviter ces potentiels biais, l’essai randomisé en grappe (cluster et ses variantes « cluster-cross-over », « stepped wedge ») représente le gold standard. Il convient également d’inclure suffisamment d’évènements (ISO) pour obtenir des statistiques significatives. La sélection des chirurgies et des interventions à inclure est un autre sujet. La coiffe est censée éviter une contamination peropératoire. La chirurgie propre avec incision cutanée est la plus perti-nente pour mener ce genre d’étude.

Mais a-t-on besoin d’une évidence scientifique dans le domaine ? La prévention des ISO est multimodale par essence, intégrant un ensemble de mesures de la manière la plus cohérente possible. Certaines ont fait l’objet de nombreuses études et méta-analyses, démontrant l’évidence de leur impact (ex. : antibioprophylaxie) ; d’autres, comme la tenue, ont été moins étudiées. Pour ce genre de mesures, dont l’impact peut théoriquement être considéré comme inférieur à d’autres (ex. : antibio-prophylaxie, normothermie et préparation cutanée de l’opéré), il est nécessaire de faire preuve de pragmatisme. Si des efforts sont à privilégier, ceux-ci doivent être portés sur l’observance des mesures à fort impact, tout en maintenant de la rigueur sur celles qui en ont moins. De manière pragmatique, nous pouvons penser, sans en avoir la preuve scientifique, qu’une coiffe recouvrant l’ensemble des cheveux des personnes en salle d’intervention sera plus efficace pour limiter l’émission de particules. Mais, dans l’état actuel des connaissances, aucun type de coiffe ne peut être privilégié. Concernant la matière composant les coiffes réutilisables, elle pourrait suivre les mêmes règles que celle des tuniques réutilisables, à savoir : être composée d’un mélange de polyester et coton (65% – 35%). Comme les tuniques réutilisables, les coiffes réutilisables pourraient être changées quotidiennement et chaque fois que nécessaire, et passer en lingerie quotidiennement (circuit de linge interne à la structure). Par ailleurs, le tissu se détériore au lavage, générant de la perméabilité et des émissions particulaires. Il convient donc de les renouveler régulièrement. L’usage unique requiert moins de contraintes que l’usage multiple et pourrait être privilégié pour cette raison.

Conclusion

La tenue au bloc opératoire touche à l’image des individus ainsi qu’à leur identité personnelle et professionnelle. Des aspects sociologiques sous-jacents sont importants à considérer. L’image de la fonction est influencée par des séries télévisées. Les signes de professionnalisme sont autant de facteurs psychosociologiques sous-jacents importants à considérer dans l’approche de ce domaine. Ils sont probablement également la cause de tant de discussions et de controverses. De la même façon d’ailleurs, la tenue professionnelle laissant découverts les avant-bras a fait aussi l’objet de débats aux États-Unis, où le port de chemises ou de blouses à manches longues (et même de la cravate) fait partie de l’image que souhaitent donner d’eux-mêmes une partie des membres du corps médical. La tenue au bloc opératoire nécessite de la rigueur, de la discipline et du pragmatisme. Son impact sur la prévention des ISO est probablement inférieur à d’autres mesures faisant l’objet d’une large évidence scientifique, dont l’observance reste trop faible à l’heure actuelle en chirurgie.

Références

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24- Afnor. Vêtements et champs chirurgicaux – Exigences et méthodes d’essai – Partie 1 : champs et casaques chirurgicaux – Vêtements et champs chirurgicaux – Exigences et méthodes d’essai -Partie 1 : Champs et casaques chirurgicaux [Internet]. 2019. Accessible à : https://www.boutique.afnor.org/norme/pr-nf-en-13795-1/vetements-et-champs-chirurgicaux-exigences-et-methodes-d-essai-partie-1-champs-et-casaques-chirurgicaux/article/902403/fa177177 (Consulté le 31-10-2019).

25- Société francaise d’hygiène hospitalière. Groupe recommandations GR-AIR : l’air au bloc – Partiellement actualisé en 2015 [Internet]. 2005. Accessible à : https://sf2h.net/publications/groupe-recomman-dations-gr-air-lair-bloc-operatoire (Consulté le 31-10-2019).

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27- Société francaise d’hygiène hospitalière. Qualité de l’air au bloc opératoire et autres secteurs interventionnels [Internet]. 2015. Hygiènes 2015;(23)2:1-60. Accessible à : https://sf2h.net/wp-content/uploads/2015/05/SF2H_recommandations_qualite-de-l-air-au-bloc-operatoire-et-autres-secteurs-interventionnels-2015.pdf (Consulté le 31-10-2019).

Citation
Birgand G, Lucet JC, Beloeil H, Astruc K, Aho-Glélé LS. La coiffe au bloc opératoire : outil de prévention ou accessoire de mode ? Hygiènes 2019;27(5):269-276.

Historique
Reçu 24 octobre 2019 – Accepté 25 octobre 2019 – Publié 7 novembre 2019. 

Financement : aucun déclaré.
Conflit potentiel d’intérêts : aucun déclaré.

Écrans faciaux : avantages et inconvénients

Introduction 

Les écrans faciaux (également appelés visières de protection) sont fréquemment l’objet de discussions concernant leur place en tant qu’alternative des masques. En raison des incertitudes qui subsistent en la matière, de nombreux hôpitaux ont interdit le port d’un écran facial par les patients et par les visiteurs en lieu et place d’un masque.

Une distinction doit toutefois être établie entre l’utilisation d’écrans faciaux par le grand public dans des lieux publics et leur utilisation par des professionnels de la santé en contact avec des patients potentiellement infectés.

Recommandations 

a) Recommandations pour les professionnels de la santé
Aux Pays-Bas, le groupe de travail prévention des infections WIP – Werkgroep Infectie Preventie – considère l’écran facial comme un équipement de protection oculaire au même titre que les lunettes de protection permettant de limiter la transmission de microorganismes vers les muqueuses oculaires (1). 

Dans le cadre des équipements de protection personnelle pour les patients (présumés) atteints du COVID-19, le RIVM – Institut national néerlandais de la santé et de l’environnement (Nederlandse Rijksinstituut voor Volksgezondheid en Milieu)- recommande pour la protection oculaire des lunettes de protection ou un écran facial. L’exigence minimale concernant la protection des yeux est que celle-ci soit assurée sur la face et latéralement sur les côtés du visage ; en cas d’usage multiple, le dispositif de protection oculaire utilisé doit être désinfectée à l’aide d’alcool à 70% (2). 

Selon les recommandations belges, le professionnel de la santé doit, à chaque fois qu’il rentre dans la chambre d’un patient (présumé) atteint du COVID-19, porter des gants, un tablier, des lunettes de protection ou un écran facial et au minimum un masque chirurgical.

Dans les situations où il existe une haute probabilité d’intervention générant des aérosols chez un patient atteint d’une infection présumée ou confirmée de COVID-19, le professionnel de la santé doit porter un masque FFP2 dès le début du service. Le masque doit, être couvert par une visière de protection et peut être porté pendant toute la durée du service, et ce indépendamment du nombre de patients à traiter (3). Dans la mise à jour des recommandations de juin 2020 concernant l’utilisation de masques pendant la pandémie de COVID-19, il est recommandé, en l’absence de masques FFP2, de combiner le port d’un masque chirurgical et d’un écran facial (4).

Le Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) recommande dans le cas d’interventions produisant des aérosols l’utilisation d’écrans faciaux comme alternative aux lunettes de protection lorsque le professionnel de la santé entre en contact étroit avec un cas de SARS-CoV-2 avéré ou suspect (à une distance de moins de 1,5 mètre) avec un masque, un tablier et des gants. Dans ces recommandations, le KCE s’est basé sur les recommandations de l’OMS relatives à l’usage rationnel d’équipements de protection individuelle dans les soins de santé (5).

Les CDCs – The Centers for Disease Control and Prevention (Les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies)- recommandent de porter systématiquement une protection oculaire (par exemple un écran facial, réutilisable ou jetable ou des lunettes de protection et un masque) lors de procédures entraînant un risque d’exposition à du sang, des fluides corporels, des secrétions ou des excrétas (par ex. en cas d’aspiration endotrachéale, de bronchoscopie, ou lors d’une procédure vasculaire invasive). Même si elles offrent une protection efficace au niveau oculaire, les lunettes de protection ne protègent pas d’autres parties du visage. Les écrans faciaux qui couvrent la totalité du visage du menton jusqu’au front offrent donc une meilleure protection globale des yeux et du visage ; les écrans faciaux avec protection latérale peuvent en outre limiter l’exposition à des éclaboussures au niveau des côtés de l’écran facial. Le port systématique d’une protection oculaire combiné à un masque en cas de contact étroit avec des patients présentant un risque potentiel de transfert par gouttelettes (« droplet precautions ») est considéré comme une « unresolved issue » (6).

b) Recommandations pour le grand public

Dans les recommandations des CDCs (7), il est précisé que rien ne permet de déterminer si les écrans faciaux offrent un avantage quelconque dans la protection des autres personnes lors de la propagation de particules respiratoires. Le CDC déconseille dès lors l’utilisation d’écrans faciaux pour des activités journalières normales ou en lieu et place de masques en tissu. Cependant, certaines personnes optent pour un écran facial en cas de contact étroit de longue durée avec d’autres personnes. Les CDCs estiment que dans les cas où un écran facial est utilisé sans masque, celui-ci doit également protéger les côtés du visage (jusqu’aux oreilles) et arriver jusque sous le menton (figure 1). La figure 2 illustre quelques exemples d’écrans faciaux qui ne confèrent pas de protection suffisante car ils ne recouvrent pas ou insuffisamment les zones situées en dessous du menton. 

Figure 1 : exemples d’écrans faciaux offrant la protection requise (côtés du visage jusqu’aux oreilles et jusque sous le menton)

Figure 2 : exemples d’écrans faciaux qui n’offrent pas une protection suffisante jusqu’aux oreilles et sous le menton.

 

En tant que moyen de protection personnel, le RIVM néerlandais stipule que les écrans faciaux peuvent être moins efficaces dans des situations dans lesquelles des particules du virus peuvent provenir de différentes directions, comme dans les transports en commun, car l’écran n’épouse pas entièrement la forme du visage (8). 

Le Guide pour un redémarrage sûr de l’horeca en Belgique stipule que les écrans faciaux peuvent être utilisés par le client et par le personnel lorsqu’il n’est pas possible pour des raisons médicales de porter un masque buccal ou une alternative en tissu. Il ne précise cependant pas les exigences auxquelles cet écran facial doit répondre (9). Le GEES (Groupe d’experts en charge de la stratégie de sortie) a dès lors émis une mise en garde à propos de l’utilisation de petites protections buccales en plastique (« mouthshields ») ou de masques de protection du menton (figure 2) qui à certains moments ont été largement utilisés sur les marchés ainsi que par le personnel horeca. Les boutons de fixation ne se ferment pas bien et pourraient même avoir un effet contre-productif. Selon Van Pierre Damme (UA), il existe un consensus selon lequel de telles protections buccales devraient être retirées du marché. Elles ne recouvrent en effet jamais le nez ni la bouche, et comme elles ne sont fermées que dans leur partie inférieure, elles constituent un réceptacle propice à la formation d’un réservoir microbien. Dès l’ouverture de la bouche, un aérosol se forme, capable de propager des germes. De plus, un tel masque pourrait en outre offrir un faux sentiment de sécurité (10).

Figure 3 : Masque de protection du menton

Le GEES a fait part de son inquiétude concernant le port de masques de protection du menton au Service public fédéral Economie. Celui-ci devrait intégrer une interdiction dans son prochain guide sectoriel. Dans l’intervalle entre la rédaction et la publication de cet article, un avertissement concernant ces masques buccaux a été publié sur le site Web du SPF Economie
(https://economie.fgov.be/fr/nouveautes/ecran-buccal-en-plastique).

Dans un éditorial récent du journal scientifique JAMA adressant cette thématique, Perencevich E et al. avancent que les écrans faciaux doivent s’inscrire dans une stratégie visant à réduire de manière  sûre et significative le risque de transmission du 

SARS-CoV-2 dans la communauté. L’utilisation d’un écran facial dans des espaces publics peut ainsi faire partie d’un ensemble d’autres mesures comme la distanciation sociale (11). 

Norme européenne

 Les écrans faciaux ayant pour but de protéger les yeux doivent, tout comme les lunettes de protection, arborer le label CE selon les normes EN européennes en vigueur. Pour les écrans faciaux, la norme EN 166-3 est au minimum applicable. Le chiffre « 3 » indique que l’écran doit offrir une protection vis-à-vis des gouttelettes et des éclaboussures. La norme stipule également les différentes caractéristiques auxquelles l’écran (les lunettes de protection ainsi que la monture) doit satisfaire :

– Fabrication en verre ou plastique minéral (par ex. polycarbonate, pvc, …) ;
– Robustesse mécanique ;
– Transmission d’au minimum 75 % de la lumière ;
– Propriétés des matériaux inchangées après exposition aux UV ;
– Caractère inflammable. 

Action protectrice des écrans faciaux

 L’étude de Lindsley et al. est l’une des seules a avoir investigué l’action protectrice des écrans faciaux À l’aide d’un simulateur de toux, les auteurs ont ainsi pu démontrer que l’exposition à de grosses particules (en moyenne 8,5 microns) à une distance de 46 cm était réduite de 96 % dans la période suivant immédiatement une toux grâce à un écran facial. L’écran facial a également diminué la contamination de la surface du masque respiratoire de 97 %. En cas d’exposition à des particules de plus petite taille (en moyenne 3,4 microns), l’écran facial était moins efficace et l’action protectrice tombait à respectivement 68% et 76% (12).

Une étude réalisée en Inde auprès de professionnels de la santé qui effectuaient des visites à domicile chez des patients atteints du COVID-19 asymptomatiques s’est attachée à étudier la transmission du SARS-CoV-2. L’étude a pu démontrer qu’aucune infection au SARS-CoV-2 n’était survenue chez ces travailleurs de santé après l’ajout d’écrans faciaux à leurs équipements de protection individuelle (gel hydroalcoolique, protection des chaussures, masque buccal à 3 couches et gants). Par contre, 12 des 62 (19%) professionnels de la santé ayant fait l’objet de l’étude ont été infectés par le SARS-CoV-2 pendant la période qui précédait l’utilisation des écrans faciaux. Les auteurs concluaient que les écrans faciaux avaient probablement eu un effet protecteur grâce à une diminution du risque d’exposition oculaire, une diminution de la contamination du masque ou des mains ou encore que l’écran facial avait dévié (et diminué) les turbulences d’air autour du visage. En dépit des limitations de l’étude, les chercheurs signalaient qu’en raison des conditions de vie uniques des professionnels de la santé les autres sources de transmissions étaient minimes (13).

Avantages et inconvénients des écrans faciaux

 Il ressort des réactions publiées sur le blog d’experts en prévention des infections « Controversies in hospital infection prevention » dont Perencevich E et al. sont les principaux partisans, que l’utilisation d’écrans faciaux peut offrir une foule d’avantages par rapport au masque chirurgical en tissu (14). Mais ils présentent également des inconvénients.

a) Avantages
• Un écran facial recouvre intégralement le nez. Dans la pratique quotidienne, les masques chirurgicaux et en tissu ne sont pas toujours portés de manière adéquate, le nez n’étant pas entièrement couvert. Dans certains cas le masque n’est pas adapté au visage et la personne le touche constamment avec ses mains pour le repositionner correctement ; ce dernier geste augmente le risque de contamination des mains et dès lors celui de la propagation par contact.

• Une plus grande surface du visage est protégée contre les gouttes infectieuses, dont les yeux. En cas de procédures invasives, les écrans faciaux sont efficaces contre les éclaboussures de sang et en outre moins onéreux que les systèmes motorisés tels les combinaisons spatiales utilisées en chirurgie orthopédique
( « Orthopedic Surgical Space Suits ») ou les casques à échappement filtrés (« Filtered-Exhaust Helmets »).

• L’utilisation d’un écran facial permet d’éviter l’utilisation de lunettes de protection dont le port peut être gênant chez une personne déjà porteuse des lunettes. L’utilisation d’un écran facial par le grand public peut également paraître justifiée au vu de résultats de études qui suggèrent que les muqueuses oculaires peuvent également être sujette à une infection au SARS-CoV-2 (15,16).

• Pour d’autres virus également (adénovirus, virus influenza, virus respiratoire syncytial (RSV), coronavirus (SARS, NL63), rhinovirus et métapneumovirus), il a été démontré que les canaux lacrymaux des yeux pouvaient également constituer une porte d’entrée du virus. (17).

• Un écran facial empêche de se toucher le visage avec les mains.

•Les écrans faciaux sont durables. Ils peuvent être nettoyés et désinfectés et donc être réutilisés. Pour le grand public, ils sont donc plus économiques que des masques qui doivent à chaque fois être remplacés ou lavés.

• Les écrans faciaux sont considérés par de nombreux utilisateurs comme plus confortables à porter que le masque.

• La communication est meilleure car le visage reste visible. Les malentendants sont les principales personnes à subir les inconvénients du port généralisé du masque (en tissu). Un écran facial facilite la lecture des lèvres et les expressions du visage restent (plus facilement) visibles.

• Les écrans faciaux sont fabriqués par un grand nombre d’entreprises (et pas seulement par l’industrie médicale), ce qui les rend plus facilement disponibles.

•Comme le masque est protégé de l’exposition aux gouttelettes grâce à un écran facial, la durée de port du masque par les professionnels de la santé peut être prolongé.

• Les écrans faciaux sont impénétrables par les gouttelettes à la différence des masques chirurgicaux et des masques en tissu, 

• Les déchets sauvages pourraient être plus limités. Compte tenu de leur prix et de leur taille  les écrans faciaux pourraient être moins facilement jetés de manière négligente.

• Le remplacement des masques en tissu par des écrans faciaux induit un problème moins important en termes d’hygiène. Il ressort en effet d’une étude du Laboratoire de microbiologie appliquée et biotechnologie de l’UA que les masques en tissu peuvent concentrer 10 à 20 fois plus de bactéries que les masques chirurgicaux. Le fait de toucher le masque avec ses mains peut par conséquent favoriser la propagation de micro-organismes (18).

b) Inconvénients
• Les gouttelettes peuvent atteindre le visage par le bas de l’écran facial lorsque la personne se trouve au-dessus d’un patient qui tousse lors d’un examen ou pendant un soin. C’est la raison pour laquelle le port d’un masque (FFP2 en cas d’aérosols) combiné à un écran facial est recommandé dans de tels cas.

• Il n’existe pas de données issues d’études cliniques randomisées ayant permis de déterminer que les écrans faciaux conféraient une meilleure protection ou une protection au moins égale à celle conférée par les masques.

• Les écrans faciaux, à base de polycarbonate, ne résistent pas à tous les produits de nettoyage ou désinfectants.

• Tous les écrans faciaux n’offrent pas le même degré de protection et devraient pour garantir une efficacité optimale offrir une protection complète du visage du front jusque sous le menton ainsi que latéralement jusqu’aux oreilles. Le bord inférieur doit de préférence avoir une forme en V afin de retenir au maximum les gouttes ascendantes. Rien ne garantit que les « écrans faciaux » faits maison soient conformes à la norme européenne EN166.

• En raison de leur grande taille, le rangement des écrans faciaux peut s’avérer plus compliqué (par ex. au restaurant).

• Des études sont encore nécessaires afin d’établir de manière objective la capacité d’un écran facial à retenir les gouttelettes provenant du porteur de l’écran facial. Par analogie à des études portant sur le déplacement de l’air lorsque une personne tousse par exemple dans le pli du coude (19), l’on pourrait penser qu’un écran facial empêche la diffusion de gouttelettes par le biais de flux d’air horizontaux ; rien ne permet cependant de déterminer dans quelle mesure les grosses gouttes restent retenues à l’intérieur du masque buccal et ne sont pas excrétées dans l’environnement. 

 Conclusion 

En dépit du manque actuel de données scientifiques sur les propriétés protectrices des écrans faciaux, certains spécialistes plaident pour leur promotion auprès du grand public sur la base du « bon sens ». Le prérequis étant que la forme de l’écran facial protège suffisamment le visage, jusque sous le menton et jusqu’aux oreilles. Avant de pouvoir généraliser ces recommandations il est cependant nécessaire d’accumuler plus de preuves démontrant la capacité des écrans faciaux à retenir les gouttes propagées par le porteur.

Pour les professionnels de la santé, la recommandation reste que le port d’un écran facial doit se faire en combinaison avec un masque chirurgical ou avec un masque FFP2 dans des situations génératrices d’aérosols ainsi que dans les situations impliquant une possible exposition à des éclaboussures de sang ou à d’autres fluides corporels.

Références

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5. Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE). Aerosol generating procedures. COVID-19 – KCE contributions, 09/04/2020.

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Point de vue d’un lecteur à propos de la gestion de la première phase de la pandémie à coronavirus.

Il est temps de procéder à une évaluation, je voudrais vous faire part de mes préoccupations.

Je pense que tout le monde sera d’accord avec moi pour dire qu’en temps de crise, nous avons besoin d’une politique uniforme et sans ambiguïté (de la part des autorités compétentes) qui soit suivie par tout le monde, que les personnes non compétentes en la matière doivent se tenir à l’écart et que ce serait de l’amateurisme si, par exemple, les syndicalistes commençaient à intervenir et à nous dire qui, où et quand porter un masque « parce qu’il y en a un maintenant et qu’ils ne sont pas utilisés » ou qui devrait être testé ou pire encore : comment interpréter les tests et comment agir.

Je comprends que les choses se passent souvent différemment dans la pratique. Mais ce que je ne comprends pas, c’est que de nombreuses personnes habilitées s’accrochent obstinément à des illusions alors que celles-ci sont déjà depuis longtemps considérées comme telles. Des personnes habilitées qui, maintenant que la première phase de la crise du coronavirus touche à sa fin, clament haut et fort que le nombre bien trop faible de tests effectués au début de l’épidémie et le fait de les réserver uniquement aux patients présentant des symptômes a constitué sans aucune équivoque la plus grande erreur de la politique menée ! Comme si l’on pouvait supposer d’emblée qu’un résultat de test positif chez un patient asymptomatique impliquait une « maladie », comme s’il était déjà évident qu’un vaste dépistage dès le départ aurait été la solution pour lutter contre l’épidémie. Les certitudes sont rares, mais nous pouvons néanmoins affirmer avec une certitude mathématique qu’avec une faible incidence, disons de 1 sur mille (au début d’une épidémie, l’incidence est faible et inconnue) et un test présentant une fiabilité de 99 % (une sensibilité et une spécificité de 99 %), la  valeur prédictive d’un résultat positif (VPP), ou la probabilité qu’un patient testé positif soit effectivement malade n’est que de 9 % et certainement pas égale à 99 % (voir le « calcul » ci-dessous). Pourquoi alors faire croire que tester massivement (y compris des patients asymptomatiques) au début de l’épidémie aurait été crucial pour gérer correctement cette épidémie ? Est-il justifié de prendre des mesures d’isolement ou d’autres mesures complémentaires sur la base d’une faible valeur prédictive positive (VPP) de « 9 % » ? Pourquoi faire fi de la réalité et s’accrocher obstinément à l’illusion que les tests nous offrent toujours des certitudes ? Mesurer, c’est savoir ??? Nous n’en connaissons même pas les déterminants ! Au début de l’épidémie, l’incidence était faible, mais faible à quel point ? Et plus elle est faible, plus le nombre de résultats faussement positifs est élevé. Alors que la première phase de la crise du coronavirus touche à sa fin, nous ne connaissons toujours pas la sensibilité et la spécificité des tests réalisés. Peut-être sont-elles inférieures à 99 %. Dans l’avis urgent du Conseil Supérieur de la Santé n° 9587, nous lisons en effet : « que les valeurs de spécificité et de sensibilité doivent être considérées avec prudence en l’absence de norme diagnostique de référence parfaite (“gold-standard”) par rapport à laquelle toutes les nouvelles méthodes diagnostiques doivent être évaluées pour leur sensibilité et leur spécificité ». Et encore une fois, plus la spécificité est faible, plus il y a de faux positifs. En outre, le traçage et le suivi ne sont indiqués que si la capacité de soins est suffisamment importante. Ce qui n’était pas le cas au début. Dans nos hôpitaux, nous manquions d’équipements de protection. Nous n’avions pas, ou trop peu, de lits Covid, pas d’unité Covid, et une capacité de lits en soins intensifs bien trop faible avant la crise… Accroître rapidement la capacité de soins dans nos hôpitaux au début de la crise constituait à juste titre la priorité absolue. Et à mon humble avis, nous y sommes bien parvenus. La capacité de soins dans nos MRS pose problème depuis des décennies et ne se limite pas à une pénurie d’équipements de protection et de lits. Le manque de personnel suffisamment qualifié y est criant. Les aides-soignants sont formés pour fournir des « soins informels » de manière professionnelle, mais pas pour s’occuper de malades chroniques, et certainement pas de personnes gravement malades. Je crains qu’une fois la crise du coronavirus terminée, beaucoup ne « relativisent » à nouveau les problèmes de nos MRS, disent que « la foudre ne tombe pas à chaque fois qu’il tonne » ou parlent du « feu de l’action » et s’obstinent à croire que la situation des MRS n’est finalement pas aussi grave qu’on veut bien le dire.

À la mi-mai, après l’instauration de quelques premières mesures assouplissements, le Conseil national de sécurité a décidé de reporter au 3 juin la levée d’autres mesures. Je pense qu’il y avait une base rationnelle pour justifier cette décision. Mais ce qui a suivi ne ressemblait en rien à une politique uniforme, sans ambiguïté (des autorités compétentes), respectée par tout un chacun. Sous le prétexte que « nous devions donner aux gens une perspective, que nous devions nous préparer », ‘on’ a élaboré divers plans détaillés, on les a rendus publics (en annonçant qu’ils « devaient encore être approuvés ») et, entre-temps, on les a quand même partiellement mis en œuvre avant le 3 juin. Pour moi, ceci est clairement la plus grande erreur dans la politique menée. Non pas parce que cela aurait conduit à de  « mauvais chiffres », mais parce que cela a mené à l’étiolement du soutien à un processus de déconfinement plus sûr et plus graduel. Ici encore, ces personnalités politiques s’autocongratuleront et s’accrocheront obstinément à l’illusion qu’elles ont posé les bons choix.

Dans ma précédente lettre, j’ai expliqué la nécessité d’une communication plus efficace et plus soignée et de publications médicales de meilleure qualité et plus soignées. Mais je ne me fais pas d’illusions… Quoi qu’il en soit, tout ira mieux.

Nietzsche a dit un jour : « On ne peut pas s’accrocher délibérément à des illusions au service de la vie, dès lors qu’on les a perçues comme des illusions. » Apparemment, nous en sommes capables, et certains mieux que d’autres. C’est ce qui m’inquiète. Tout ce qui paraît évident ne l’est pas forcément. Garantir la capacité de penser et d’agir conformément à la raison est l’une de nos tâches. Il serait bon de réfléchir un instant à mes préoccupations.

 Le « calcul » :
L’incidence est de 1 ‰, la sensibilité et la spécificité de 99 % en la population de 100 000. 
I=100 (100 personnes qui ont la « maladie »). 99 de ces 100 seront testées positives (99 % de sensibilité)
99 900 personnes n’ont pas la « maladie » (I=1 ‰) mais 999 seront testées positives (99 % spécificité – faux positifs). Sur la population totale de 100 000, il y aura donc1098 (99 + 999=1098) tests positifs. Parmi les 1098 personnes testées positives, seules 99 soit 9,016 39 % sont réellement malades.)