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Enquête sur l’impact de la covid-19 sur l’organisation et le travail des équipes de prévention des infections en Belgique

Entre mai et octobre 2021, une enquête en 10 questions ouvertes a été menée à l’initiative de la Belgian Infection Control Society (BICS) et de la plate-forme régionale d’hygiène hospitalière de la Province d’Anvers auprès des équipes de prévention et de contrôle des infections (PCI) belges afin d’évaluer l’impact de la pandémie de covid-19 sur leur fonctionnement.

Voici les 10 questions qui ont été posées :

1.Quel a été/est l’impact du COVID sur votre travail ?
2.Avez-vous dû prendre en charge de nouvelles tâches ?
3.Est-ce que certaines tâches ont été modifiées ? 
4.De nouveaux collaborateurs ont-ils été engagés dans l’équipe PCI ?
5.Quels ont été ou quels sont les principaux problèmes que vous avez rencontrés pour maîtriser la pandémie ?
6.Le service de médecine du travail vous a-t-il apporté un soutien suffisant dans le suivi des infections parmi les membres du personnel ? 
7.Y a-t-il eu un soutien des médecins hospitaliers et de la direction pour fermer temporairement les services ?
8.Qui a effectué le travail de recherche et de traçabilité des contacts au sein de l’hôpital?
9.Pensez-vous qu’une instance responsable comme l’Agence pour un Vie de Qualité (AVIQ) peut apporter une plus-value en matière d’accompagnement ?
10.D’autres commentaires/questions/idées ?

Au total, 35 enquêtes ont été complétées. Les résultats indiquent clairement que les équipes de PCI et leurs collaborateurs ont été profondément affectés pendant la pandémie et font également état des nombreux problèmes rencontrés dans l’organisation et dans le fonctionnement des équipes de PCI dans notre pays. 

La COVID-19 a induit une énorme charge de travail sur les collaborateurs des équipes de PCI et a eu un impact considérable sur leur organisation de travail. En effet, leur travail habituel a été totalement relégué au second plan, et certaines tâches essentielles telles que la surveillance, les enregistrements, les audits et les formations n’ont soit pu avoir lieu ou se sont déroulées dans des conditions clairement suboptimales. 

Alors qu’au début de la pandémie, dans un climat de grande angoisse face à l’inconnue de cette nouvelle maladie infectieuse les mesures d’hygiène des mains et les recommandations relatives au port des équipements de protection individuelle (EPI) étaient globalement bien appliquées, leur observance a rapidement connu un déclin après la phase aiguë. Cette tendance a été accentuée par le fait de recommandations et directives contradictoires émanant des pouvoirs publics et d’« experts », avec comme corollaire une remise en question de la crédibilité de l’équipe de PCI et de grandes difficultés dans la mise en application et le suivi des directives.
Le volet émotionnel- (tant chez les collaborateurs que chez les visiteurs et chez les patients) a constitué une source de stress supplémentaire.

À la question de savoir si des tâches se sont ajoutées, la majorité a répondu de manière affirmative. En ce qui concerne les équipements de protection individuelle, il fallait en examiner la qualité, établir des procédures, assurer des programmes de formation du personnel, suivre les normes et certificats du matériel et des équipements proposés. En cas de pénurie de matériel, il fallait rechercher des alternatives et notamment définir les conditions de réutilisation du matériel. L’équipe de PCI a également été impliquée très largement dans l’élaboration des stratégies pour les collaborateurs dans le cadre de la COVID-19, ainsi que dans de nombreux autres domaines tels que le diagnostic (testing), la quarantaine, le suivi des contacts ou la vaccination. S’y sont encore ajoutées la gestion locale de l’épidémie, la politique d’isolement, les procédures et formations liées à la COVID-19 ainsi que la participation à la cellule de crise. Vis-à-vis de l’extérieur, l’équipe PCI est devenue le point de contact de la première ligne pour toutes les questions et demandes d’avis (centres de vie et de soins, questions concernant les sans-abris, autres collectivités, etc.) et c’est également elle qui a assuré la livraison du matériel (EPI et tests). Souvent, elle a participé à des visites organisées localement afin de pouvoir offrir un soutien efficace et elle a aussi été impliquée dans le suivi de résultats des tests lorsque ceux-ci étaient réalisés à l’hôpital.  L’accessibilité d’un service de garde permanent 7 jours sur 7 s’est ajouté pour certaines équipes de PCI.

À la question de savoir si des tâches avaient changé, la réponse globale a été que le champ d’action s’est tellement étendu, qu’un nombre conséquent de tâches n’ont pu être effectuées, comme par exemple la surveillance, le suivi des procédures de soins, etc…

En dépit de cette hausse considérable de la charge de travail, moins de la moitié des personnes interrogées ont rapporté avoir bénéficier d’un renforcement des effectifs de l’équipe. Par ailleurs, lorsque des renforts ont été octroyés ceux-ci ont eu lieu surtout lors de la première vague et la période de confinement total, lorsque des personnes dont les tâches normales ont été suspendues ont pu apporter leur aide,
(par ex.: collaborateurs administratifs, collaborateurs qualité, etc.).  Après la première phase, ces personnes ont repris leur fonction dans leur secteur habituel d’activité, alors que la pression au travail restait encore extrêmement élevée pour les équipes de PCI. Pour le groupe de personnes interrogées n’ayant pas bénéficié d’une extension de l’équipe, aucun remplacement des personnes en maladie de longue durée ou mises à la retraite n’était même prévu. Dans la majorité des hôpitaux, le surcroît de travail a été compensé par un nombre élevé d’heures supplémentaires prestés par les collaborateurs, ce qui a eu un effet défavorable dans le cadre de prévention du burn-out en cette période difficile. Dans certains cas, des bénévoles ont été sollicités notamment parmi des collaborateurs pensionnés qui sont temporairement revenus travailler.

À la question de savoir quel était les principaux problèmes rencontrés, les facteurs suivants ont été le plus fréquemment rapportés : grande fragilité émotionnelle tant chez les collaborateurs que chez les patients et les visiteurs, crises, incertitude, sentiment d’insécurité et attitude laxiste face aux procédures à suivre. L’ensemble des ces éléments a contribué a rendre les conditions de travail encore plus pénibles.
En deuxième lieu, la pénurie de matériel pendant la première vague, a clairement laissé des traces. Qu’il s’agisse du manque d’EPI ou de tests diagnostiques, cette pénurie a été à l’origine de l’utilisation et la recherche constante d’alternatives et de l’adaptation des procédures et des formations, ce qui a demandé énormément de temps. En troisième lieu, les directives étaient souvent considérées comme manquant de clarté et de précision ou soit qu’elles n’étaient pas adaptées à certains contextes de soins spécifiques  (p.ex : la psychiatrie, les soins aux jeunes, etc.). En outre, les mises à jour continuelles des directives (souvent publiées le vendredi après-midi) ont été source de nombreux problèmes au niveau de leur interprétation et leur mise en application. La phase suivant la première vague et le premier confinement a généré une pression supplémentaire, car nombre de médecins et services ont voulu reprendre trop rapidement leur activité, et l’aide de la direction et des pouvoirs publics s’est avérée cruciale à cet égard. 

Des données similaires ont été publiées dans une récente publication en (Rebmann et al.), concernant un sondage mené auprès de 75 équipes de PCI aux Etats-Unis à propos des défis rencontrés pendant la pandémie de covid-19. Leur top 6 s’établissait de la manière suivante :
• Recommandations multiples (changements fréquents et contenus contradicatoires)
•Pénurie en équipement de protection individuelle (EPI)
•Mauvaise observance du personnel de soins vis-à-vis du port des EPI et dans l’application des protocoles de prévention des infections
•Augmentation de la charge de travail
•Augmentation du nombre d’infections liées aux soins 
•Manque de recommandations au niveau des établissements de soins chroniques ou de soins spécialisés 

La question relative au soutien apporté par la médecine du travail a fait l’objet d’une réponse négative pour la majorité des personnes interrogées. La réponse semblait être liée à la présence de ce service au sein même de l’institution ou bien à sa dépendance d’une société externe et sa localisation dehors du site. Dans ce dernier cas de figure, la médecine du travail n’était souvent pas joignable et le suivi plus rapidement initié par l’équipe de PCI. Dans certains cas,  le service externe était déjà submergé par les problèmes d’autres clients. Plus rarement (16 %), la collaboration avec la médecine du travail a été considérée comme bonne et utile, même si l’on sollicitait encore souvent l’équipe de PCI pour élaborer les procédures dans le cadre de la gestion de la COVID-19 par la médecine du travail.

Une problématique qui se retrouve également dans la question concernant les personnes impliquées dans le suivi des contacts. Celui-ci était, dans pratiquement tous les cas, assuré par l’équipe ICP, complétée par une aide supplémentaire de la part d’autres services comme le laboratoire de microbiologie, la direction médicale, la direction infirmière, les infirmiers en chef, le service de prévention interne, le service qualité, le coordinateur du plan d’urgence, etc.

Le soutien de la direction et des médecins a été estimé suffisant pour mettre en œuvre la réduction du nombre de lits pendant la phase initiale de la pandémie. Mais la pression pour le redémarrage était très forte, surtout dans les hôpitaux où les médecins ne travaillent pas comme salariés.

À la question concernant la plus-value des agences compétentes dans le domaine de la Santé en Belgique (Agentschap Zorg en Gezondheid en Flandre, Agence pour une Vie de Qualité en fédération Wallonie-Bruxelles) les réponses étaient très variées. Un petit groupe ne voit aucune plus-value pour leur hôpital, car ils estiment avoir une meilleure connaissance du contexte local et sont donc plus rapidement en mesure de réagir à des problèmes comme des épidémies et peuvent travailler plus rapidement au suivi des contacts. Par contre, ce groupe précise que l’appui des agences de santé pourrait s’avérer utile lorsqu’aucune équipe de PCI n’est présente au sein de l’institution. Pour la majorité des personnes interrogées, la collaboration avec les agences de Santé a été jugée positivement et le support, la réflexion et l’aide apportée ont été globalement très appréciés. Des opportunités ont également été identifiées concernant la mise à disposition via les agences de Santé d’outils pour l’enregistrement et la gestion d’épidémies (p.ex: GO DATA de l’OMS), le suivi et l’envoi de normes pour les EPI, l’élaboration de directives et de moyens de formation pour l’utilisation de ces EPI. D’autres points potentiellement utiles concernent la suppression des enregistrements estimés inutiles et générant un surcroît de travail en période de pandémie (par ex. enregistrement de patients ambulants aux urgences). 

Nous arrivons ainsi à la dernière question ouverte, dans laquelle plusieurs thèmes additionnels ont été abordés. En matière de prévention et de contrôle des infections en Belgique, les structures restent peu claires et on ne sait pas vraiment quelles sont les responsabilités qui incombent à la prévention des infections/l’hygiène hospitalière. Sont impliqués en la matière les politiques au niveau fédéral et régional, les plateformes fédérales et régionales pour l’hygiène hospitalière, Sciensano, le Conseil Supérieur de la Santé et le la Belgian Infection Control Society (BICS). Mais les tâches de ces groupes ne sont pas toujours claires ni bien coordonnées et ceci a entraîné à certains moments de la pandémie à la formulation d’avis contradictoires concernant notamment les masques, les tests, l’isolement, la vaccination, etc. La pression liée à l’enregistrement a augmenté au lieu de diminuer avec les enregistrements nouveaux et supplémentaires, sans feed-back ou avec des feed-back tardifs de Sciensano. La pression entourant le matériel de protection était également très importante, et l’achat et la distribution de matériel auraient de préférence dû être abordés à l’échelle nationale, tout comme une possible réutilisation. Les assouplissements précoces introduits dans la société, malgré une pression de travail qui restait encore très élevée dans les hôpitaux, ont également constitué un stress psychologique important pour les travailleurs hospitaliers et certainement pour l’équipe de PCI qui s’est souvent sentie fort isolée et peu soutenue pendant cette pandémie.

Conclusion

La nécessité d’intégrer la prévention des infections et la lutte contre les infections dans l’ensemble des soins de santé est devenue une évidence après cette pandémie. Des stratégies sont nécessaires à tous les niveaux des soins (première ligne, hôpitaux, collectivités, etc.) avec des actions, directives et stratégies sur mesure pour la détection précoce et la gestion des infections. Afin de rendre ceci possible, il est primordial qu’une structure claire soit établie en matière de prévention et de lutte contre les infections, cette compétence étant actuellement morcelée entre différentes instances compétentes. Le fonctionnement des différentes instances et communautés (fédéral, régional, provincial) et organes (CSS, Sciensano, BAPCOC, BICS, plateforme hygiène hospitalière) qui s’occupent de la prévention des infections n’est pas clair et de meilleures conventions sont nécessaires à ce niveau.

Une communication efficace, avec l’établissement de procédures et de programme d’éducation est cruciale et les canaux y afférents doivent déjà être préparés maintenant, en vue d’une prochaine pandémie. 

L’instauration d’une politique rationnelle et durable en matière d’équipement, avec possibilité de réutilisation de matériaux et de production locale pourraient permettre lors d’une prochaine pandémie d’éviter le risque de pénurie de matériel et d’équipement de protection.

L’hygiène hospitalière ou la PCI a été le point de contact pour de nombreuses questions et/ou problèmes et a été impliquée dans de nombreux domaines : formations, communication, établissement de procédures et d’avis lors d’achat d’EPI, une tâche qui incombe normalement au service de prévention. Nombre de nouvelles tâches qui se sont ajoutées pour les équipes de PCI avaient trait à des tâches qui normalement relèvent de la médecine du travail (service de prévention interne). C’était plus souvent le cas lorsque ce service n’était pas interne, mais assuré par des sociétés externes. Il s’agissait du suivi des contacts, de la vaccination et du screening des collaborateurs, ainsi que de la politique d’achat de matériaux de protection. Une éventuelle recommandation pourrait donc être d’obliger les hôpitaux à garder les services de prévention en interne.

L’équipe de PCI, même lorsqu’elle ne faisait pas partie de la cellule de crise dans de nombreux hôpitaux, a été consultée pour les décisions de crise, raison pour laquelle intégrer la PI dans la cellule de crise de l’hôpital constituerait aussi une recommandation pour l’avenir.

Il ressort également de ce sondage que l’encadrement des équipes de PCI dans les hôpitaux, mais aussi dans les collectivités, est insuffisant, et ce, tant pour le personnel infirmier que pour les autres encadrements (IT, secrétariat, etc.). Il est dès lors évident qu’avec l’effectif actuel en charge de la prévention des infections dans les institutions de soins, il était impossible de fonctionner normalement et nombre de tâches essentielles comme la surveillance et les enregistrements n’ont plus pu être exécutés. Pour rendre tout cela possible lors d’une prochaine pandémie, il est clair qu’un refinancement de la prévention des infections dans les organismes de soins est nécessaire, afin qu’une main-d’œuvre suffisante soit présente pour l’exécution correcte de toutes les tâches.

Ce point est déjà apparu à plusieurs reprises par le passé dans des recommandations d’audits externes (ECDC, JCI, NIAZ, etc.). La Belgique est en net retard par rapport au nombre minimum de collaborateurs recommandés pour la PCI afin de pouvoir garantir les objectifs qualitatifs et quantitatifs en termes de prévention des infections dans les organismes de soins belges. Avec le démarrage du projet HOST par le SPF santé publique, une première amorce pourra être donnée à l’accroissement des ressources pour la PI dans les hôpitaux et indirectement dans les collectivités, mais reste également encore à voir si cela suffira étant donné que ce projet, en plus de ressources supplémentaires, inclut également des tâches supplémentaires.

Référence

Rebmann T., Alvino R.T, Mazzara R.L., Sandcork 
J. Infection preventionists’ experiences during the first nine months of the COVID-19 pandemic: Findings from focus groups conducted with Association of Professionals in Infection Control & Epidemiology (APIC) members. Am J Infect Control. 2021 Sep;49(9):1093-1098. 

L’évolution des entérocoques résistants à la vancomycine en Belgique

Introduction 

La surveillance des entérocoques résistants aux glycopeptides (vancomycine, teicoplanine) et aux oxazolidinones (linelozid) a été instaurée conjointement par Sciensano et par le Centre national de Référence (CNR) des entérocoques en 2014 suite à la survenue de plusieurs épidémies de VRE dans les hôpitaux belges. Depuis 2015, un AR (8/1/2015) a fixé les conditions de participation à la surveillance des bactéries multi-résistantes en Belgique; celle-ci est obligatoire pour les bacilles à gram-négatifs multi-résistants (BGN-MR) et pour les Staphylocoques dorés résistants à la méticilline (MRSA), mais elle est optionnelle pour les entérocoques résistants à la vancomycine (VRE). 

En 2015, l’agence de soins de santé des autorités flamandes « Agentschap Zorg en Gezondheid » publiait une alerte en raison d’une augmentation des épidémies à entérocoques résistants à la vancomycine (VRE) en Belgique. Parmi les services concernés, il y avait notamment les soins intensifs, la gériatrie, l’hémato-oncologie et l’hémodialyse. Lors des trois premiers mois de 2015, le CNR des entérocoques a reçu un nombre accru d’isolats provenant de plusieurs hôpitaux, dont quelques-uns se trouvaient en situation épidémique. Cependant, jusqu’en 2013, seul un nombre limité de cas de VRE étaient signalés en Belgique. Les épidémies à VRE dans les hôpitaux étaient également très rares (1). 

Cet article entend faire le point sur l’épidémiologie des VRE en Belgique, sur la base des données disponibles actualisées. 

Sources consultées

Les sources suivantes, disponibles depuis 2013 ont été consultées :

• Les données du centre européen de contrôle des maladies (ECDC), réseau de surveillance EARS-Net (European Antimicrobial Resistance Surveillance Network) (période 2013-2020).
• Les données du protocole de surveillance EARS-Net Belgium (EARS-BE) (période 2017-2019);
• Les rapports annuels du service « Infections liées aux soins et antibiorésistance » de Sciensano concernant la surveillance nationale des bactéries résistantes aux antimicrobiens dans les hôpitaux belges (période 2014-2018) ;
• Les rapports de feed-back « Surveillance of antimicrobial resistant bacteria in Belgian hospitals » (période 2014- 2020) ;
• Les données d’enregistrement du centre national de référence pour entérocoques (période 2013-2021).

Résultats 

a) EARS-Net (2)
Les données de la surveillance EARS-Net reposent exclusivement sur des isolats invasifs (sang ou liquide céphalorachidien). Cette limitation permet d’éviter les incohérences découlant des différences au niveau de la définition clinique des cas, des différences locales au niveau des stratégies de prélèvement d’échantillons,  etc. Les isolats d’autres sites anatomiques, comme les prélèvements urinaires et de plaies, pourraient influencer l’analyse des données, s’agissant de facteurs de confusion. A noter que cette surveillance ne donne par ailleurs aucune information sur les taux d’incidence de colonisation (portage asymptomatique intestinal) qui chez VRE prédomine largement par rapport au taux d’infection (on estime globalement que chez VRE le rapport moyen de cas de colonisation vs infection étant de l’ordre de 10/1). 

EARS-Net encourage l’utilisation des seuils limites de sensibilité et de résistance EUCAST, mais les résultats reposant sur d’autres critères d’interprétation étaient jusqu’à présent également acceptés pour l’analyse.
NB : depuis 2019, la proportion des laboratoires belges qui suivent les directives de l’EUCAST pour l’interprétation des résultats de l’antibiogramme est supérieure à 90%. A noter que l’ECDC n’accepte plus depuis 2020 la participation à l’étude de surveillance EARS-Net de pays dont la proportion des laboratoires compliants aux recommandations de l’EUCAST est inférieure à 90%

Le graphique 1 indique l’évolution de la résistance à la vancomycine chez E. faecium et chez E. faecalis.

Ce graphique illustre que la proportion de VRE est toujours nettement supérieure chez E. faecium par rapport à E. faecalis, seule la première de ces espèces constitue un véritable problème de santé publique. A cet égard il y a lieu de noter que depuis 2020 au niveau Européen, le programme conjoint de surveillance de la résistance aux agents antimicrobiens ECDC-WHO ne considère plus que l’espèce E. faecium pour la résistance à la vancomycine.
Les fluctuations de proportion de VRE dans les prélèvements invasifs (essentiellement hémocultures) ne sont pas significativement différentes sur la période 2016-2020. Les variations observées autours de pourcentages bas (valeur max de 5.5% en 2017) reflètent vraisemblablement en grande partie la faible participation à cette surveillance (+/-25 hôpitaux sur 102 en Belgique) et par conséquents les nombres faibles d’isolats invasifs (de l’ordre de 300 à 400 par an selon les années).

Graphique 1 : Évolution de la résistance d’Enterococcus species en Belgique (EARS-Net)

 

 

 

 

 

 

b) European antimicrobial resistance surveillance for Belgium (EARS-BE) (3)

La surveillance EARS-BE diverge de EARS-NET uniquement par la collecte supplémentaire de données concernant la sensibilité antimicrobienne d’isolats urinaires (en plus de ceux qui proviennent du sang et de liquide céphalorachidien). Cette surveillance a été initiée en 2017. Les résultats du graphique 2 concernent les données fournies par les laboratoires des hôpitaux. Les données EARS-BE des isolats provenant du sang et de liquide céphalorachidien sont incluses dans les rapports ECDC annuels comportant les résultats pour la Belgique (graphique 1)
En 2019, on note une augmentation de la proportion de VRE (E. faecium) dans les isolats urinaires par rapport aux deux années précédentes.
A noter que des isolats de VRE (E. faecium) ont été détectés à partir de prélèvements urinaires dans 11 hôpitaux sur 23 (42%) qui participaient à la surveillance EARS-BE en 2019 

Graphique 2 : Évolution de la résistance d’Enterococcus species en Belgique (EARS- BE)

 

 

 

 

 

 

c) Surveillance nationale des bactéries résistantes aux antimicrobiens dans les hôpitaux belges (4)

En 2014, 46 hôpitaux belges participaient pour la première fois à la surveillance optionnelle des entérocoques résistants : 40 hôpitaux aigus et 6 chroniques. Parmi les hôpitaux participants, 31 (67,4 %) utilisaient les critères EUCAST et 15 (32,6) % utilisaient les critères CLSI pour déterminer les seuils limites de sensibilité et de résistance des entérocoques. Au vu du nombre limité de participants à cette surveillance, ces résultats n’ont alors pas pu être considérés comme représentatifs pour les différentes régions ou par type d’hôpital (hôpitaux universitaires versus non universitaires). Les résultats de 2014 sont dès lors à interpréter avec prudence.

Depuis 2015, la surveillance des VRE fait partie de l’un des quatre protocoles complémentaires où, dans le cadre de la « surveillance des infections nosocomiales », il est obligatoire de faire un choix. Les trois autres protocoles optionnels de surveillance portent sur Clostridium difficile, les pneumonies et bactériemies en soins intensifs et les infections de plaies opératoires. Ceci explique peut-être qu’en 2018, la participation des hôpitaux est passée à 109 hôpitaux aigus et qu’elle inclut également celle de 9 institutions de soins chroniques.

Pour l’analyse, il est uniquement tenu compte des VRE isolés au départ d’échantillons cliniques.
Il s’agit dans cette surveillance de données agrégées obtenus à partir de prélèvements cliniques (tous sites confondus à l’exclusion des selles et des prélèvements de dépistage du portage asymptomatique).
Les données de résistance sont représentées de deux manières : d’une part la résistance brute (graphique 3) et d’autre part la moyenne de la résistance (graphique 4). Pour obtenir la résistance brute exprimée en %, on divise le nombre total des entérocoques résistants par le total du nombre d’entérocoques et on le multiplie ensuite par 100. 
Pour obtenir la moyenne des résistances exprimée en %, on additionne les chiffres de résistance des différents hôpitaux pour ensuite diviser ce total par le nombre d’hôpitaux.

Graphique 3 : Évolution du taux brut de résistance des entérocoques à la vancomycine dans les hôpitaux aigus belges 

 

 

 

 

 

 

 

Graphique 4 : Évolution du taux moyen de résistance des entérocoques à la vancomycine dans les hôpitaux aigus belges

 

 

 

 

 

 

Dans le cadre de cette surveillance, il a également été demandé aux hôpitaux participants de rapporter le nombre d’épidémies à VRE ainsi que le nombre de patients impliqués annuellement sur les périodes considérées (4) (tableau 1).

Tableau 1 : Évolution du nombre d’épidémies à VRE, rapportées dans le cadre de la surveillance nationale dans les hôpitaux aigus belges (période 2014-2018)

 

 

 

 

Une épidémie à VRE a été rapportée par 13 hôpitaux aigus sur les 109 (11,9 %) qui participaient à la surveillance des VRE en 2018.
Au total, 28 foyers (clusters) épidémiques ont été rapportés et 164 patients ont été affectés (min.-max. : 3-57). Parmi ceux-ci, 19 (11,6 %) présentaient une infection. La majorité des patients (80 %) étaient porteurs asymptomatiques. Le tableau 1 présente l’évolution du nombre d’épidémies à VRE rapportées dans le cadre de cette surveillance.

d) Le centre national de référence pour entérocoques(6)
Le CNR des entérocoques est l’un des trois centres de référence (avec le CNR des staphylocoques et le CNR des bactéries à gram-négatif multirésistantes) qui participent (avec le service d’épidémiologie de Sciensano) au programme de surveillance des bactéries multirésistantes dans les hôpitaux belges. Les représentants de ces trois CNR siègent également en tant qu’expert dans leur domaine respectif dans la commission technique MDRO (CT-MDRO) ainsi que dans le comité national de l’antibiogramme (NAC)
Les données suivantes proviennent directement du CNR des entérocoques.
Le graphique 4 indique le nombre de souches VRE reçues par le centre national de référence des entérocoques pendant la période comprise entre janvier 2013 et novembre 2021 inclus. 

Graphique 5 : Nombre de souches VRE reçues par le centre national de référence des entérocoques pendant la période entre janvier 2013 et novembre 2021 inclus

Discussion  

 

 

 

 

 

 

Bien que la surveillance des VRE ne soit pas obligatoire en Belgique, on observe cependant un taux de participation croissant depuis 2015. Sur la base des notifications par les hôpitaux, on peut dire qu’en 2016, la plupart des patients étaient impliqués dans des épidémies de VRE (n= 247). Ceci concorde bien avec le nombre d’isolats de VRE envoyés au CNR qui était le plus élevé (près de 450 souches envoyées) pour cette même année 2016. Ceci est également corrélé avec le taux de résistance brute de E. faecium à la vancomycine la même année. La surveillance EARS-Net montre surtout pour E. faecium une résistance accrue en 2017. Les surveillances EARS-Net et EARS-Net BE ne portent que sur un nombre restreint d’hôpitaux (25-30 hôpiraux en moyenne et pas toujours les mêmes d’une année à l’autre) et les données EARS Net en particulier relatives aux isolats invasifs (septicémes /bactériemies) sont limitées en nombre (en moyenne 300-400 VRE E. faecium/an). Ceci explique les fluctuations observées des taux de résistance en % (valeurs basses) mais qui ne montre pas d’évolution significative au cours du temps.

A noter que la contribution des E. faecalis aux VRE est très marginale et que depuis 2019, seule l’espèce E. faecium est prise en considération dans le programme de surveillance nationale belge (à l’instar du programme de surveillance EARS-Net de l’ECDC).

Les données de surveillance en Europe (ECDC-WHO, rapport pour l’année 2020 publié en 2022) montrent un taux moyen de résistance de E. faecium à la vancomycine de 16.8% en Europe en 2020 (en augmentation significative depuis 2016, année pendant laquelle le taux moyen de VRE (E. faecium était de 11.6%. A noter également que les écarts sont très grands selon les pays (0 % à 57%) et que seuls 11 pays (dont la Belgique) sur 29 des pays Européens qui participent à la surveillance (EU/EEA) rapportaient des taux de résistance inférieurs à 5%.

En 2018, on assiste à une nouvelle hausse principalement du taux moyen de résistance et en moindre mesure du taux brut de résistance dans le protocole de surveillance nationale. C’est également en 2018 que le nombre le plus élevé d’épidémies a été constaté (n=28). Les données EARS-Net font par contre état d’une diminution de la résistance à la vancomycine de
E. faecalis et E. faecium. À partir de 2018 également, on assiste à une tendance clairement baissière du nombre de souches VRE reçues par le CNR.

Conclusion  

En raison des différences méthodologiques des différents programmes de surveillance, les données disponibles concernant les VRE en Belgique sont difficilement comparables. On peut en conclure que c’est essentiellement entre 2016 et 2018 que la problématique des VRE s’est accrue vraisemblablement à la faveur d’épidémies survenues dans un plus grand nombre d’hôpitaux. 
Il ne semble cependant pas y avoir de tendance nette dans l’épidémiologie des VRE en Belgique au cours des dernières années (plutôt des fluctuations selon les années)

Pour la période postérieure à 2018, on peut se baser sur les chiffres de référence moyens des VRE dans le cadre de la surveillance nationale; ceux-ci montrent qu’après 2018on a assisté à une nouvelle diminution des taux de VRE et à une stabilisation en 2020. À partir de 2018 également, on assiste à une tendance à la baisse du nombre de souches VRE reçues par le CNR.

Références

1- Agentschap zorg en gezondheid, Wetenschappelijk Instituut Volksgezondheid. Toename van het aantal uitbraken met vancomycine resistente enterokokken (VRE) in ziekenhuizen in België. VRE alert oktober 2015/21.10.2015.

2- European Centre for Disease Prevention and Control (ECDC). European Antimicrobial Resistance Surveillance Network (EARS-Net). Surveillance Atlas of Infectious Diseases (europa.eu) 

3- Sciensano.  European antimicrobial resistance surveillance for Belgium (EARS-BE) https://www.wiv-isp.be/nsih/surv_ears/reports_nl.asp

4- Sciensano. Volksgezondheid & Surveillance. Zorginfecties & Antimicrobiële Resistentie (NSIH). Nationale surveillance van antimicrobiële resistentie (AMR). https://www.wiv-isp.be/nsih/surv_amr/download_nl.asp 

5- Sciensano. Surveillance of antimicrobial resistant bacteria in Belgian hospitals. Report 2018.

https://www.sciensano.be/sites/default/files/rapport_amr_y2018_final.pdf

6- Sciensano. National reference center for Enterococci. https://nrchm.wiv-isp.be/nl/ref_centra_labo/enterococci/Rapporten/Forms/AllItems.aspx

7- Rapport de surveillance en Europe (ECDC-WHO) pour l’année 2020 publié en 2022 : https://www.euro.who.int/en/health-topics/disease-prevention/antimicrobial-resistance/news/news/2022/01/whoecdc-report-antimicrobial-resistance-remains-threat-to-health-in-european-region
BAPCOC. Global Point Prevalence Survey of Antimicrobial Consumption and Resistance 2019.

Décolonisation nasale à la povidone iodée : le pôle hospitalier Jolimont s’investit dans la prévention des infections de site opératoire

Contexte 

En Belgique, les infections de site opératoire (ISO) constituent la troisième cause (16.9%) d’infections associées aux soins, après les pneumonies (21.6%) et les infections des voies urinaires (21.3%) (1).

Staphylococcus aureus (S. aureus) est l’agent bactérien responsable de la majorité (30.4%) des ISO, suivi par les staphylocoques à coagulase-négative (11.7%) (2). Staphylococcus aureus sensible à la méticilline (MSSA) est présent de manière permanente dans les narines de 20% de la population et colonise principalement la partie antérieure des narines (3). Une association entre le portage nasal de S. aureus et un risque augmenté de développer une ISO a été démontrée, notamment en chirurgie orthopédique et en chirurgie cardiaque (4) (5). Les conséquences médicales et financières de ces infections sont majeures, avec une augmentation de la morbidité et de la mortalité, un allongement de la durée de séjour, une majoration des réadmissions et une hausse des coûts des soins de santé. Leur ampleur  s’accroit encore en cas d’ISO occasionnée par du Staphylococcus aureus résistant à la méticilline (MRSA). C’est pourquoi la décolonisation nasale chez les patients devant subir une intervention chirurgicale constitue une stratégie importante pour la prévention des ISO. 

L’OMS, dans ses « guidelines pour la prévention des infections de site opératoire » (2), recommande que les patients colonisés par S. aureus au niveau nasal, qui doivent subir une chirurgie cardiothoracique ou une chirurgie orthopédique, soient traités avec une pommade nasale à base de mupirocine 2% (en combinaison ou non avec une douche à base de chlorhexidine). Suite à ces recommandations, plusieurs institutions hospitalières ont fait le choix de réaliser un dépistage pré-opératoire de S. aureus, pour les interventions de chirurgie cardiaque et orthopédique. Ce dépistage suivi d’un traitement local à base de pommade de mupirocine à 2% (appliqué 2x/jour pendant 5 jours) chez les patients colonisés permet de diminuer le portage de S. aureus ainsi que les ISO qui en découlent. Bien que la mupirocine constitue actuellement le traitement de choix pour réduire le portage nasal de S. aureus, une utilisation rationnelle est recommandée afin de limiter le risque d’émergence de souches bactériennes résistantes à ce traitement. C’est la raison pour laquelle il semble nécessaire de développer des stratégies alternatives de décolonisation préopératoire afin de prévenir le risque d’ISO (6). C’est dans ce contexte que la polyvidone iodée (PVP-I) a été étudiée depuis une dizaine d’années comme traitement alternatif à la mupirocine. Cet antiseptique possède un large spectre d’activité contre les bactéries Gram-négatif et Gram-positif, incluant l’ensemble des souches de S. aureus dont les MRSA et les souches de
S. aureus
résistantes à la mupirocine. (7)

Efficacité de la décolonisation nasale sur les infections de site opératoire (ISO)

Plusieurs études suggèrent que la décolonisation nasale des patients par l’application locale de polyvidone iodée
(PVP-I) pourrait constituer une alternative efficace pour prévenir les ISO, notamment celles causées par S. aureus (8) (9) (10). 

Ainsi, Phillips et al, dans un essai prospectif randomisé ouvert, ont comparé l’action de la pommade nasale de mupirocine 2% appliquée 2 fois par jour pendant les 5 jours précédant l’intervention chirurgicale à l’application d’un écouvillon imbibé de PVP-I à 5% pendant 2 fois 30 secondes dans chaque narine dans les 2 heures précédant l’incision chirurgicale (intervention d’ arthroplastie ou de fusion vertébrale). Les résultats de cette étude comparative, suggèraient que la PVP-I (n = 842) avait une activité similaire à la mupirocine (n= 855) et que les taux d’infections profondes à 90 jours (pas d’évaluation des infections superficielles ni des infections d’organe/d’espace dans cet article) étaient similaires dans les 2 groupes (Intention-to-treat analysis). Cependant, 92 patients du groupe mupirocine et 66 patients du groupe PVP-I ont été éliminés pour une seconde analyse des résultats (per-protocol analysis). Les causes de leur élimination étaient multiples, soit les patients n’avaient pas suivi complètement le traitement, soit liée à une erreur de prophylaxie antibiotique ou encore cette élimination était due au retrait du consentement du patient concernant sa participation à l’étude. Après cette deuxième analyse, les auteurs obtenaient alors une différence statistiquement significative des infections profondes à S. aureus en faveur du bras PVP-I(0.7/100 pour le groupe mupirocine contre 0% pour le groupe PVP-I ; p=0.03) (8). 

Bien que cette étude soit largement citée dans les articles en lien avec la décolonisation nasale à la PVP-I, certains auteurs émettent cependant des réserves sachant que Phillips et al font partie de la corporation 3M. 

De plus, l’analyse « per-protocol », qui ne tient pas en compte l’ensemble des patients randomisés constitue un risque de biais d’interprétation. Les essais cliniques devraient a priori être interprétés selon le principe d’intention-to-treat afin de garantir la qualité des interprétations. 

Bebko et al ont réalisé une étude de cohorte prospective avec un contrôle rétrospectif comparant le taux d’ISO à 30 jours chez les patients qui avait subi une chirurgie orthopédique élective avec mise en place d’implants. Contrairement au groupe contrôle qui n‘avait fait l’objet d’aucun traitement local (n=344), une décolonisation nasale à la PVP-I 5% a été appliquée le matin de l’intervention chirurgicale pour le groupe intervention (n=365). 

Les résultats montraient une diminution de 69.2% du taux d’ISO dans le groupe intervention (1.1% vs 3.8% pour le groupe contrôle ; p=0.02) (9). 

A contrario, d’autres études n’ont pas montré d’impact significatif de la décolonisation nasale à base de PVP-I par rapport à la mupirocine sur l’incidence des ISO et concluaient à une activité similaire des deux traitements (11) (12). Sachant que les études en date sont principalement monocentriques et rétrospectives, des essais cliniques complémentaires sont nécessaires afin de mieux étayer l’efficacité de l’application intra-nasale de PVP-I sur la prévention des infections de site opératoire. Ces études devraient permettre également de fournir des réponses concernant la concentration optimale de la solution, le temps et le nombre d’applications à l’aide d’écouvillons imbibés de PVP-I, ainsi que le bénéfice de l’association de la décolonisation nasale avec une douche préopératoire à l’aide de savon antiseptique (PVP-I ou chlorhexidine).

Avantages de la PVP-I par rapport à la mupirocine 

Bien que la supériorité de la PVP-I par rapport à la mupirocine fasse encore débat, on peut considérer que leur efficacité à réduire les ISO sont globalement similaires. Cependant, il existe un certain nombre d’arguments qui plaident en faveur de l’utilisation de PVP-I dans le cadre de la prévention des ISO.

Ces arguments sont : 
La résistance bactérienne à la mupirocine. Dans les « Recommandations pour le contrôle et la prévention de la transmission des Staphylococcus aureus résistant à la méticilline dans les hôpitaux belges » publiées en 2005 (13), le Conseil Supérieur de la Santé (CSS) mettait déjà en évidence en 2005, un risque accru d’échec de traitement topique nasal par la mupirocine chez les personnes colonisées multi-sites par du MRSA. Il déclare : « Il existe deux modes de résistance à la mupirocine : une résistance de niveau élevé (MIC ≥ 512 mg/l) et une résistance de faible niveau (MIC 8-256 mg/l). [ ] Le taux de résistance de niveau élevé a augmenté jusqu’à atteindre approximativement 3% des souches de MRSA en Belgique. Certaines souches ont causé des épidémies locales. »
Selon Nagant et al (14) dans une étude de prévalence de la résistance à la mupirocine effectuée entre 2005 et 2014 par le Centre National de Référence S.aureus, 3.6% des souches de S. aureus étaient résistantes à la mupirocine (5.2% pour les MRSA et 0.7% pour les MSSA ; n total =1971 souches de S.aureus). Cependant, ce taux est largement supérieur dans certains pays comme le Canada (12% dont 7% ont une résistance de niveau élevé) ou la Corée (14.1% dont 5.7% ont une résistance de niveau élevé).
Contrairement à la mupirocine, aucune résistance bactérienne à la PVP-I n’a encore été observée et ce grâce à ses multiples cibles cellulaires (15).

– L‘observance au traitement à la mupirocine. Selon Phillips et al, une moindre observance des patients au traitement à base de pommade de mupirocine pourrait contribuer à l’échec du traitement. En effet, les patients traités grâce à la pommade nasale à base de mupirocine rapportent davantage d’effets indésirables, tels que maux de tête, rhinorrhées ou congestion nasale par rapport à ceux décolonisés à l’aide d’une solution de PVP-I (8). Cet argument est important surtout depuis que l’expérience-patients sur les soins fournis est maintenant considérée comme un indicateur de qualité des soins. Il existe en effet, une corrélation directe entre la satisfaction des patients et leur compliance au traitement, ce qui permet un effet positif sur les résultats pour le patient (16). 

– La comparaison du coût des deux stratégies de prévention des ISO. La première stratégie consiste en un dépistage du portage de S. aureus chez les patients en pré-opératoire, suivi d’un traitement à la mupirocine chez les patients positifs, à raison de 2 applications par jour pendant 5 jours précédant la chirurgie. Dans la seconde stratégie, aucun dépistage n’est réalisé, tous les patients font l’objet d’une décolonisation nasale par l’application locale de PVP-I à 5%, une heure avant l’intervention chirurgicale. Plusieurs études américaines comparant le coût de ces deux stratégies, dans le cadre de chirurgies orthopédiques, rapportaient une meilleure rentabilité de la décolonisation systématique à la PVP-I. Selon Torres et al, le coût moyen pour le groupe dépistage était de $121.16 (SD 28.16) versus $27.21 (SD 0) pour le groupe PVP-I (11). Reiser et Moskal, évaluaient une économie potentielle de $74.72 par patient, en faveur de la décolonisation à la PVP-I (17). Bien qu’il s’agisse d’études américaines et que selon les pays, les institutions de soins et les techniques de laboratoire utilisées, le coût de ces deux protocoles puisse varier, ces deux résultats semblent tout de même prometteurs. 

– La rapidité d’action de la PVP-I par rapport à la mupirocine. 
Depuis 2010, la société 3M commercialise un kit de décolonisation nasale composé d’une solution de PVP-I à 5% destiné à la préparation préopératoire des patients. Leurs études in vitro ont démontré une rapide activité bactéricide de cette solution dès la première minute de contact permettant l’élimination de 99.99% des S. aureus (MRSA et MSSA). Les tests in vivo quant à eux montrent que la solution de PVP-I à 5% élimine 99.5% des S. aureus (MSSA et MRSA) dans la première heure suivant l’application et que cet effet est maintenu pendant au moins 12 heures (30 secondes d’application dans chaque narine, un écouvillon par narine) (18). Selon Anderson et al, la mupirocine a une action plus lente avec des effets bactéricides significatifs seulement après 12 heures (étude ex-vivo) (15)

– La facilité du traitement à base de PVP-I.
Contrairement au traitement par une pommade de mupirocine qui doit être appliquée 2 fois par jour pendant 5 jours, la décolonisation nasale à l’aide d’une solution de PVP-I ne nécessite qu’une application unique au niveau des narines du patient, dans les 2 heures précédant l’incision chirurgicale. En effet, selon Ghaddara et al, une application unique de PVP-I à 10% par les soignants réduit de manière statistiquement significative la concentration moyenne de MRSA à 1h et 6h suivant le traitement. Les auteurs ont également démontré que l’application répétée de PVP-I ne permet pas d’obtenir de prolongation de l’activité bactéricide sur le MRSA. Bien que l’activité bactéricide ne soit pas maintenue à 12h et 24h, cette activité à court terme semble cependant suffisante selon les auteurs pour réduire le taux d’ISO (19).

– Applicabilité du protocole de décolonisation nasale à la PVP-I pour la chirurgie urgente.
Dans une étude rétrospective monocentrique, Urias et al observaient un effet bénéfique d’une application intra-nasale unique de PVP-I à 5% sur le taux d’ISO chez des patients qui avait subi une intervention chirurgicale urgente des membres inférieurs avec mise en place d’implants suite à un traumatisme (10).
Les taux d’ISO observés étaient de 0.2% d’ISO pour le groupe intervention (n=962) versus 1.1% pour le groupe contrôle (pré-intervention; n=930) (p=0.02). Les résultats de cette étude non contrôlée avec comparaison historique de résultats suggère un bénéfice potentiel de la décolonisation nasale en une seule application de PVP-I pour la chirurgie urgente imbibés de PVP-I, ainsi que le bénéfice de l’association de la décolonisation nasale avec une douche préopératoire à l’aide de savon antiseptique (PVP-I ou chlorhexidine).

La décolonisation nasale à la PVP-I au pôle hospitalier Jolimont 

C’est suite à la revue de la littérature et les différents arguments plaidant en faveur de la décolonisation nasale à la PVP-I que le pôle hospitalier Jolimont a décidé de réviser sa stratégie de prévention des ISO. En novembre 2021, l’équipe de prévention et de contrôle des infections, menée par le
Dr Anne Simon a mis en place une procédure de décolonisation nasale sur les sites hospitaliers de Jolimont et de Lobbes,. Celle-ci s’applique à tous les patients devant subir l’une des trois chirurgies suivantes : chirurgie orthopédique (uniquement en cas de mise en place d’implants), chirurgie cardiaque et neurochirurgie. 

L’équipe de prévention et de contrôle des infections a cependant opté en premier temps pour le maintien de la politique de dépistage de S. aureus en préopératoire. Le suivi des ISO durant les prochains mois permettra d’évaluer l’efficacité du nouveau protocole de décolonisation nasale. Cette évaluation permettra non seulement de comparer le taux d’ISO avant et après la mise en place de ce nouveau protocole, mais également de revoir la nécessité de poursuivre le dépistage de S. aureus chez les patients en préopératoire. 
La décolonisation nasale s’effectue dans les deux heures précédant l’intervention chirurgicale. Il est demandé au patient de se moucher avant le soin et de nettoyer l’intérieur des narines à l’aide d’un mouchoir.
Cette étape est importante et nécessaire car des études in-vitro ont montré que l’activité antibactérienne de la PVP-I est significativement réduite par l’addition de sécrétions nasales (20).
La décolonisation nasale est effectuée à l’aide de deux écouvillons (un par narine) imbibés d’une solution de PVP-I dermique à 10%. 
L’équipe soignante réalise cette décolonisation en effectuant plusieurs rotations de l’écouvillon à l’intérieur de chaque narine, en insistant au niveau de la partie antérieure des narines, pendant une durée minimale de 30 secondes. 
Afin de permettre l’action de la PVP-I il est recommandé au patient d’éviter de se moucher après le soin. 
Les patients qui déclarent être allergiques à la PVP-I  reçoivent en consultation préopératoire chez l’anesthésiste une pommade de mupirocine à 2% à appliquer au niveau des narines 2 fois par jour, dès la veille de l’intervention (3). Afin de réduire le risque de non-observance des patients à ce traitement, les équipes soignantes veillent à poursuivre les 2 applications par jour de mupirocine , le jour de l’intervention et les jours suivants afin de totaliser 5 jours de traitement. 
Les équipes soignantes ont reçu une formation et ont été régulièrement suivies durant les mois de novembre et décembre afin de les aider dans l’application de ce nouveau protocole. 
Parallèlement à la décolonisation nasale, il est recommandé au patient de prendre une douche et de réaliser un shampooing la veille ainsi que le jour de l’intervention chirurgicale, à l’aide de 4 flapules de savon à base de PVP-I En cas d’allergie à la PVP-I, l’utilisation d’une flapule de chlorhexidine  est recommandée. De même, un bain de bouche par une solution buccale de PVP-I est effectué la veille et le jour de l’intervention, sauf en cas d’allergie auquel cas, on utilise une solution d’hexétidine.
Il est prévu que les hôpitaux de Nivelles, Mons et Warquignies, faisant partie du pôle hospitalier Jolimont appliquent également cette procédure dans le futur. 

Références 

1. Sciensano. Point prevalence study of healthcare-associated infections and antimicrobial use in Belgian acute care hospital – Results of the ECDC PPS 2017. Bruxelles : s.n., 2018. D/2018/14.440/37.

2. Oganization, World Health. Global guidelines for the prevention of surgical site infection. Geneva : s.n., 2016. ISBN 978 92 4 154988 2.

3. Mulcahy ME, Geoghegan JA, Monk IR, O’Keeffe KM, Walsh EJ, Foster TJ, McLoughlin RM. Nasal colonisation by Staphylococcus aureus depends upon clumping factor B binding to the squamous epithelial cell envelope protein loricrin. PLoS Pathog. 2012, Vol. 8, 12.

4. Kalmeijer MD, Van Nieuwland-Bollen E, Bogaers-Hofman D, de Baere GA. Nasal carriage of Staphylococcus aureus is a major risk factor for surgical-site infections in orthopedic surgery. Infect. Control Hosp Epidemiol. 2000, Vol. 21(5), 319-323.

5. Kluytmans JA, Mouton JW, Ijzerman EP, Vandenbroucke-Grauls CMJE, Maat AWPM, Wagenvoort JHT, Verbrugh HA. Nasal Carriage of  Staphylococcus aureus as a Major Risk Factor for Wound Infections after Cardiac Surgery. J Infect dis. 1995, Vol. 171, 216-219.

6. Poovelikunnel T, G. Gethin G and Humphreys H. Mupirocin resistance: clinical implications and potential alternatives for the eradication of MRSA. Journal of antimicrobial chemotherapy. Oxford Academic, 2015, Vol. 70, 2681–2692.

7. Lepelletier D, Maillard JY, Pozzetto B, Simon A. Povidone Iodine: Properties, Mechanisms of Action, and Role in Infection Control and  Staphylococcus aureus Decolonization. Antimicrobial agents and chemotherapy. American Society for Microbiology, 2020, Vol. 64, 9.

8. Phillips M, Rosenberg A, Shopsin B, Cuff G, Skeete F, Foti A, Kraemer K, Inglima K, Press B, Bosco J. Preventing Surgical Site Infections: A Randomized, Open-label Trial of Nasal Mupirocin Ointment and Nasal Povidone Iodine Solution. Infect Control Hosp Epidemiol. 2014, Vol. 35(7), 826-832.

9. Bebko SP, Green DM, Awad SS. Effect of a Preoperative Decontamination Protocol on Surgical Site Infections in Patients Undergoing Elective Orthopedic Surgery With Hardware Implantation. Jama Surg. 2015, Vol. 150(5), 390-395.

10. Urias DS, Varghese M, Simunich T, Morrissey S, Dumire R. Preoperative decolonization to reduce infections in urgent lower extremitu repairs. European Journal of Trauma Surgery. 2018, Vol. 44, 787-793.

11. Torres EG, Lindmair-Snell, Langan JW, Burnikel BG. Is Preoperative Nasal Povidone-Iodine as Efficient and Cost-Effective as Standard Methicillin-Resistant  Staphylococcus aureus Screening Protocol in Total Joint Arthroplasty? The Journal of Arthroplasty. Elsevier, 2016, Vol. 31, 215-218.

12. Pop-Vicas A, Safdar N. Pre-operative Decolonization as a Strategy to Reduce Surgical Site Infection. Topical Collection on Skin, Soft Tissue, Bone and Joint Infection Disease. Springer, 2019, Vol. 21, 35.

13. d’Hygiène, Conseil Supérieur. Recommandations pour le contrôle et la prévention de la transmission de  Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline dans les hôpitaux belges. Bruxelles : s.n., 2005. SHC 7725.

14. Nagant C, e Deplano A, Nonhoff C, De Mendonça R, Roisin R, Dodémont M, Denis O. Low prevalence of mupirocine resistance in Belgian  Staphylococcus aureus isolates collected during a 10 year nationwide surveillance. J Antimicrob Chemother. Oxford Academic, 2016, Vol. 71(1), 266-267.

15. Anderson MJ, David ML, Scholz M, Bull SJ, Morse D, Hulse-Stevens M, Peterson ML. Efficacy of Skin and Nasal Povidone-Iodine Preparation against Mupirocin-Resistant Methicillin-Resistant  Staphylococcus aureus and S. aureus within the Anterior Nares. Antimicrob Agents Chemother . 2015, Vol. 59, 2765-2773.

16. Maslow J, Hutzler L, Cuff G, Rosenberg A, Phillips M Bosco J. Patient Experience With Mupirocin or Povidone-Iodine Nasal Decolonization. Orthopedics. 2014, Vol. 37, e576 – e581.

17. Reiser GR, Moskal JT. Cost Efficacy of Methicillin-Resistant Staphylococcus aureus Decolonization With Intranasal Povidone-Iodine. The Journal of Arthroplasty. Elsevier, 2018, Vol. 33, 1652-1655.

18. 3M Infection Prevention Division. Safety & Efficacy Information 3M Skin and Nasal Antiseptic. USA : s.n., 2016.

19. Ghaddara HA, Kumar JA, Cadnum JL, Ng-Wong YK, Donskey CJ. Efficacy of a povidone iodine preparation in reducing nasal methicillin-resistant Staphylococcus aureus in colonized patients. American Journal of Infection Control. Elsevier, 2020, Vol. 48, 456-459.

20. Hill RLR, Casewell MW. The in-vitro activity of povidone–iodinecream against Staphylococcus aureus and its bioavailability in nasal secretions. Journal of Hospital Infection. Elsevier, 2000, Vol. 45 (3).

21. Simor EA, Stuart TL, Louie L, Watt C, Ofner-Agostini M, Gravel D, Mulvey M, Loeb M, McGeer A, Bryce E, Matlow A, and the Canadian Nosocomial Infection Surveillance Program. Mupirocin-Resistant, Methicillin-Resistant Staphylococcus aureus strains in canadian hospital. Antimicrobial Agents and Chemotherapy. American Society of Microbiology, 2007, Vol. 51(11), 3880-3886.

22. Rezapoor M, Nicholson T, Mostafavi Tabatabaee R, Chen AF, Maltenfort MG, Parvizi J. Povidone-iodine-Based Solutions for Decolonization of Nasal Staphylococcus aureus : A Randomized, Prospective, Placebo-controlled Study. The Journal of Arthroplasty. Elsevier, 2017, Vol. 32, 2815-2819.

Avis sur la prévention des infections lors de la construction d’un nouveau bloc médico-technique

Introduction 

La contamination de l’environnement de soins joue un rôle majeur en tant que réservoir et vecteur de transmission de pathogènes nosocomiaux à gram-négatif, notamment les entérobactéries productrices de carbapénèmase (EPC ou CPE) et Pseudomonas aeruginosa. Compte tenu de l’augmentation de l’incidence de ces bactéries multi-résistantes chez les patients hospitalisés, et tout particulièrement dans les services de soins intensifs, il est recommandé de limiter au maximum la présence de réservoirs potentiels dans l’environnement de soins.

L’avis de l’équipe hygiène hospitalière a dès lors été demandé lors de la conception d’un nouveau bloc médico-technique avec ICU (unité de soins intensifs) et plateau interventionnel. Sur la base de la littérature disponible et en concertation avec les services concernés et le service technique, différentes solutions et aménagements possibles ont été proposés. 

Discussion

Lave-mains

Les lave-mains représentent un premier réservoir important de bacilles à gram-négatif (BGN). Dans le cadre de la stratégie conventionnelle de l’hygiène de mains et des soins aux patients, on en retrouve dans chaque chambre de patient. Même si la proximité de lave-mains par rapport au patient a longtemps été considérée comme «meilleure pratique», ceux-ci représentent un environnement idéal pour la survie et pour la croissance de BGN.
Ils ont été reconnus depuis plusieurs années comme étant à l’origine d’épidémies ainsi que de leur persistance prolongée dans un contexte endémique. Ce dernier point a été très clairement objectivé dans l’unité de soins intensifs de notre hôpital (De Geyter 2017). 
Dans l’intervalle, la désinfection des mains est devenue la norme par excellence pour l’hygiène des mains et, d’autre part, la limitation de points d’eau est également devenue une exigence dans le cadre du plan de gestion de la légionellose.
Le fait que des fluides corporels contenant des antibiotiques se retrouvent régulièrement dans les évacuations favorise la formation de biofilms dans les canalisations et la sélection de souches multirésistantes. La désinfection chimique des siphons ou leur remplacement ne permettent d’obtenir au mieux qu’un effet temporaire (Carling 2018). Les éclaboussures peuvent contaminer les zones autour du lave-mains (jusque dans un rayon de 2 mètres) ainsi que les mains des prestataires de soins. En outre, les lave-mains sont souvent utilisés pour nettoyer des ustensiles ou du matériel médical réutilisable chez un patient.
Le retrait des lave-mains de la chambre du patient est donc une première exigence. L’idée de soins sans eau suscite cependant encore souvent des réticences et doit clairement faire l’objet d’une promotion plus soutenue auprès des prestataires de soins. Il existe actuellement suffisamment d’alternatives sur le marché : gants de toilette imprégnés jetables (avec ou sans produit désinfectant), charlotte pour shampoing sec (sans rinçage), tondeuses avec tête de rasage large pour la barbe, bouteilles d’eau pour le brossage des dents et pour les soins de canules.
Les résidus de poches de perfusion, les liquides biologiques et les aliments, ne peuvent être éliminés par le biais des lave-mains, mais doivent être évacués de manière sûre et ergonomique.
Citons comme alternatives possibles à l’enlèvement total du lave-mains de l’environnement du patient : accroître la distance (minimum 2 mètres) entre le lave-mains et le lit du patient et prévoir une paroi anti-éclaboussures. Voici par ailleurs quelques critères pour attenuer le risque d’éclaboussures dans le lave-mains : l’évacuation ne se trouve pas directement dans l’axe du jet d’eau, absence de grille à l’entrée du collecteur et distance suffisante entre le robinet et l’évacuation (afin d’éviter la contamination du robinet). L’installation d’un filtre au niveau du robinet peut constituer une protection temporaire à condition que la distance entre le robinet et l’évacuation soit suffisante. L’utilisation d’un siphon à désinfection thermique (Kohn trap) peut permettre de réduire la formation de biofilm dans l’évacuation, mais il s’agit d’une solution onéreuse.
La technique de la désinfection chirurgicale des mains a été introduite en 2006 au quartier opératoire, mais les grands éviers de brossage, que se partagent deux salles, sont restés en place. Lors de la conception d’une nouvelle infrastructure, il paraît légitime de se poser la question du maintien de ces points d’eau. Un dispositif de lavage des mains dans les vestiaires (donc à l’entrée du quartier opératoire) suffit à répondre aux exigences de la recommandation CSS 9344.
Afin de répondre aux besoins des utilisateurs, il a cependant été décidé de placer des lave-mains à plusieurs endroits stratégiques (vestiaires, local de pause, etc.) et d’opter pour un bac de désinfection moins volumineux (fig. 1) avec un seul point d’eau d’une part et d’autre part plusieurs stations de distribution de gel hydroalcoolique (mains libres) au niveau de l’entrée des salles d’opération. A noter que le bac de désinfection des mains peut être fabriqué sur mesure par l’entreprise. 

Fig. 1 : bac de désinfection des mains

 

 

 

 

 

 

 

Il a été décidé que des lave-mains ne seraient dorénavant encore maintenus qu’après concertation et consensus entre les utilisateurs et l’équipe hygiène hospitalière. Citons comme exception possible les locaux dans lesquels des mesures barrière maximales doivent être adoptées lors de procédures invasives telles que ponction ou cathétérisme (CSS 9344). Lors d’une consultation pour soins de plaies, les gants de toilette jetables imprégnés constituent une option, mais il paraît raisonnable d’installer (ou de maintenir) la présence d’un lave-mains raccordé au réseau de distribution d’eau chaude et froide. L’accent doit cependant rester marqué sur la promotion de l’utilisation de gels hydroalcoolique et l’installation de quelques lave-mains situés dans des endroits bien choisis. En l’état, un travail important doit encore être entrepris par l’équipe d’hygiène hospitalière afin de vaincre les réticences des utilisateurs qui le plus souvent reposent sur des arguments irrationnels ou sont basées sur des vieilles habitudes.

Élimination des liquides biologiques 

L’élimination des liquides biologiques constitue un deuxième réservoir important de BGN. En outre, le risque de souillure et de contamination tant des vêtements de travail que de l’environnement pendant le déversement des liquides biologiques est souvent inévitable. Enfin, outre les nuisances olfactives, l’obstruction de l’évacuation représente un problème fréquent.

Dans la nouvelle unité de soins intensifs, la distance entre les chambres des patients et l’espace de rinçage central est considérablement plus élevée. Les utilisateurs souhaitent dès lors avoir un déversoir décentralisé dans chaque chambre. Il convient de bien réfléchir avant la prise de décision, car même derrière une porte close et à distance du patient, les risques de contamination des vêtements ainsi que d’éventuelles nuisances olfactives subsistent.

Les eaux résiduelles de l’hémofiltration continue veino-veineuse étaient auparavant évacuées vers l’espace de rinçage central, mais un raccordement à l’évacuation sous le lave-mains est désormais disponible. Pour la dialyse intermittente, il y est procédé via un tuyau d’évacuation dans le lave-mains.

Dans la nouvelle infrastructure, des raccordements muraux vers une évacuation centrale ont été prévus (Fig. 2 et 3). Pour les autres liquides biologiques, nous avons opté pour la présence de lave-bassins disposés dans le sas de chaque chambre. Ces lave-bassins doivent être dotés d’une commande mains libres. Le déversement de la panne pleine doit se faire derrière porte close et la porte doit également pouvoir se fermer lorsque l’appareil n’est pas en cours d’utilisation. L’importance d’une bonne gestion des pannes a déjà été abordée dans un numéro antérieur de Noso-Info. (van Knippenberg-Gordebeke 2013) 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les demandes relative aux systèmes d’évacuation par les différents départements ont été analysée en détail. Des mauvaises expériences par le passé, impliquant des nuisibles (vermines, parasites), des obstructions, des nuisances olfactives et un risque d’éclaboussures ont été déterminantes pour décider de leur stricte limitation à quelques espaces techniques. Pour l’évacuation des eaux sales des autolaveuses, des points d’évacuation ont été prévus dans le mur du local de nettoyage à chaque étage.

Conclusion 

Il est clair que la prévention de la contamination par des BGN multirésistants de l’environnement du patient constitue un enjeu majeur, en particulier au niveau des unités de soins intensifs. C’est la raison pour laquelle il est important de constituer une cellule pluridisciplinaire regroupant les expertises nécessaires (personnel médical, service technique, hygiène hospitalière, architectes, bureaux d’étude, etc.). Ce groupe de travail se réunit et propose les solutions les plus  appropriées pour garantir un environnement idéal et sûr pour les patients. Dans ce cadre Il est évidemment important de prendre en considération les aspects pratiques et économiques ainsi que d’éventuelles contraintes locales de type structurelles (p.ex : le manque d’espace qui constitue souvent un facteur limitatif).

Références 

1. Implementation manual to prevent and control the spread of carbapenem-resistant organisms at the national and health care facility level: interim practical manual supporting implementation of the Guidelines for the prevention and control of carbapenem-resistant Enterobacteriaceae, Acinetobacter baumannii and Pseudomonas aeruginosa in health care facilities (WHO 2019)

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