Les projets-pilotes : hospital outbreak support team (HOST)

Présentation et contexte 

Dans une perspective d’amélioration continue des soins et conformément à la réglementation en vigueur, des programmes d’hygiène hospitalière, de prévention et de contrôle des infections (IPC) les programmes visant à favoriser le bon usage des agents anti-infectieux (antimicrobial stewardship, AMS)  sont essentiels. Ceci s’applique également aux structures de soins ambulatoires et particulièrement aux collectivités résidentielles où sont soignées des personnes âgées ou vulnérables. 

Lors de la lutte contre la pandémie COVID-19, l’expérience partagée de ces mêmes structures a clairement mis en évidence des manquements en termes de coordination et de communication des stratégies de prévention et de contrôle de la transmission des infections. De ce fait, faire bénéficier les premières et deuxièmes lignes de soins de la compétence développée par les équipes d’hygiène hospitalière au cours des dernières décennies s’impose.

C’est dans ce cadre qu’en mars 2021, le SPF Santé publique, Sécurité de la chaîne alimentaire et Environnement (SPF SPSCAE) a lancé un appel à candidature, invitant les hôpitaux généraux et universitaires à participer à 24 projets-pilotes dénommés « Hospital Outbreak Support Team, (HOST) ». Ces projets ont pour but d’améliorer la gestion des épidémies, clusters ainsi que d’autres activités en matière d’IPC et d’AMS, grâce à la mise sur pied d’équipes hospitalières multidisciplinaires disposant de l’expertise et de la complémentarité au sein d’un réseau clinique locorégional.

Objectifs visés 

La constitution de ces équipes HOST vise à faciliter la réponse et à améliorer l’efficience du soutien que les hôpitaux fournissent déjà aux collectivités résidentielles, dans le domaine de la gestion du risque infectieux. Par collectivités résidentielles, nous entendons les maisons de repos et de soins, mais également d’autres formes de collectivités où sont hébergées des personnes vulnérables, y compris les établissements de soins chroniques, de revalidation et de réhabilitation et les hôpitaux psychiatriques. A noter que les centres Fédasil, les centres fermés et les prisons sont également concernés.  

Le rôle de l’équipe sera de renforcer les stratégies de prévention et de contrôle des infections (infection prévention & control, IPC), la bonne gestion des agents anti-infectieux (antimicrobien stewardship, AMS), ainsi que la pharmacie clinique liée à l’infectiologie. Pour atteindre ce triple objectif, les hôpitaux participants devront collaborer et désigner un hôpital qui s’engagera à assurer le rôle de coordinateur pour la mise en place d’une équipe HOST au sein de la zone géographique de son réseau clinique locorégional et, par l’action de celle-ci, à développer en matière d’IPC et d’AMS :

1. une collaboration inter-hospitalière et la mutualisation des activités et ressources qui seront plus efficacement utilisées au niveau supra-institutionnel ;

2. une approche transmurale construite en concertation avec les autorités sanitaires compétentes permettant de mettre l’expertise hospitalière à la disposition des collectivités résidentielles et des autres acteurs de la première ligne des soins de santé.

[1]   Voir Arrêté Royal du 26 avril 2007 (normes hygiène hospitalière), Arrêté Royal du 12 février 2008 (normes officine hospitalière).

À sa phase de démarrage, le projet-pilote mettra en place :

– une coordination entre les hôpitaux impliqués, concrétisée par des protocoles de collaboration ;
– une équipe pluridisciplinaire joignable tant par les hôpitaux que par d’autres structures de soins résidentielles ;
– des formations continues en matière d’IPC et d’AMS, accessibles au personnel des collectivités résidentielles en appui aux formations qui pourront être données par les équipes mobiles ;
– des outils de communication : site web, numéro d’appel, sensibilisation… ;
– une documentation des activités réalisées dans le cadre du projet-pilote.

La contribution apportée par les HOST s’inscrira dans le respect des compétences des entités fédérées vis-à-vis des collectivités résidentielles et des soins de première ligne. En effet, les Communautés et les Régions interviennent en premier lieu si les ressources propres à une collectivité sont insuffisantes et que la situation épidémiologique l’exige. Au cas où leurs capacités atteindraient également leurs limites, les autorités communautaires et régionales pourront faire appel à l’HOST de la zone où se déroule l’incident. Des interactions construites et efficaces devront donc s’établir entre ces autorités et les HOST.

Durée et déploiement

Les projets-pilotes se dérouleront en phases annuelles et seront évalués par un comité d’accompagnement mis en place par le SPF Santé publique, Sécurité de la Chaîne Alimentaire et Environnement (SPF SPSCAE), en collaboration avec les autorités sanitaires des entités fédérées. L’avis des autorités sanitaires locales et la participation à des moments d’intervision dédiés aux projets HOST feront partie des critères d’évaluation des projets. Le comité d’accompagnement guidera le processus d’évaluation et déterminera, pour chacune des phases de mise en œuvre, les objectifs à atteindre. Il est chargé d’intégrer dans les objectifs spécifiques d’une année les « leçons apprises » au cours des exercices précédents. 

Sur la base des instructions qui lui seront fournies périodiquement (une fois par an), l’hôpital coordinateur communiquera au SPF SPSCAE un dossier de suivi actualisé, faisant l’inventaire des résultats obtenus durant l’exercice et présentant ses objectifs pour la période suivante.

La durée des projets-pilotes est estimée à quatre ans, du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2024. La fin des projets-pilotes sera déterminée par le comité d’accompagnement sur la base des résultats mis en évidence lors des évaluations régulières. 

A l’issue de la période de pilotage, l’intention est d’identifier les éléments sur la base desquels la stratégie de renforcement de l’IPC et de l’AMS pourra être intégrée dans le fonctionnement général applicable à tous les hôpitaux dans un mécanisme de financement structurel où seront définis notamment : 
la composition optimale d’une équipe HOST, ses missions spécifiques, les types de coordination et de collaboration entre les différents acteurs impliqués, le programme de formation etc. 

La création des HOST ainsi que la construction de chaque projet-pilote participera entre autres à l’élaboration de moyens servant à : 

• aligner entre les établissements de soins (au niveau loco-régional) les recommandations nationales de traitements anti-infectieux, les politiques de prescriptions d’antimicrobiens, les stratégies de tests diagnostiques de microbiologie;
• harmoniser les systèmes d’information relatifs aux surveillances épidémiologiques (collecte et encodage de données, stratégie commune de partage de données, etc.);
• mettre en place un « contrôle externe » de la qualité des programmes IPC, AMS et AMR (surveillances, audits, etc.) et un suivi des indicateurs.

Réception

Malgré le lancement de l’appel à une période où les équipes d’hygiène étaient fort sollicitées, celui-ci a connu un franc succès comme l’a démontré le taux de participation. Au total, 22 des 24 réseaux possibles ont répondu au premier appel, suite auquel 21 candidatures ont été retenues. Un deuxième appel de candidature lancé récemment  permettra aux hôpitaux n’ayant pas pu participer initialement ou n’ayant pas été retenus la première fois, d’intégrer le projet en 2022. 

Conclusion

Ces projets-pilotes s’inscrivent dans les objectifs du plan d’action national de lutte contre la résistance aux agents anti-infectieux élaboré par la Belgique [1], et leur gestion a été placée sous la responsabilité de la Commission belge de Coordination de la Politique antibiotique (BAPCOC).

Les objectifs à long terme fixés par l’appel ne pourront être atteints qu’au fur et à mesure de l’avancement des différentes phases du projet. La période de pilotage devrait permettre à chacun des réseaux participants de proposer et de tester divers plans d’actions envisageables avant de trouver la formule la plus adéquate. 

Si vous désirez en apprendre davantage, l’appel à projets est disponible via le lien suivant : https://organesdeconcertation.sante.belgique.be/fr/organe-d’avis-et-de-concertation/commissions/bapcoc 

 

 

 

 

 

 

 

[1]  Plan d’Action National 2020-2024 contre la résistance aux antimicrobiens (NAP-AMR): www.resistanceantimicrobiens.be 

Biocides du circuit restreint

Introduction 

Les biocides contiennent non seulement des produits désinfectants (par ex. utilisés dans les soins de santé) mais aussi des conservateurs, des produits de lutte contre les nuisibles (par ex. rodenticides) et autres biocides. Tout comme les produits phytopharmaceutiques, ils relèvent des « pesticides » (1).

Certains biocides utilisés dans les établissements de soins appartiennent au groupe des biocides du circuit restreint. Il s’agit de produits qui présentent un risque majeur pour le grand public. Le Règlement européen 528/2012 liste les critères qui déterminent quand les biocides ne peuvent pas être commercialisés pour le grand public (2). Les propriétés toxiques, cancérigènes, mutagènes ou tératogènes sont mentionnées comme risques, mais aussi lorsque le port d’équipements de protection individuelle (EPI) est requis lors de l’utilisation de biocides. De même, est considéré comme à risque tout biocide bioaccumulable et toxique, qui possède des propriétés perturbant le système endocrinien ou qui a des effets neurotoxiques ou immunotoxiques pour le développement. L’utilisation de tels biocides peut non seulement induire un risque accru pour la santé humaine, mais aussi pour la santé animale et pour l’environnement.

Des produits moins dangereux relèvent par contre du circuit libre et peuvent être mis à la disposition du grand public, tandis que les biocides du circuit restreint sont plutôt réservés à un usage professionnel.

Depuis le 20/05/2016, tous les vendeurs et utilisateurs de biocides du circuit restreint doivent répondre à certaines obligations en vertu de l’AR du 08/05/2014 (3) ; les adaptations les plus récentes de l’AR remontent au 14/04/2019 (4). L’AR en question est un complément notamment au Règlement (UE) n° 528/2012.

Sur le site Web du SPF Santé publique, sécurité de la chaîne alimentaire et environnement, on trouve une explication détaillée à propos des obligations applicables aux vendeurs et utilisateurs de biocides (1). 

Obligations pour le vendeur

Le vendeur doit déclarer, chaque année, les biocides du circuit restreint qu’il a vendus, à qui et en quelles quantités. Ces déclarations permettent aux autorités de contrôler que les biocides du circuit restreint n’ont bien été vendus qu’à des utilisateurs professionnels. 

Les fournisseurs de substances chimiques sont également tenus de fournir une fiche de données de sécurité ou « safety data sheet » (SDS) de leurs produits. Celle-ci permet de définir les risques potentiels liés à l’utilisation du produit, la manière dont il est possible de les limiter et les mesures à adopter en cas d’accident.

Obligations pour l’utilisateur

Outre les différentes obligations que les vendeurs de produits du circuit restreint sont tenus de respecter, certaines obligations
sont également imposées aux utilisateurs, comme l’enregistrement par le biais d’une plateforme en ligne du SPF Santé publique, sécurité de la chaîne alimentaire et environnement lors de l’achat d’un biocide du circuit restreint.

Chaque année, le statut d’utilisateur de biocides du circuit restreint doit être confirmé par le biais du même système d’enregistrement pour le 31 décembre. L’établissement doit donc établir des conventions internes à propos de la personne qui doit chaque année procéder à cet enregistrement : par exemple le coordinateur environnement ou le conseiller en prévention, et ce, en concertation avec un membre de l’équipe opérationnelle en hygiène hospitalière et la pharmacie. La liste des produits utilisés dans l’établissement peut en effet évoluer année après année suite à l’adoption de nouveaux produits.

L’établissement d’une liste des produits achetés/utilisés dans l’application du circuit restreint n’est plus obligatoire pour les utilisateurs mais elle reste cependant vivement recommandée.

L’employeur doit être tenu informé des règles en matière de conservation correcte, d’usage, d’élimination et des mesures à
adopter en cas d’accident ou d’intoxication. C’est la raison pour
laquelle ces biocides sont réservés à des utilisateurs professionnels. Par le biais de la liste des produits autorisés, vous trouverez les informations nécessaires à propos des produits via un lien vers les certificats d’autorisation des biocides (illustration 1). 

Figure 1 : Détail de la liste des biocides autorisés avec lien vers les certificats d’autorisation. 

 

 

 

 

 

En ce qui concerne l’élimination  des produits biocides, il est précisé qu’ils doivent être éliminés conformément aux indications figurant sur l’étiquette et conformément à la réglementation en matière d’élimination des déchets de la région de l’établissement.

Sur « belgium.be », des informations spécifiques peuvent être obtenues à propos de l’utilisation de pesticides dans les trois Régions (Flandre, Wallonie, Bruxelles). https://www.belgium.be/fr/environnement/substances_chimiques/pesticides_et_biocides

Il est également obligatoire de procéder à une évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs. Cette évaluation des risques comprend les éléments suivants :

•Identification de tous les produits dangereux dans l’entreprise, par exemple via l’étiquette ;
•Collecte d’informations à propos du bon usage de ces produits, par exemple via les fiches de données de sécurité (SDS) ;
•Identification des risques inhérents à l’utilisation de produits dangereux (illustration 2) ;
•Adoption de mesures appropriées pour limiter ces risques, comme par exemple la fourniture d’EPI (Elément de Protection Individuelle).

Figure 2: Exemple d’inventaire des produits dangereux à l’UZA via une application Web  

 

 

 

 

 

 

Chaque employeur est également tenu d’informer son personnel à propos d’une utilisation sûre des biocides sur le lieu de travail et doit le surveiller. Cette obligation s’applique à tous les produits chimiques, et pas seulement aux biocides. À l’avenir, il se peut que des formations supplémentaires soient imposées pour certains types de produits. Grâce à des formations, il est possible de veiller à ce que les travailleurs sachent parfaitement comment utiliser des produits dangereux, quelles mesures de protection adopter, quels gants et lunettes de protection porter, etc. Grâce à la présence de fiches de données ou de cartes d’instruction de sécurité (illustrations 3 et 4) sur le lieu de travail, les informations nécessaires sont rapides et simples à trouver

Figure 3 : Protège-documents pivotant mural dans une unité de soins avec cartes d’instructions de sécurité 

 

 

 

 

 

 

Figure 4 : Exemple de carte d’instructions de sécurité pour Anios Oxy’Floor®


Quels produits relèvent du circuit restreint ?

 Seuls les biocides qui sont autorisés par l’autorité fédérale peuvent être vendus sur le marché belge. Vous les trouverez dans la liste des biocides autorisés disponible sur le site Web du SPF : https://docs.health.belgium.be/ActiveProducts.pdf

Il convient de noter que l’épidémie de SARS-CoV-2 a été officiellement reconnue comme une pandémie et comme une situation d’urgence sanitaire. Les pouvoirs publics belges compétents ont dès lors décidé de procéder à la délivrance d’autorisations temporaires pour certains types de biocides.

Lors de l’inventaire des biocides présents à l’UZA, il y avait initialement deux biocides qui appartenaient au circuit restreint, à savoir les charlottes à shampoing Clinell® shampoocaps et Anios Oxy’Floor® (acide peracétique). La raison pour laquelle les charlottes de shampoing à la chlorhexidine de la marque Clinell® relèvent du circuit restreint est qu’ils contiennent 4 % de gluconate de chlorhexidine. L’ajout de 4 % de chlorhexidine dans la production est nécessaire pour respecter les 2 % requis lors de l’utilisation. Les gants de toilette imprégnés de chlorhexidine Clinell® affichent quant à eux une concentration inférieure de chlorhexidine (2,65 % pour conserver 2 % pendant toute la durée de vie du produit) et ne relèvent donc pas du circuit restreint (5). Étant donné que les gants de toilette imprégnés de chlorhexidine et les charlottes de shampooing à la chlorhexidine sont utilisés à l’UZA pour la décolonisation des patients porteurs de SARM, un avertissement a été ajouté sur avis du service de prévention dans la brochure d’information à propos du SARM. Un avertissement est notamment indiqué pour éviter tout contact entre les yeux et le produit désinfectant et en cas de contact accidentel avec les yeux, un rinçage abondant à l’eau est recommandé.

Ces exemples illustrent l’importance d’impliquer l’équipe d’hygiène hospitalière dans l’inventaire des biocides relevant du circuit restreint utilisés dans l’hôpital. 

Références

1. RÈGLEMENT (UE) No 528/2012 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 22 mai 2012 concernant la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides. https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2012:167:0001:0123:FR:PDF

2. SPF Santé Publique, Sécurité de la Chaine Alimentaire et Environnement. Circuit Restreint (update 09/09/2020). https://www.health.belgium.be/fr/circuit-restreint-old.

3. Arrêté royal du 08/05/2014 relatif à la mise à disposition sur le marché et à l’utilisation des produits biocides (M.B. 18/09/2014).

4. Arrêté royal du 04/04/2019 relatif à la mise à disposition sur le marché et à l’utilisation des produits biocides (M.B. 23/04/2019).

5. Dialex Biomedica. K.B. 08/05/2014. Aankopen en verkopen van biociden in het gesloten circuit. Clinell® Chloorhexidine Shampookap (CHGSC1BE) – NOTIF1140. Productinformatie, 16/12/2018.

L’ Infirmier (e) en Hygiène Hospitalière en Belgique : une espèce en voie de disparition ou une renaissance grâce à la pandémie de COVID 19 ?

La lecture de la crise COVID-19 au travers de l’infirmier(e) hygiéniste hospitalier(e) est un choix du comité de rédaction ; elle n’a pas la prétention de couvrir toutes les situations, la crise ayant été douloureusement vécue par le personnel, les patients et leur famille dans le secteur des soins à domicile, dans les maisons de repos et dans toutes autres infrastructures communautaires.

Il se comprend comme un coup de projecteur d’une fonction discrète et méconnue du grand public, parmi d’autres, un éclairage sur le lieu où plus que partout ailleurs le drame a nécessité une prise en charge multidisciplinaire.

Dans les établissements hospitaliers, les différents départements interagissant de près ou de loin auprès du patient sont nombreux et complémentaires. Tous collaborent pour lui délivrer des soins de qualité : équipes médicale, infirmière et soignante, paramédicale, pharmaceutique, technique, ménagère, alimentaire etc… sans oublier l’infirmier(e) hygiéniste hospitalier(e) qui au travers de son expertise, interagit auprès de tous ces professionnels par des conseils, des protocoles et une collaboration inconditionnelle. Avec le médecin hygiéniste, il (elle) constitue les personnes de référence dans le domaine de l’hygiène hospitalière, discipline à part entière.
Avant d’aborder les conséquences de cette pandémie et de l’importance de l’infirmier(e) hygiéniste hospitalier(e), il me semble utile de resituer le contexte de notre profession. 

Cet(te) infirmier(e) spécialisé(e) fait partie de l’équipe de direction du département infirmier (cadre intermédiaire – Infirmier chef de service) et travaille sous la supervision du (de la) directeur (trice) de ce département. Il (elle) constitue l’équipe opérationnelle en hygiène hospitalière (EOHH) en binôme avec le médecin en hygiène hospitalière, qui lui dépend du médecin-chef de l’établissement. Cette équipe jouit d’une indépendance opérationnelle mais fait rapport au comité d’hygiène hospitalière, au médecin-chef et au chef du département infirmier.
La lutte contre les infections nosocomiales au travers de la prévention et du contrôle de la transmission d’agents pathogènes infectieux au sein des établissements de soins constitue sa mission prioritaire. Ses fonctions s’étendent cependant bien au-delà et des avis de l’EOHH sont requis dans de nombreuses situations telles que par exemple : l’achat de matériel, la construction d’un hôpital ou la transformation d’un service. C’est également un interlocuteur privilégié pour le personnel de tous les départements et toutes les unités de soins et il (elle) est membre de nombreux comités au sein de l’hôpital et au sein d’organismes officiels. 

Depuis quelques années, la reconnaissance et la valorisation de sa fonction est remise en question dans le cadre d’une refonte de la classification des fonctions cliniques et managériales du département infirmier, sous-évaluant ses compétences et ses responsabilités.

C’est dans ce contexte de turbulences qu’apparaît le Coronavirus COVID-19. Début 2020, beaucoup d’entre nous parlaient d’une petite grippe asiatique, sous-estimant ce qui allait se produire.
Très vite nous avons été mis devant une réalité bien plus importante, subissant plutôt les évènements et les décisions, alors que notre rôle se doit d’être avant tout préventif.
Certains d’entre nous avaient néanmoins déjà donné l’alerte dès les premiers cas apparus en Chine et avaient anticipé les commandes de matériel concernant les équipements de protection individuelle (EPI) et les solutions hydroalcooliques (SHA).
Mais très rapidement, tous les hôpitaux se sont retrouvés démunis au point d’avoir recours à l’ingéniosité des uns et à la bonne volonté des autres pour fabriquer des masques, des blouses, des SHA et même des boites à rayons Ultra-violets pour désinfecter le matériel.
La pénurie rapide de matériel et d’équipements indispensables a bouleversé les bonnes pratiques en hygiène hospitalière que nous enseignions depuis des années comme par exemple le type de masque (FFP2 ou chirurgical ?), la durée d’utilisation des masques, l’usage des gants, le respect de leurs normes;
la re-stérilisation du matériel à usage unique ; la présence au sein d’une même unité de soins de patients COVID et non COVID par manque de place, …
Devant le flux croissant de patients COVID, le plan d’urgence hospitalier (PUH) a imposé des règles sévères aux institutions :
arrêt des activités ambulatoires et déprogrammation des interventions chirurgicales non urgentes, conversion des unités d’hospitalisation en unité COVID, augmentation des lits de soins intensifs, …
Dès les premières hospitalisations, des cellules de crise hospitalière se sont mises en place dans chaque hôpital (y intégrant les hygiénistes), pour tenter de jongler entre les recommandations de Sciensano et la réalité de terrain (pénuries de ressources humaines et de matériel, crainte du personnel soignant face à la qualité suboptimale de celui-ci face à ce virus) 

Dans certains cas extrêmes, des EOHH ont même été injustement traitées par des membres du personnel comme boucs émissaires, et accusées d’être responsables des problèmes rencontrés. Entre le manque de matériel, la qualité de celui-ci, la formation des équipes jugée insuffisante, les avis multiples et contradictoires des uns et des autres et les confusions de rôle avec la médecine du travail et le service de protection du travailleur, les hygiénistes allaient au front pour tenter d’expliquer et de rassurer. Et comme si ce n’était pas suffisant, une réactualisation continuelle par Sciensano impliquait des adaptations incessantes avec pour conséquence un décalage entre la publication des recommandations et leur mise à jour  pratique sur le terrain, le tout entraînant également la confusion, parfois la colère du personnel soignant et le discrédit de l’infirmier(e) en hygiène hospitalière.

La lourdeur de la charge de travail des équipes de soins, les modifications des horaires au pied levé, la suppression des congés, la constitution de cohortes avec prestations parfois de 12h d’affilée ne faisaient qu’aggraver la tension et compliquait la communication avec les équipes alors qu’on demandait aux hygiénistes de rester pragmatiques, didactiques et rassurant (e)s. 

Le confinement général, la fermeture des écoles, la réduction des transports en commun auraient-ils une influence sur l’absentéisme du personnel soignant ? Que choisirait-il ? Le travail ou la famille ? L’histoire de cette pandémie retiendra le professionnalisme du personnel de soins, son implication et son sens du devoir, encouragé par les applaudissements de la population et bien d’autres attentions.
Il fallait tenir, ce n’était que pour quelques semaines, quelques mois … On se serrait les coudes comme toujours.

Cette épidémie a néanmoins aussi été une opportunité pour les hygiénistes ; elle a permis de développer de nouvelles collaborations avec d’autres secteurs de l’hôpital, d’aider le secteur psychiatrique à accueillir des patients COVID +, d’interagir avec les délégations syndicales, de mettre en place de nouveaux moyens de communication et de réunions (Visioconférence), d’établir des collaborations plus importantes et mieux structurées avec les maisons de repos et de soins, de former du personnel de la composante médicale de la défense nationale venu en support dans certains hôpitaux, de préparer la campagne annuelle de vaccination contre la grippe au-travers du « levier » COVID, …

Cette première vague s’apaisant, l’activité classique des institutions hospitalières a repris progressivement. Celle-ci avait été postposée, engendrant un accroissement de la morbidité et de la mortalité. Se posait alors la question des critères d’admissions. Il fallait mettre dans la balance l’intérêt du patient par rapport à la protection des autres (Risque d’acquisition de la COVID au sein des institutions).
Les hygiénistes ont été sollicités pour participer à la réflexion mettant en place des règles pour garantir une reprise sécurisée pour les patients et le personnel ; il fallait revoir les circuits, la manière d’attribuer les locaux, de réduire le nombre de patients pour permettre un nettoyage/désinfection adéquat…
Pendant quelques mois, le virus nous a laissé un léger sursis mis à profit pour reprendre l’activité hospitalière là où elle avait été stoppée net et nous préparer à une nouvelle vague tellement redoutée après les vacances et l’arrivée de l’automne. Nous avons pu anticiper, notamment en ce qui concerne le stock de matériel de protection individuelle (bien que cela reste toujours un sujet sensible) et de SHA, l’actualisation des procédures, les scenarii possibles concernant la gestion des locaux et du personnel, les formations données, le port systématique du masque chirurgical par les patients et par le personnel.
L’absentéisme dans les équipes s’est avéré plus important qu’au printemps en raison de l’épuisement du personnel, de la peur de la COVID mais également parce que le personnel, y inclus les hygiénistes, a été plus fréquemment atteint par le virus…nécessitant des hospitalisations, parfois même aux soins intensifs. Certains membres du personnel en sont malheureusement aussi décédés. 
L’épidémie laisse des traces : les infirmier(e)s hygiénistes doivent à présent rétablir la confiance des équipes à leur égard en redevenant crédibles et maintenir leur motivation ; ils (elles) accomplissent l’impossible avec les moyens humains et matériels mis à leur disposition et n’ont été que trop rarement mis en lumière.

Cette crise majeure suscitera-t-elle des vocations – des désertions pour la profession infirmière ? L’avenir nous le dira. La probabilité existe de vivre une, voire plusieurs autres vagues ; l’histoire nous a enseigné qu’une nouvelle épidémie / pandémie se reproduira tôt ou tard et le rôle des infirmiers(e)s hygiénistes sera toujours plus essentiel.

En conclusion, au-travers de ce texte, je tenais à mettre en valeur mes collègues et à les remercier pour leur professionnalisme, leur implication, leur dévouement, leur assiduité, leur ténacité au profit du patient.

Il n’est pas 20h, mais permettez-moi de les applaudir.