Au CHU Brugmann (Bruxelles), quand l’équipe opérationnelle en Hygiène Hospitalière rencontre la Cellule Qualité au profit du patient

1. Introduction

Description de l’ Equipe Opérationnelle en Hygiène Hospitalière et de la Cellule Qualité et Sécurité.

Le CHU Brugmann est composé de 3 sites :
-Site Horta (631 lits) à Laeken
-Site Paul Brien (126 lits) à Schaerbeek
-Site Reine Astrid (96 lits) à Neder-over-Hembeek

L’équipe opérationnelle en hygiène hospitalière (EOHH) en place est constituée de deux d’infirmières, une sage-femme, un infirmier chef de service et de deux médecins (dont une microbiologiste), tous n’étant pas temps plein mais bien formés en Prévention et Contrôle des Infections (PCI).
Pendant de nombreuses années, la Cellule Qualité et Sécurité des Soins (CQS) aux patients était constituée de 3 infirmiers avec la participation sur une base volontaire d’un médecin (¼ temps ). La CQS était sous la direction du département infirmier et paramédical,  ses activités étaient surtout centrées sur le volet infirmier. Depuis 2022, la CQS dépend de la Direction Générale et est constituée d’une équipe pluridisciplinaire (infirmiers, médecin, chefs de projets).
Historiquement, l’EOHH et la CQS menaient leurs activités d’amélioration continue de manière indépendante.
A titre d’exemple, la CQS a organisé des audits organisationnels auprès des patients, la mise en œuvre et le suivi de la prescription des médicaments à haut risque (’High Risk médication’; HRM) en accord avec les objectifs du SPF Santé Publique. La CQS a également élaboré un projet « Chambre des Erreurs en 2017 », en collaboration avec le département infirmier et paramédical. Pour sa part, l’ EOHH s’est principalement consacrée au suivi de la prévention et du contrôle des infections notamment via la réalisation d’audits centrés sur l’application correcte des mesures de précautions standard et additionnelles.
Lors de ces différents audits au sein des unités de soins et au lit du patient, l’ EOHH avait régulièrement constaté plusieurs erreurs et non-respect des procédures existantes. La mise en application de feedbacks oraux immédiats et écrits suite aux audits ne semblaient pas porter leurs fruits dans certaines unités, chez certains soignants. De même les formations dites « classiques » avaient également leurs limites.   
En 2020, la pandémie de Covid a obligé les différents acteurs de l’hôpital à se remettre en question, à se rencontrer et à intensifier leurs efforts de collaboration. Durant cette épidémie, l’EOHH a joué un rôle majeur et la CQS a collaboré sur le terrain en organisant les ressources humaines médicales et en gérant le système documentaire.En 2021, le médecin de la cellule qualité a suivi la formation en prévention et contrôle des infections et l’hygiène hospitalière (H.H.). Cela a facilité le rapprochement entre les deux équipes et a contribué à une meilleure compréhension mutuelle de leur travail.

Comparaison du cadre légal de l’HH et de la CQS

L’ EOHH  et la CQS ne sont pas régis par le même cadre légal.
En effet, le statut de l’Hygiène Hospitalière est décrit de manière très précise dans la Loi sur les Hôpitaux et défini dans l’arrêté Royal du 26 avril 20071  précisant que:

Structurellement :
– « …la promotion de l’hygiène requiert le concours : – du médecin-chef ; – du chef du département infirmier ; – d’une équipe d’hygiène hospitalière ; – et d’un comité d’hygiène hospitalière. »
– « Le médecin hygiéniste hospitalier coordonne le fonctionnement de l’équipe d’hygiène hospitalière. »
– « le médecin hygiéniste hospitalier dépend du médecin-chef de l’établissement, sous la supervision duquel il travaille directement. »
– « …l’infirmier hygiéniste hospitalier dépend du chef du département infirmier… »
– « l’équipe d’hygiène hospitalière se compose : – d’un ou plusieurs médecin(s) – hygiéniste(s) hospitalier(s) ; – et d’un ou plusieurs infirmier(s) – hygiéniste(s) hospitalier(s). »

Opérationnellement, « l’équipe d’hygiène hospitalière exécute les tâches suivantes :
– le développement, la mise en oeuvre et le suivi, à travers l’hôpital, d’une stratégie relative : a) aux mesures de protection standard ayant pour objet de prévenir la transmission de germes infectieux; b) à l’isolement des patients infectés afin d’endiguer la transmission des maladies infectieuses; c) à la surveillance des infections nosocomiales à l’aide d’indicateurs permettant d’en suivre et d’en corriger l’incidence au sein de l’établissement;
– la mise sur pied d’une stratégie de lutte contre les épidémies;
– le suivi des aspects ayant trait à l’hygiène dans le cadre d’activités hospitalières telles que : a) la construction ou la transformation; b) les activités au quartier opératoire ou en salle d’accouchements; c) l’achat de matériels;
– la mise en oeuvre des directives et recommandations rédigées par des organismes officiels tels que le Conseil supérieur de la Santé;
– l’échange avec d’autres établissements d’informations et de l’expérience acquise… »

1 Arrêté royal modifiant l’arrêté royal du 23 octobre 1964 portant fixation des normes auxquelles les hôpitaux et leurs services doivent répondre, article 1er,point 9 bis

De plus, l’ EOHH est activement impliquée dans la formation en hygiène hospitalière du personnel soignant, comme renseigné dans les Indicateurs Qualité en Hygiène hospitalière définis par Sciensano en 2011 (cf. infra, point 3.6).

Formation en hygiène hospitalière dans l’hôpital

En comparaison, le cadre légal qui régit les activités de la Cellule Qualité et Sécurité est plus récent. Ses activités ont été initialement définies  par le SPF Santé Publique via les Programmes Qualités et Sécurités pluriannuels (2007-2012 ; 2013-2017 ; 2018-2022) et par des actions telles que le P4P (Pay for Performance),
Récemment, le cadre légal a été renforcé notamment via la Loi relative à la qualité de la pratique des soins de santé du 22 avril 20192, qui a pour but d’améliorer la qualité des soins en asseyant un socle de critères qualité aux prestataires de soins. De plus, un arrêté du collège réuni de la Commission Communautaire Commune fixant les normes que les hôpitaux doivent respecter, datant du 5 mai 2023 l décrit de manière concrète les objectifs qualités à atteindre dans les hôpitaux et « …plus particulièrement celles permettant :
– d’améliorer le lien entre l’hôpital et la première ligne de soins ;
– d’utiliser les réseaux hospitaliers pour une meilleure adéquation de l’offre ;
– de développer la prise en charge et le suivi en dehors de l’hôpital ;
– d’améliorer l’accessibilité aux structures de prise en charge en santé mentale ;
– d’intégrer dans les conditions d’agrément l’amélioration continue de la qualité et l’implication du patient ;
– de développer des plans de qualité et de sécurité sectoriels. »

Tous ces objectifs sont opérationnalisés par la mise en œuvre d’indicateurs qualités.
L’ensemble de ces mesures contribue à renforcer le cadre légal de la CQS et à en faire un acteur incontournable au sein de l’hôpital.

2  Loi relative à la qualité de la pratique des soins de santé du 22 avril 2019, publiée le 14 mai 2019.
https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article_body(…)

En conclusion, l’EOHH et la CQS ont comme but commun d’assurer des soins de qualité et en toute sécurité au patient. Leur travail quotidien est basé sur la recherche et la correction des erreurs de sécurité ainsi que sur la surveillance et la mise en œuvre d’actions d’amélioration continue.  Suite au tsunami Covid, il est devenu évident que des changements et adaptations de méthodologie d’apprentissage et d’amélioration étaient indispensables au sein de l’institution, sous forme participative et non plus seulement directive. Ceci a été matérialisé en 2022, par la création d’un projet commun à l’ EOHH et à la CQS, intitulé «la chambre des erreurs ».

2. La Chambre des erreurs

Le concept de la chambre des erreurs

La Chambre des erreurs n’est pas nouvelle dans le milieu de la santé.
En effet il s’agit d’une méthode d’apprentissage permettant d’initier les soignants aux thèmes qualité et sécurité de leur métier en utilisant la pédagogie par l’erreur, dans un contexte ludique et déculpabilisant. Les caractéristiques de cette méthode sont les suivantes : simple, innovante, fiable, ludique et réutilisable, évolutive et aussi peu coûteuse.

Le concept est simple; dans un environnement de soins reconstitué tel qu’une chambre de patient, une pharmacie, un cabinet médical, un bloc opératoire, etc…., on introduit volontairement des erreurs en nombre limité (8 à 10 maximum). Ces erreurs, mono- ou pluri-thématiques (identito-vigilance (IDV), PCI, médicament) doivent être identifiées par le(s) professionnel(s) de santé lors de leur passage dans la
« chambre des erreurs ».

Revue de la littérature

Une revue de la littérature des 10 dernières années, montre l’application de la chambre des erreurs dans différents secteurs hospitaliers. Une thématique récurrente est  la prescription des médicaments dans la pharmacie ( Garnier, 2023 ; Ayed, 2024) , ou en unité d’hospitalisation (Daupin,2016 ;
Joret-Descout, 2015 ). Le quartier opératoire a aussi servi de de sujet à la chambre des erreurs (Turrentine,2020).

L’historique de la chambre des erreurs au CHU Brugmann

Cette initiative n’est pas nouvelle au CHU Brugmann.
En effet, dès 2016, un projet Chambre des erreurs, centré sur la Qualité et la Sécurité des soins au patient, avait été créée par la CQS pour la direction infirmière et paramédicale. Bien que jugé positif, ce projet n’avait plus été réitéré, principalement parce qu’il nécessitait une organisation et une implication importante en ressources humaines.

L’idée de recréer une chambre des erreur communes aux 2 entités (EOHH et CQS) a vu le jour en décembre 2022. Celle-ci s’est concrétisée par l’élaboration d’un projet, présenté et validé au Comité d’Hygiène Hospitalière en janvier 2023.

Description du projet « Chambre des erreurs 2023 »

Objectifs
1) Rendre le personnel autonome afin de donner des soins de qualité en toute sécurité pour patient
2) Sensibiliser à l’hygiène Hospitalière et à la qualité et sécurité des soins
3) Développer la culture de la qualité et de la sécurité du patient
4) Apprendre à travailler en équipe et à partager l’expérience
5) Appliquer l’amélioration continue des connaissances en matière de qualité et de sécurité (mise en application du cycle PDCA)
6) Promouvoir la synergie des rôles des cellules qualité de soins et l’hygiène hospitalière en terme de qualité et sécurité des soins du patient
7) Faire partie intégrante de la cellule formation de l’hôpital.

Screenshot

Le périmètre du projet
Ce projet permettait l’intégration des processus liés à la qualité et la sécurité des soins ainsi que le prévention des infections liées aux soins.

La méthodologie de la chambre des erreurs au CHU Brugmann.
– La cible :
En priorité les infirmiers référents en hygiène hospitalière et les médecins post-gradués travaillant en unité de soins en chirurgie et en médecine. Les référents sont en moyenne au nombre de 50, de même que les médecins post-gradués.

– Définition des thématiques
Quatre sujets en lien avec l’ hygiène hospitalière ont été retenus :
o les sondes urinaires ;
o les cathéters périphériques et centraux ainsi que les perfusions ;
o les précautions standard ;
o les précautions additionnelles.

Les sujets liés à la Cellule Qualité et Sécurité  étaient aussi au nombre de 4 :
o l’identitovigilance (IDV) ;
o l’utilisation des médicaments à haut risque (High Risk Médications ; HRM) ;
o le confort et la dignité du patient ;
o la prévention des chutes et des escarres.

– Définition du matériel pédagogique
Neuf scénarios ont été créés, à partir d’ histoires cliniques classiques rencontrées à l’hôpital. Des erreurs d’hygiène hospitalière et de qualité y ont été intégrées, issues des audits en hygiène hospitalière réalisés par l’EOHH ou par la notification d’évènements indésirables à la CQS. Des dossiers médicaux factices ont été créés en imitant au mieux ceux du terrain. Pour chaque dossier médical une liste d’erreurs a été identifiée, avec l’explication et la résolution de celles-ci.

– Définition du matériel et de la logistique
Une liste du matériel par scénario a été définie et envoyée au service achat de l’hôpital. Un maximum de matériel périmé a été demandé. Les frais ont été divisés entre les 2 unités.
Bien que le souhait initial était d’avoir un « faux-vrai patient », un mannequin de réanimation a été emprunté au service des urgences de l’hôpital.
Une chambre libre a été utilisée au sein des 3 sites. Celle-ci était identifiée une semaine avant, en fonction des places disponibles dans le site choisi (en général chambre à rafraichir ou unité de soins temporairement fermée).

– Questionnaire de satisfaction
Un questionnaire de satisfaction a été créé.

– Avant-première
Une avant-première, a été réalisée en mai 2023, permettant aux directeurs  médicaux, infirmiers et quelques infirmiers chefs de service de « jouer » et de pouvoir comprendre la méthodologie. Celle-ci a duré quelques heures et a été vécue de manière très positive par les participants.

– Organisation des sessions
Initialement deux sessions, espacées d’un mois, étaient prévues sur chaque site de l’hôpital. Cependant, compte tenu de la complexité d’organisation de ce projet (le CHU Brugmann, étant composé de 3 sites), il a finalement été décidé de ne faire qu’une session par site. Chaque session était organisée sur une semaine (du lundi au vendredi), afin de cibler le maximum de soignants. Chaque infirmier chef de service préparait une liste de passage du personnel des unités dont il était responsable.

Deux organisations différentes ont été choisies entre la première et la deuxième édition de la Chambre des Erreurs.
La première édition , en 2023 a débuté en mai et s’est terminée en octobre (5 mois). Elle a débuté du 22 au 26 mai sur le site Reine-Astrid, suivi par le site Horta du 12 au 16 juin. Elle s’est clôturée en octobre 2023 par le site de Brien.
La seconde édition, en  2024 a été concentrée sur 1 mois (du 27 mai au 28 juin).  L’organisation était la suivante : du 27 au 31 mai à Brien, du 3 au 7 juin à Reine- Astrid et du 24 au 28 juin à Horta .

Résultats de la chambre des erreurs

Nombre et profil des participants

Enquête de satisfaction

Le nombre de participants a légèrement augmenté entre les 2 années ( 250 participants versus 268 ) mais le taux de réponse a quasi doublé.
Bien qu’on note un score moyen de satisfaction (Q4) qui diminue légèrement (8,5 en 2024 vs 9 en 2023), le taux  de remplissage plus élevé des questionnaires met en évidence une implication plus importante des participants, comme le montre la présence de critiques  constructive (Q6 et Q7).

Les points positifs :
Méthodologie adaptée au terrain: cette méthode pédagogique est ludique et permet un apprentissage sans stress et avec le sourire. Savoir que la chambre des erreurs a été faite à partir des audits ou des EI (évènement indésirable) a fait comprendre au terrain, l’utilité de ces outils.
La rencontre entre différents soignants : le petit nombre de participants par groupe a permis une rencontre avec « l’autre » et parfois une mise en avant d’autres professionnels que du personnel infirmier.
La visibilité des équipes support : le terrain a rencontré les différents membres des équipes de l’ EOHH et de la CQS et a permis pour certains de mettre une « tête sur un nom ».

Les points négatifs :
La nécessité de « laisser du temps » d’apprentissage : initialement prévue toutes les 30 minutes, il est devenu évident que ce temps devait être augmenté à 45 min afin de laisser plus de temps pour corriger et faire un feed-back suffisant aux participants.
La difficulté de proposer un projet généraliste et le besoin de pédagogie « à la carte » : dès 2024, différentes spécialités ont demandé à avoir leur propre « chambre des erreurs », répondant aux spécificités de leur service (p.ex. : USI, obstétrique …)

2.1. Bilan de la chambre des erreurs

En utilisant la matrice SEPO (Succès, Echecs, Potentialité et Obstacle), nous avons pu analyser les différentes parties du projet.

Les points positifs :
L’union des forces : ce projet n’aurait pu être mis en application par l’EOHH ou la CQS, isolément. En effet, il a demandé beaucoup de temps et un investissement considérable, rendant l’organisation très lourde à gérer par une seule équipe.
Une chambre des erreurs spécifique des unités :
Faisant suite au souhait de chambre des erreurs spécifique des unités exprimé par le terrain, il a été proposé à ce dernier de créer leurs propres scénarios. Une suggestion formulée était d’utiliser les infirmiers référents en hygiène hospitalière afin de les aider à assoir leur rôle au sein des unités.
De plus, le personnel travaillant spécifiquement la nuit, a demandé à avoir un atelier adapté à leur horaire (prévu en 2025).
Une chambre des erreurs permanente : le CHU Brugmann accueille sur son site, l’école infirmière Francisco Ferrer, et il serait possible de créer en son sein une chambre permanente, susceptible d’être adaptée en fonction des scénarios retenus.
Dans cette dernière formule, on parlerait plutôt alors d’une chambre de simulation.
Son inconvénient majeur serait que la formation ne se déroulerait plus sur le site de travail habituel du personnel avec comme corollaire la nécessité que les participants doivent se déplacer pour venir à la formation. Une telle organisation paraît plus compliquée et risquerait d’entraîner une diminution du taux de participation.
L’intégration de la Chambre des erreurs à la cellule formation, qui permettrait de valoriser professionnellement la participation à celle-ci.
La création de la chambre des erreurs HH-CQS à la plateforme de e-learning Iris Academy
Trois scénarios ont été identifiés par l’équipe mixte HH et CQS afin de les intégrer à Iris Academy. Celle-ci pourrait se faire fin 2025.

Les points négatifs :
La difficulté d’organisation de projet dans un hôpital multi-sites: le facteur logistique, le  temps de déplacement et le déménagement du matériel ont été mis en évidence. Ces différents éléments doivent être pris en considération lors de l’élaboration du projet.
La difficulté de proposer des projets multidisciplinaires (médecin-infirmier): ceci est dû principalement aux horaires de travail différents des uns et des autres. Les soignants appartenant au DDIP (direction du département infirmier et paramédical) sont plus disponibles durant la pause de midi ou en fin de service vers 15h. Pour les médecins, l’heure de midi semble plus favorable. Cela a conduit à préférer l’horaire 10h-15h.
Les changements inopinés des horaires du personnel ont aussi posé problème. La participation différée de certains membres a entraîné la constitution de groupes trop grands, en particulier sur un site.

La diffusion de l’information a été jugée insuffisante par certains et nécessitera d’inclure le service de communication dans le futur.

Tableau SEPO 3.

Conclusion

L’hygiène hospitalière et de la Qualité et Sécurité des soins ont mis en commun leurs connaissances et expériences pour élaborer le projet commun de la chambre des erreurs. Cette synergie s’est avérée très positive.
Ce projet qui n’a bénéficié d’aucun soutien financier, a été réalisé avec la bonne volonté de tous et les moyens du bord. Parmi les points positifs enregistrés suite à l’initiation de ce projet, on note :
-L’intégration du médecin de la cellule qualité au comité d’ HH ;
-L’intégration de l’infirmier chef de service PCI dans le Comité de Retour d’ Expérience (CREX) ;
-Une meilleure connaissance du fonctionnement mutuel qui favorise l’échange et le partage d’outils d’enregistrement, tels que: 
o L’utilisation par l’EOHH des outils d’audit de la CQS (audit avec tablette) ;
o L’utilisation par la CQS des outils de suivi des précautions additionnelles de l’EOHH pour le suivi des précautions spéciales en médecine nucléaire ;
o L’intégration des indicateurs HH au tableau de bord Qualité.

Conscients de ce que la rédaction de cet article n’apporte que peu de contribution à la science, notre retour positif d’expérience  met en évidence que des moyens modestes, de la bonne volonté et de l’ingéniosité peuvent améliorer significativement la qualité et la sécurité des soins. 

 

4. Annexe : questionnaire de satisfaction

5. Références

1) Arrêté royal modifiant l’arrêté royal du 23 octobre 1964 portant fixation des normes auxquelles les hôpitaux et leurs services doivent répondre, article 1er,point 9 bis
https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article_body(…)

2) Loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient
https://loi_du_22_aout_2002_relative_aux_droits_du_patient.pdf
Loi modifiant la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient et modifiant les dispositions en matière de droits du patient dans d’autres lois en matière de santé
https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article_body(…)

3) Loi relative à la qualité de la pratique des soins de santé du 22 avril 2019, publiée le 14 mai 2019.
https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article_body(…)

4)Arrêté De La Commission Communautaire Commune du 25 mai 2023 publié le 04 août 2023  https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article_body(…)

5) Garnier, Alexandra. A room of errors simulation to improve pharmacy operators’ knowledge of cytotoxic drug production. J Oncol Pharm Pract. 2023 Dec;29(8):1868-1877. DOI 10.1177

6) Ayed, Amal. Une chambre des erreurs comme moyen d’apprentissage dans une faculté de pharmacie. Can J Hosp Pharm. 2024 Jan 10;77(1):e3436. DOI: 10.4212/cjhp.3436

7) Daupin, Johanne. Medication errors room: a simulation to assess the medical, nursing and pharmacy staffs’ ability to identify errors related to the medication-use system. J Eval Clin Pract. 2016 Dec;22(6):907-916.DOI: 10.1111/jep.12558. 

8) Turrentine, Florence.Enhancing Medical Students’ Interprofessional Teamwork Through Simulated Room of Errors Experience. J Surg Res . 2020 Jul:251:137-145.
DOI: 10.1016/j.jss.2020.02.001.

9) Joret-Descout,P.  A training medication errors room: simulate to better train health professionals J Pharm Belg. 2015 Jun:(2):10-9. PMID: 26466505

Cas clinique : les bons réflexes en hygiène hospitalière

Situation d’appel

Un médecin des soins intensifs appelle le médecin hygiéniste pour le prévenir qu’il faudrait instaurer des mesures d’isolement chez une patiente qu’il vient d’accueillir dans son service pour un choc toxi-infectieux.  La patiente, Mme L., est venue voir son mari la veille dans sa chambre d’hôpital. Celui-ci était hospitalisé en chambre commune pour érysipèle évoluant rapidement en cellulite avec épidermolyse bulleuse suite à une plaie survenue aux abords d’une piscine dans un gîte ardennais une semaine avant. Mr L. était sous antibiotiques depuis + de 36h. Sa plaie suintait abondamment et, malgré un large pansement, du liquide séreux s’écoulait sur le sol lors de ses nombreux déplacements. Mme L. s’est cognée dans sa chambre et a développé une petite plaie au niveau de la partie antérieure et latérale la cheville gauche. La plaie a été de suite désinfectée par les infirmières. Le soir, un érythème apparaît autour de la plaie pourtant à nouveau désinfectée et la nuit, la patiente présente de la température. Le lendemain, elle se présente aux urgences. Sa fréquence respiratoire se majore, la tension artérielle chute et la fréquence cardiaque s’accélère. La patiente entre en choc toxi-infectieux et est admise aux soins intensifs.

Mesures immédiates

Suspectant une maladie infectieuse transmissible, des mesures immédiates sont prises. La patiente est mise en isolement contact-gouttelettes aux soins intensifs et son mari est également mis en isolement dans son unité conventionnelle. Le risque est évalué pour une transmission éventuelle à son voisin de chambre. Ce dernier, hospitalisé pour la neurologie, était tout le temps alité, à + de 1m50 et il n’y avait eu aucun contact direct ni indirect entre les deux patients. Les infirmières ont appliqué les précautions générales avec soin vu le contexte infectieux de Mr L.

Hypothèses 

Lors de la discussion entre l’intensiviste, l’interniste et le médecin hygiéniste, plusieurs hypothèses sont émises. La première est que la piscine du gîte pouvait être contaminée par du Pseudomonas. La clinique, particulièrement rapide, laisse suspecter un autre germe mais les frottis de plaie et les hémocultures de Mme L. restent négatives. On constate chez Mme une éruption « en coup de soleil » de type scarlatiniforme, la seconde hypothèse se vérifiera. 

Enquête familiale

Avant le week-end en famille dans le gîte, une petite-fille des patients terminait une angine de + de 5 jours, non traitée par antibiotique malgré l’indication posée par le médecin de famille, selon la volonté des parents. Peu après le week-end, une autre petite-fille a développé une scarlatine.

La 2ème hypothèse est retenue pour guider la prise en charge. Les lésions de Mme L. s’aggravent en fasciite nécrosante. Mme et Mr. L sont pris au bloc opératoire le soir-même pour débridement chirurgical d’urgence.

Le streptocoque β hémolytique du groupe A (SGA) ou Streptococcus pyogenes

Le Streptococcus pyogenes est un coque Gram positif dont le réservoir est essentiellement humain, le portage est cutané ou pharyngé. Cette bactérie, appelée aussi « bactérie mangeuse de chair » peut survivre des mois sur une surface sèche.

La transmission interhumaine se fait par microgouttelettes, ou par contact au niveau d’une plaie ou d’une lésion de muqueuse. La transmission indirecte est possible via des surfaces ou objets contaminés.

L’incubation varie de 24-72h à 10 jours. La période de contagiosité commence 7 jours avant l’infection jusqu’à 21 jours après, sans antibiotique, et est réduite à 24-48h sous traitement antibiotique adéquat.   

Les infections non-invasives à streptocoques β hémolytique du groupe A sont la pharyngite, la scarlatine, l’impetigo. Les infections invasives (iGAS pour invasive Group A streptococcal disease), à déclaration obligatoire, sont : la fasciite nécrosante, la fièvre puerpérale, la méningite, la pneumonie et le SCTS : syndrome de choc toxique streptococcique dont le taux de mortalité est de +/- 50%.

Le diagnostic, outre la clinique, repose sur la microbiologie : isolement bactériologique de SGA dans un site habituellement stérile ou bien dans un site habituellement non-stérile mais alors associé aux formes cliniques invasives décrites.
Dans le cas clinique, les hémocultures et le frottis de plaie de Mme L. ont mis le SGA en évidence, ainsi que les prélèvements réalisés au bloc opératoire. Chez Mr L., aucun des prélèvements préopératoires (frottis de plaie, hémocultures) n’est revenu positif.

Facteurs de risque de maladie invasive

Le risque de développer une forme invasive d’infection à SGA est lié à trois catégories de facteurs liés à l’hôte, à l’environnement et surtout à la virulence même du SGA impliqué.

Facteurs liés à l’hôte

Bien que l’iGAS touche souvent des personnes en bonne santé, des facteurs de risque prédisposent à une infection invasive :

– L’âge supérieur à 65 ans ou < 5 ans
– Des lésions cutanées préexistantes
– Des maladies chroniques évolutives telles que le diabète, un cancer, une hémopathie, l’insuffisance cardiaque
– Un traitement immunosuppresseur

Dans la situation clinique, Mr L. n’avait aucun facteur prédisposant. Son épouse avait une BPCO et un antécédent de néoplasie mammaire.

Facteurs liés à l’environnement

Les facteurs environnementaux sont liés à l’épidémiologie, la saison et surtout l’exposition par contact à haut risque avec le cas index

– Épidémiologie du pays où le patient a contracté l’infection
– Épidémiologie locale liée à une collectivité en particulier
– Le contact étroit avec une personne malade ou porteur sain vivant sous le même toit
– La saison : fin de l’hiver au début du printemps

Facteurs liés à la virulence du SGA

Il y a une évidence dans la littérature (Rohde, 2022) que les SGA, notamment par des adhésines et invasines, peuvent survivre à l’intérieur des cellules humaines, ce qui rend imprévisible la réponse au traitement antibiotique et aux défenses immunitaires de l’hôte. D’importantes charges bactériennes ont été observées dans les tissus enflammés, même après un traitement antibiotique intraveineux prolongé.

Des souches de SGA sont capables de former des biofilms, in vitro et in vivo. « Cette observation soutient la théorie selon laquelle les SGA ont un sanctuaire intracellulaire où ils persistent et se cachent de l’éradication par le traitement antibiotique et les mécanismes de défense de l’hôte. » (Coley et al.,2003, comme cité par Ferretti et al. 2022). 

Parmi les mécanismes particuliers de virulence du SGA, la présence de protéine F1 favorise la pénétration du SGA à l’intérieur des cellules de l’hôte, la protéine M donne une forte adhésion de la bactérie à la surface des cellules et est impliquée dans la capacité à former un biofilm. La capsule d’acide hyaluronique donne une capacité de camouflage et d’adhérence particulière aux cellules épithéliales du pharynx et de la peau ainsi que de protection contre la phagocytose. Les streptolysines aident à l’invasion des tissus. Enfin, les superantigènes
« Spes », qui sont des exotoxines, peuvent causer une décharge cytokinique incontrôlable.

De l’importance d’un diagnostic précoce

Dans les cas d’infections cutanées invasives, et particulièrement dans ce cas précis de fasciite nécrosante, le débridement chirurgical précoce conditionne le pronostic. L’introduction de clindamycyne, qui a par ailleurs une très bonne pénétration tissulaire, a un effet antitoxine qui permet également la diminution de relargage des toxines.

Le rôle ici de l’interpellation de l’intensiviste dès l’admission à l’USI et de l’enquête familiale immédiate par l’équipe d’hygiène a permis une décision médicale partagée d’intervention chirurgicale dans les 12h après l’admission et Mme L., malgré un choc toxi-infectieux grave, a pu être sauvée.

Mesures de prévention

Les mesures d’hygiène hospitalière recommandées pour prévenir la  transmission du SGA sont la mise en place des précautions additionnelles de type gouttelettes jusqu’à 24h après le début d’une antibiothérapie efficace, et, si présence de plaies (et a fortiori de cellulite et de fasciite nécrosante), également de type contact.

Dans le cas clinique, il est fort probable qu’il y ait potentiellement eu une transmission indirecte via l’environnement contaminé par du liquide biologique, et ce, au-delà de 24h d’antibiothérapie. L’autre hypothèse est que Mme L. était porteuse du streptocoque au niveau cutané et s’est contaminée elle-même malgré une hygiène personnelle irréprochable et le souci de bien désinfecter sa plaie. Dans le doute et devant l’histoire clinique impressionnante de Mme L., les précautions additionnelles de type contact, comprenant un nettoyage-désinfection quotidien de la chambre, ont été maintenues chez les deux patients jusqu’à guérison clinique. Sans en être l’objectif, cette attitude a rassuré les équipes soignantes, impressionnées par l’évolution fulgurante de l’infection et par l’histoire familiale. Même sous une antibiothérapie bien conduite de 14 jours, Mr L. a présenté une récidive, dès le lendemain de l’arrêt de celle-ci, sous la forme d’un érythème autour d’une petite lésion un peu suintante. Un abcès a été diagnostiqué et a nécessité une nouvelle intervention. Cela a  également entraîné la mise en œuvre de précautions additionnelles à côté des précautions standard déjà appliquées.

Les infections profondes sous-cutanées, et plus spécifiquement celles dues au SGA, sont susceptibles de répondre plus tardivement au traitement antibiotique. Suite à la situation vécue et au vu des apports scientifiques décrits brièvement ci-dessus sur la virulence et la persistance du SGA dans les tissus, l’équipe d’hygiène de l’hôpital a choisi de renoncer dorénavant à la limite d’isolement de 24h après le début des antibiotiques et de déterminer au cas par cas la durée d’isolement sur base de critères davantage cliniques.

Pour la prévention post-exposition de l’entourage du patient, tous les membres de la famille contacts à haut risque lors du week-end familial ont bénéficié d’une antibioprophylaxie par les soins de la cellule de surveillance des maladies infectieuses de l’AViQ. Les parents de la petite-fille cas index de ce cluster familial ont accepté une antibiothérapie dont l’objectif était de prévenir le risque de survenue d’un syndrome post-streptococcique tel que le Rhumatisme Articulaire Aigu.
Pour les soignants en contact avec les patients avant la mise en place des précautions additionnelles, une information orale et écrite, soutenue par leurs responsables, leur a été donnée quant à la nécessité de surveillance accrue de toute apparition de fièvre, maux de gorge ou signes d’infection cutanée pendant 30 jours. Une infirmière des urgences a hésité néanmoins à réaliser un test pour un mal de gorge apparu quelques jours après le contact avec le patient et a fini par se laisser convaincre de faire un frottis de gorge suite à l’intervention du médecin hygiéniste. Le test est revenu positif pour le SGA et elle a bénéficié d’une antibiothérapie.

Le streptocoque β hémolytique du groupe A : un souci de santé publique
On pensait révolu le temps des RAA (rhumatismes articulaires aigus) et des valves cardiaques rongées du temps de nos grands-parents. On assiste malheureusement à une réémergence. Les pays défavorisés ont plus de RHD (Rheumatic heart disease) qu’avant mais il y a également une augmentation parmi la classe moyenne aux USA et des outbreaks sont rapportés en Chine, à Hong Kong, en Corée du Sud, à Singapour et au Royaume-Uni. La scarlatine augmente en Angleterre, avec des cas secondaires familiaux.  L’incidence des iGAS, d’après Sciensano, est de 2 à 4 cas/100 000 habitants dans des pays développés, mais au Canada, elle est passée de 2,8/100,000 hab en 2000 à 8,1 en 2019 et, aux USA, de 4/100,000 en 2010 à 7,6 en 2019. L’OMS appelle également à la vigilance des pays européens devant la recrudescence des cas parmi les enfants.

En Belgique, il y a de plus en plus d’infections invasives mortelles. Le SGA devient plus virulent et des résistances aux antibiotiques apparaissent (clindamycine, érythromycine et pénicillines). Un RAG du 17/01/2023 alerte sur l’augmentation du nombre d’infections invasives à Streptocoques β hémolytiques du groupe A (iGAS) à partir de fin 2022. Le rapport de Sciensano de surveillance épidémiologique des infections invasives causées par les streptocoques du groupe A S. pyogenes – 2017 à 2023 est édifiant : « Toutes les sources de données (laboratoires vigies, Centre National de Référence et déclaration obligatoires) indiquent les mêmes tendances générales : la fréquence de l’iGAS a été faible pendant les années pandémiques 2020-2021 et a fortement augmenté à partir de la fin de 2022, avec des chiffres très élevés en 2023. »

Une publication belge dans Eurosurveillance (Rodriguez-Ruiz, 2023) étudie l’émergence du Streptococcus Pyogenes emm1 groupe A encodant la protéine M1toxigénique M1UK  associée à une virulence plus grande et à davantage de septicémies.

Le rapport de l’AViQ surenchérit : « Les infections invasives à streptocoque du groupe A (IGAS) ont représenté une fraction importante (>30%) du total des MDO (maladies à déclaration obligatoire) en Wallonie de décembre 2022 à mai 2023. Au total, 249 cas (245 confirmés et 4 suspects) ont été enregistrés en 2023 (196 cas de plus qu’en 2022). »

Conclusions

Les infections invasives à SGA sont une réalité dans notre pays. Elles sont graves, d’une rapidité foudroyante et potentiellement mortelles. Il convient de continuer à sensibiliser les médecins et soignants de première et seconde lignes à la détection précoce des iGAS .et à l’instauration rapide de mesures visitant à limiter sa transmission secondaire dans l’entourage.

Cette situation met en valeur le rôle de l’équipe d’hygiène et l’importance de sa collaboration étroite avec les cliniciens dans l’analyse de transmission de pathogènes et la mise en place rapide de précautions additionnelles et d’enquête des cas contacts. Elle souligne également le rôle fondamental de l’environnement dans la transmission des agents infectieux.

Enfin, l’analyse questionne quelque peu la pertinence de recommandations de durée d’isolement qui se limitent à des notions temporelles théoriques et motive à généraliser la recommandation héritée du Covid d’ajouter à la notion de jours celle de « nette amélioration clinique ».     

Bibliographie

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Prise en charge des infections urinaires dans les maisons de repos et de soins en Belgique : conseils pratiques basés sur deux études

En bref

Les infections urinaires sont l’une des causes d’infection les plus fréquentes dans les maisons de repos et de soins en Belgique. Leur diagnostic et leur traitement nécessitent une approche différente dans cette population âgée que dans la pratique ambulatoire.

Résumé

Des études internationales font état d’une forte prévalence de la bactériurie asymptomatique, des infections urinaires et de l’utilisation d’antimicrobiens pour la prévention et le traitement de ces infections chez les résidents de maisons de retraite. La résistance aux agents antimicrobiens augmente dans ce contexte, ce qui expose les résidents à un risque accru de développer des infections dues à des bactéries résistantes aux antibiotiques.

Deux études menées dans le cadre d’un doctorat à la KU Leuven ont permis de confirmer ces résultats concernant la prévalence des infections urinaires, l’utilisation d’antimicrobiens et la résistance dans un contexte belge. En outre, cette étude a permis de mieux comprendre le diagnostic clinique et les politiques en matière d’infections urinaires dans les centres de soins résidentiels en Belgique. L’une des principales conclusions est que le diagnostic et le traitement des infections urinaires chez les femmes âgées sont complètement différents de l’approche adoptée chez les femmes préménopausées. Dans les centres de soins résidentiels, cette constatation nécessiterait un changement profond de la pratique, car les recommandations pour les soins primaires sont souvent extrapolées de manière quelque peu unilatérale à ce contexte.

Cet article présente les principaux résultats de la recherche doctorale mentionnée, ainsi que quelques conseils pratiques basés sur deux études.

Introduction

Tant au niveau international qu’en Belgique, les infections urinaires (IUs) et l’utilisation (peu judicieuse) de médicaments antimicrobiens pour la prévention et le traitement de ces infections chez les résidents des maisons de repos et de soins (MRS) font l’objet d’une attention croissante. La prévalence élevée de la bactériurie asymptomatique (présence de bactéries dans les urines sans symptômes) dans cette population, à savoir 40 %, a été démontrée par Biggel et al en 2017.(1) Dans cette étude belge, les résidentes les plus vulnérables (« fragiles «) souffrant d’incontinence urinaire et de démence présentaient un taux de bactériurie asymptomatique très élevé (jusqu’à 80%) et étaient souvent colonisées pendant de longues périodes.(2-4)

Les résidents des MRS courent un risque accru de développer une colonisation ou une infection par des bactéries résistantes aux antibiotiques pour les raisons suivantes : utilisation intensive et/ou répétée de médicaments antimicrobiens, et risque accru de transmission en raison des contacts de soins entre le personnel et les résidents, des contacts étroits entre les résidents et des déplacements fréquents entre le MRS et l’hôpital.(5) Des études (inter)nationales font état d’une augmentation de la prévalence des bactéries Gram-négatives résistantes chez les résidents des MRS.(6) Ce groupe de bactéries comprend les principaux agents pathogènes responsables des cystites et pyélonéphrites non compliquées, comme Escherichia coli et Klebsiella pneumoniae. Le portage de ces organismes souvent multirésistants n’est pas dangereux en soi, mais les options thérapeutiques sont limitées lorsque ces bactéries sont à l’origine d’infections, telles que les infections urinaires.

Ces résultats ont donné lieu à une thèse de doctorat intitulée «Urinary tract infections in nursing home residents : Understanding the epidemiology and the clinical diagnosis and management», dans le but de mieux comprendre l’épidémiologie, d’une part, et le diagnostic clinique et la prise en charge des infections urinaires chez les résidents des MSR (belges), d’autre part.(7) Cet article se concentre sur deux études dans le cadre de la recherche doctorale : une étude épidémiologique et une étude diagnostique. Ces deux études sont expliquées dans cette publication car elles conduisent le plus à des conseils orientés vers la pratique.

Les questions de recherche de ces études étaient les   suivantes :
Pour l’étude épidémiologique : quelle est la prévalence des infections associées aux soins et l’utilisation des antibiotiques dans les MSR belges ?
Quellle est la part de contribution des IUs ?(8)

Pour l’étude diagnostique : quelle est la valeur des symptômes et de la bandelette urinaire dans le diagnostic d’une infection urinaire ? Quelle est la valeur ajoutée de la protéine C-réactive (CRP) dans ce diagnostic ?(9)

Méthodes

Étude épidémiologique

Les données sur l’occurrence des IUs dans les MRS belges ont été obtenues à partir de résultats des études de prévalence ponctuelle HALT («Healthcare-associated infections and Antimicrobial use in European Long-Term care facilities»).(8,10) Ces études visaient à quantifier la fréquence des infections associées aux soins (c’est-à-dire les infections contractées au moins 48 heures après la (ré)admission dans l’établissement) et l’utilisation d’antimicrobiens systémiques au cours d’une seule journée aléatoire dans les établissements de soins chroniques européens, tels que les maisons de repos et de soins (MRS) pour personnes âgées. À ce jour, trois études européennes ont eu lieu : HALT en 2010, HALT-2 en 2013 et HALT-3 en 2016. À chaque fois, tous les MRS belges ont été invités à participer. Le personnel des MRS (par exemple, le médecin consultant coordinateur, l’infirmière (en chef) et/ou le coordinateur de la qualité) a mené l’étude en une seule journée. Des informations détaillées sur la méthodologie de l’étude sont disponibles ailleurs.(8) Lors de la collecte des données, les investigateurs locaux ont dû appliquer des définitions d’infection modifiées provenant des Centers for Disease Control and Prevention (CDC) et de la Society for Healthcare Epidemiology of America (SHEA). La définition utilisée pour une infection urinaire est présentée à la figure 1. À cette définition, un niveau d’infection «probable» a été ajouté pour les résidents présentant des signes/symptômes d’infection urinaire sans confirmation microbiologique, soit parce qu’aucune culture d’urine n’avait été effectuée, soit parce que le résultat était négatif ou non disponible dans la MRS.

Étude diagnostique

Au cours de l’étude diagnostique, pendant trois mois, le personnel des 11 MRS participants a été invité à remplir un questionnaire et à effectuer des tests diagnostiques pour chaque infection urinaire présumée.(9) Le personnel du MRS devait cocher tous les signes/symptômes indiquant une infection urinaire dans un questionnaire avant de procéder aux tests de diagnostic. En premier lieu, un échantillon d’urine devait être prélevé avant de commencer à administrer des antibiotiques. Immédiatement après le prélèvement de cet échantillon, une bandelette urinaire (Combur2 Test® LN ; Roche Diagnostics, Suisse) était immergée dans l’urine. L’échantillon d’urine devait ensuite être envoyé à l’un des deux laboratoires de microbiologie participant à cette étude. Immédiatement avant ou après la collecte d’urine, la CRP au point de service a été réalisée au sein de la MRS. Il s’agissait de pipeter une goutte de sang dans le capillaire des cartouches de test CRP et de l’analyser à l’aide de l’analyseur Afinion AS100 (Abbott, anciennement Alere Health).

Des informations détaillées sur la méthodologie de recherche sont disponibles ailleurs.(9) Dans cette étude, une infection urinaire suspectée a été définie comme tout signe ou symptôme ayant amené un médecin, une infirmière (en chef), une aide-soignante ou une autre personne (par exemple le résident lui-même) à suspecter une infection urinaire. Les infections urinaires ont été confirmées conformément à la définition de surveillance décrite dans Stone et al, c’est-à-dire la présence d’un nombre minimum de signes/symptômes et d’une culture d’urine positive, en tenant compte de la présence ou de l’absence d’une sonde à demeure (voir la définition dans la figure 1, mais sans tenir compte du niveau d’infection suspecté).

Sur la base des caractéristiques des tests (likelihood ratio) et des prévalences estimées, les tests et les symptômes ont été évalués pour leur caractère prédictif d’un résultat positif et négatif (diagrammes de Dumbbel, Microsof Excel 2016).

Résultats

Étude épidémiologique : taux de prévalence dans les maisons de repos belges en série

Au total, 107 (n=11911 résidents), 87 (n=8756 résidents) et 158 (n=16215 résidents) MRS ont participé à l’étude HALT, HALT-2 et HALT-3, respectivement.

Les infections urinaires constituent l’une des infections associées aux soins de santé les plus répandues.

Les études HALT ont montré qu’un jour donné, trois résidents du MRS sur 100 présentaient une infection associée aux soins de santé, c’est-à-dire une infection contractée par un résident au cours du processus de soins dans la MRS.(8) L’un de ces trois résidents avait une infection urinaire. Après les infections respiratoires, les infections urinaires sont les infections nosocomiales les plus fréquentes dans les MRS. La confirmation microbiologique du diagnostic, c’est-à-dire une culture d’urine positive en plus de symptômes suffisants, ne s’est produite que dans 58 % des infections urinaires signalées.

La moitié de l’utilisation des agents antimicrobiens est liée aux infections des voies urinaires
D’après les études HALT, l’utilisation de médicaments antimicrobiens systémiques semble augmenter lentement dans la MRS (prévalence médiane de 4,3 % en 2010 contre 5,0 % en 2016). (8)

Sur l’ensemble des traitements antimicrobiens administrés aux résidents des MRS étudiés, la moitié était liée à la prophylaxie ou au traitement d’IU. Dans les études HALT, plus de 75 % de l’utilisation prophylactique totale et environ 35 % de l’utilisation thérapeutique totale des médicaments antimicrobiens étaient liés aux IU (figure 2).

Dans ces études, près de la moitié des infections urinaires ont été traitées thérapeutiquement par un antibiotique de la classe des «autres médicaments antibactériens» (fosfomycine et nitrofurantoïne), suivie de la classe des quinolones. Le triméthoprime était rarement prescrit. La classe des «autres agents antibactériens» était également la plus fréquemment prescrite (>90%) pour la prévention des IUs. Le triméthoprime était peu prescrit comme uroprophylaxie.(8)

En outre, il a été constaté que la date de fin ou de révision du traitement de l’IU était généralement indiquée pour l’usage thérapeutique (>85%), mais qu’elle n’était connue que pour une minorité d’usages uroprophylactiques (<10%).(8,10)

Étude diagnostique : aperçu du diagnostic des infections urinaires dans les établissements de soins résidentiels

Onze MRS en Belgique, comptant au total 1 263 résidents, ont participé à l’étude diagnostique.

Dans cette étude, une infection urinaire présumée a été rapportée chez près d’un résident sur dix au cours de la période d’étude. Une confirmation de l’infection n’a cependant pu être établie que chez 12 % de ces cas suspects (n=16/137) (cf. définition d’une infection urinaire confirmée dans la figure 1). Alors qu’Escherichia coli prédomine dans une population de femmes préménopausées en bonne santé (80-90%), cette bactérie à Gram négatif reste toujours la cause la plus fréquente d’infection urinaire dans une population plus âgée, mais à des pourcentages inférieurs (60%).
Chez les patients âgés, d’autres bactéries à Gram-négatif telles que Proteus species (spp.), Klebsiella spp., Enterobacter spp. et Pseudomonas ou des bactéries à Gram-positif telles que Enterococcus spp. et Staphylococcus spp. ont été identifiées plus fréquemment. La proportion de germes responsables d’IU qui présentaient une résistance acquise à plusieurs classes d’antibiotiques s’élevait à 28%. (9)

Symptômes suggérant une infection des voies urinaires

Le symptôme qui faisait le plus souvent suspecter une infection urinaire était une «urine malodorante». Toutefois, ce symptôme, ainsi que le «changement de nature de l’urine», n’est pas évocateur en soi d’une infection urinaire dans cette population. En outre, des symptômes non spécifiques ou vagues ont été signalés plus souvent que des symptômes urinaires typiques, tels une douleur aiguë à la miction (‘dysurie’) ou l’augmentation de l’envie ou de la fréquence des mictions (pollakiurie). La fièvre n’a été rapportée que dans moins de 5 % des cas suspects.

Symptômes prédictifs des infections urinaires

Finalement, seuls deux symptômes réellement prédictifs d’une infection urinaire ont été trouvés dans l’étude diagnostique (figure 3). Les résidents qui présentaient une dysurie aiguë (douleurs à la miction) et une pubalgie aiguë (douleurs sus-pubiennes) étaient 10 à 15 fois plus susceptibles de souffrir d’une infection urinaire. La confusion en cas d’infection urinaire est encore très controversée. La confusion aiguë est souvent repris comme un symptôme évocateur faisant suspecter une infection urinaire. Toutefois, l’étude diagnostique prospective détaillée a révélé que les résidents qui présentaient une confusion aiguë étaient moins susceptibles de souffrir d’une infection urinaire. Il en va de même pour les urines malodorantes.

La valeur du test de la bandelette urinaire

Dans l’étude diagnostique, le test combiné de bandelette urinaire (nitrites et estérase leucocytaire) s’est avéré avoir une sensibilité et une spécificité de 94 % et 21 %, respectivement, par rapport à la combinaison des symptômes et d’une culture d’urine positive (cf. définition de l’infection urinaire confirmée, figure 1). Par conséquent, en raison de sa sensibilité élevée, la bandelette est utile pour exclure une infection urinaire lorsque le test est négatif, et ce tant pour les nitrites que pour l’estérase leucocytaire. Toutefois, en raison de sa faible spécificité, un test de bandelette urinaire positif est un mauvais indicateur diagnostic d’infection urinaire.

Recherche d’un biomarqueur

On a évalué la valeur du test au point de service (Point of Care test, POCT) de la protéine C-réactive (CRP), (associée ou non à des symptômes et/ou à une culture d’urine), pour le diagnostic d’infection urinaire chez les résidents âgés séjournant en MRS. Cependant, la sensibilité et la spécificité de l’analyse de la CRP, respectivement 60,0 % et 50,9 %, se sont avérés insuffisants. De plus, une valeur élevée de la CRP (>5 mg/L) n’a été retrouvée que dans à peine la moitié des cas d’infections urinaires suspectées. 

Discussion – conseils pour la pratique

Cette thèse de doctorat se limitait à l’environnement des maisons de soins résidentiels. Compte tenu des caractéristiques démographiques des résidents de MRS – le ratio hommes/femmes varie d’un pour quatre à un pour cinq – un plus grand nombre de résidentes ont été incluses dans cette étude. En outre, les infections urinaires non traitées rapportées dans cette étude sont supposées être des infections légères (par exemple, cystites), étant donné que les épisodes d’infection plus sévères tels que pyélonéphrites et sepsis à point de départ urinaire (urosepsis) sont moins fréquemment rencontrés dans le contexte des MRS et plus susceptibles de nécessiter une hospitalisation. Enfin, les sondes urinaires sont rares (3 % des résidents en 2016) dans les MRS belges et la présence de ce dispositif n’a pas été étudiée au cours des sept jours précédant le jour de l’étude.(8) Par conséquent, aucune distinction n’a pu être établie entre les IUs associés à un cathéter et celles non associées à un cathéter. Ceci implique que les résultats et les recommandations formulées concernent principalement les résidentes des MRS souffrant de cystite aiguë en général, et ne sont donc pas limitées ou axées sur la cystite associée aux cathéters.

Les réflexions suivantes ont été formulées à l’intention des prestataires de soins de santé pour personnes âgées résidant en MRS – en particulier les femmes présentant une infection des voies urinaires:

Diagnostic d’une infection urinaire présumée

Commencer par l’analyse et par l’interprétation des symptômes
L’étude diagnostique a montré que la présence d’une dysurie aiguë ou d’une douleur sus-pubienne aiguë sont les principaux symptômes pouvant mettre en évidence une infection urinaire (chez un résident du MRS sans sonde urinaire). (Figure 3)

Ne demander une culture microbiologique d’urine que lorsque cela est indiqué
Compte tenu de la prévalence élevée d’une bactériurie et d’une pyurie asymptomatique chez les personnes âgées, un diagnostic d’infection urinaire ne peut se baser uniquement sur un résultat de culture d’urine positif dans une population MRS.(1) Par conséquent, la présence de signes et de symptômes cliniques localisés est une condition préalable importante pour demander une culture d’urine.
En raison de la plus grande diversité de germes responsables d’infections urinaires et des taux de résistance plus élevés, nous recommandons d’effectuer une culture d’urine dans cette population.

Prélever un échantillon d’urine selon les règles de l’art
L’obtention d’un prélèvement microbiologique de qualité est essentielle pour garantir l’exactitude des résultats d’analyse et un bon diagnostic. Chez les personnes âgées le bon suivi des directives de prélèvement d’urine peut être compliqué à cause de limitations physiques ou cognitives ou par l’incontinence. La collecte, le stockage réfrigéré et le transport corrects d’un échantillon d’urine sont essentiels pour réduire les erreurs pré-analytiques et prévenir la contamination de la culture d’urine. Le personnel de MRS devrait être formé aux techniques appropriées à cette fin.
Si possible, prélever un échantillon d’urine propre par la technique à mi-jet (mid-stream) pour la culture. Effectuer un cathétérisme intermittent (technique in-and-out) en cas de forte suspicion d’infection urinaire et d’impossibilité de prélever un échantillon d’urine propre à mi-jet.

Absence de valeur ajoutée des tests de dépistage aux points de service (POCT)
Le recours aux bandelettes urinaires chez les résidents en MRS doit être découragé car les indications d’utilisation et l’interprétation des résultats sont souvent incorrects. La bandelette urinaire n’est utile que comme test d’exclusion d’une infection urinaire en cas de résultats négatifs pour les nitrites et pour l’estérase leucocytaire.

En outre, la CRP au point de service ne contribue guère au diagnostic de l’infection urinaire dans une population âgée de MRS.

Le tableau 1 résume les principales recommandations en matière de diagnostic.

Tableau 1 : Recommandations en matière de diagnostic des infections urinaires dans les établissements de soins résidentiels

CRP : protéine C-réactive

Traitement de l’infection urinaire

Abstention de traitement antibiotique pour les cas de bactériuries asymptomatiques
La prévalence de la bactériurie asymptomatique est élevée dans la population âgée de la MRS. Les études menées dans plusieurs populations, y compris les personnes âgées, ne font pas état d’avantages liés au traitement antimicrobien de la bactériurie asymptomatique. Cependant, l’utilisation d’un traitement antimicrobien dans la bactériurie asymptomatique contribuera à l’augmentation de la résistance aux antimicrobiens, à des coûts plus élevés et à un risque accru d’effets secondaires.(13)

Recommandations nationales pour le choix de la thérapie antimicrobienne
Il est important de suivre les recommandations nationales pour le traitement des infections urinaires afin d’optimiser au niveau individuel l’efficacité des traitements et le pronostic clinique des patients résidents et aussi en matière de santé publique pour réduire les risques liés à l’augmentation de la résistance aux antimicrobiens dans la société. Le guide BAPCOC pour la pratique ambulatoire et le formulaire de soins aux personnes âgées recommandent tous deux le triméthoprime oral (préparation magistrale ; 300 mg par jour en 1 dose pendant 3 jours chez les femmes) comme «traitement de premier choix» de la cystite chez les plus âgées et chez les patients souffrant d’insuffisance rénale. Le Formulaire de soins aux Personnes Agées déconseille également l’utilisation de la nitrofurantoïne et de la fosfomycine chez les personnes âgées. La nitrofurantoïne doit être évitée en raison de la possibilité d’effets secondaires graves (neuropathies périphérique, hépatite, fibrose pulmonaire, parfois d’étiologie immunoallergique) et d’un risque de toxicité plus élevé en cas d’insuffisance rénale. L’utilisation de la fosfomycine n’est pas recommandée en raison d’un manque de preuves dans une population âgée. Il est important de mentionner que les recommandations actuelles sont en cours de discussion et qu’elles feront l’objet de révisions dans les années à venir. La mise en œuvre des recommandations est importante mais semble difficile ; les études HALT ont montré des divergences considérables entre l’utilisation des antibiotiques dans la pratique courante et les recommandations nationales actuelles. (8)

Enregistrement systématique de la date de fin ou de révision de la thérapie antimicrobienne.

En cas d’administration d’un traitement antimicrobien, il est important de toujours noter une date de fin ou de révision dans le dossier médical et/ou infirmier du résident. Les études HALT ont montré que cette date de fin ou de révision manquait souvent, en particulier pour les traitements prophylactiques.

Mesures non pharmacologiques de prévention des infections urinaires
Il est préférable d’envisager des mesures non-pharmacologiques telles qu’un apport hydrique adéquat et une bonne hygiène personnelle avant d’entamer une uroprophylaxie médicamenteuse. En cas d’IU récurrentes (3 épisodes au cours des 12 derniers mois ou 2 épisodes au cours des 6 derniers mois), l’utilisation locale d’estriol a un effet prouvé chez les femmes et est sélectionnée comme premier choix dans les recommandations actuelles du formulaire de soins aux personnes agées. Il n’existe actuellement pas de preuves suffisantes quant à l’effet bénéfique de la canneberge, de la vitamine C et des probiotiques à base de lactobacillus pour la prévention des infections urinaires dans une population âgée.(14)

Le tableau 2 résume les principales recommandations thérapeutiques.

Tableau 2 : Recommandations thérapeutiques – infections urinaires dans les MRS

BAPCOC : Belgian Antibiotic Policy Coordination Committee

Perspectives

Il faudra à l’avenir trouver un moyen de distinguer la bactériurie asymptomatique des IUs. Ceci est particulièrement important pour les résidents souffrant de troubles cognitifs ou incapables de communiquer leurs symptômes, une sous-population importante dans le MRS qui ne peut certainement pas être ignorée.

Dans la thèse de doctorat discutée ici, la culture d’urine classique avec sa valeur seuil discutable de 105 unités de formation de colonies de bactéries par ml (cfu/ml) a été utilisée dans chaque cas. Des études complémentaires sont nécessaires sur la valeur ajoutée des nouvelles techniques de laboratoire (par exemple le test de réaction en chaîne par polymérase, la spectrométrie de masse au laser ou le séquençage de nouvelle génération) et des biomarqueurs dans le diagnostic de l’infection urinaire en général et plus particulièrement chez les patients âgés. Toutefois, le diagnostic de l’infection urinaire restera toujours basé sur une combinaison d’éléments incluant l’anamnèse, l’évaluation clinique et des analyses complémentaires (tests rapides effectués au chevet du patient (POCT) ou analyse en laboratoire).

Dans l’attente de nouvelles technologies de diagnostic et de biomarqueurs permettant d’améliorer la précision diagnostique d’une infection urinaire chez les personnes âgées, des stratégies à court terme sont nécessaires pour prévenir les infections urinaires non traitées et réduire l’utilisation inappropriée d’agents antimicrobiens. Ces stratégies devraient être axées non seulement sur l’amélioration du comportement des médecins en matière de prescription excessive, mais aussi sur celui des infirmières et leur évaluation des symptômes de l’infection urinaire aiguë. Les médecins consultants coordonnateurs jouent un rôle clé dans la mise en œuvre des programmes de gestion des antimicrobiens. La campagne «Infections urinaires dans les centres de soins résidentiels», lancée par le département des soins en décembre 2023, apporte un soutien à cet égard.(15) L’objectif principal de cette campagne est de réduire la prescription inutile d’antibiotiques dans les IUs et de faire des choix éclairés lors de la collecte d’échantillons d’urine.

Conclusion

Les infections urinaires non traitées chez les femmes âgées résidant dans les MRS nécessitent une approche diagnostique et thérapeutique bien distincte de celle préconisées chez les femmes pré-ménopausées, pour lesquelles les recommandations en matière de soins primaires s’appliquent. La bactériurie asymptomatique – fréquente dans les MRS – ne devrait pas être traitée, mais il est difficile de la distinguer des infections urinaires aiguës dans une sous-population de résidents des MRS souffrant de troubles cognitifs ou de problèmes de communication. La dysurie aiguë et la douleur sus-pubienne aiguë sont les principaux symptômes qui peuvent être suivis d’une culture d’urine à partir d’un échantillon recueilli selon les règles de bonne pratique (lege artis). La bandelette urinaire n’est utile que pour exclure une infection urinaire lorsque le résultat est négatif à la fois pour les nitrites et pour l’estérase leucocytaire.

En cas d’infection urinaire confirmée, des antibiotiques peuvent être administrés si nécessaire. Le guide national BAPCOC, qui fera l’objet d’une large révision en 2024-2025, résume les preuves scientifiques et soutient le prescripteur dans le choix du traitement. Lors de l’instauration d’un traitement, la date de fin ou de révision doit toujours être notée dans le dossier. Pour la prévention des infections urinaires, des mesures non pharmacologiques simples telles qu’une bonne hydratation et une bonne hygiène personnelle doivent être appliquées en première intention.

Communications

Conflit d’intérêts
Les auteurs ne mentionnent aucun conflit d’intérêt.

Soutien financier
Le doctorat du premier auteur, Indira Coenen, est financé par le Fonds Wetenschappelijk Onderzoek Vlaanderen (98649).

Responsabilité et droits d’auteur
Tous les auteurs déclarent accepter les règles imposées en matière de responsabilité et de droits d’auteur.

Références

1. Biggel M, Heytens S, Latour K, Bruyndonckx R, Goossens H, Moons P. Asymptomatic bacteriuria in older adults: The most fragile women are prone to long-term colonization. BMC Geriatr. 2019 Jun 21;19(1).

2. Ricchizzi E, Latour K, Kärki T, Buttazzi R, Jans B, Moro ML. Antimicrobial use in European long-term care facilities: results from the third point prevalence survey of healthcare-associated infections and antimicrobial use, 2016 to 2017. Eurosurveillance. 2018 Sep 21;23.

3. Nace DA, Drinka PJ, Crnich CJ. Clinical Uncertainties in the Approach to Long Term Care Residents With Possible Urinary Tract Infection. J Am Med Dir Assoc. 2014;15(2):133–9.

4. Ashraf MS, Gaur S, Bushen OY, Chopra T, Chung P, Clifford K, et al. Diagnosis, Treatment, and Prevention of Urinary Tract Infections in Post-Acute and Long-Term Care Settings: A Consensus Statement From AMDA’s Infection Advisory Subcommittee. J Am Med Dir Assoc. 2020 Jan 1;21(1):12-24.e2.

5. Nicolle LE, Strausbaugh LJ, Garibaldi RA. Infections and Antibiotic Resistance in Nursing Homes [Internet]. Vol. 9, CLINICAL MICROBIOLOGY REVIEWS. 1996. Available from: https://journals.asm.org/journal/cmr

6. Latour K, Huang TD, Jans B, Berhin C, Bogaerts P, Noel A, et al. Prevalence of multidrug-resistant organisms in nursing homes in Belgium in 2015. PLoS One. 2019 Mar 1;14(3).

7. Latour K. Urinary tract infections in nursing home residents Understanding the epidemiology and the clinical diagnosis and management DOCTORAL SCHOOL BIOMEDICAL SCIENCES. 2023 Sep.

8. Latour K, Catry B, Devleesschauwer B, Buntinx F, De Lepeleire J, Jans B. Healthcare-associated infections and antimicrobial use in Belgian nursing homes: results of three point prevalence surveys between 2010 and 2016. Archives of Public Health. 2022 Dec 1;80(1).

9. Latour K, De Lepeleire J, Catry B, Buntinx F. Nursing home residents with suspected urinary tract infections: a diagnostic accuracy study. BMC Geriatr. 2022 Dec 1;22(1).

10. Int Panis L, Latour K. Puntprevalentiestudie van zorginfecties en antimicrobieel  gebruik in chronische zorginstellingen (HALT-2021). Brussels; 2022.

11. Midthun SJ, Paur R, Lindseth G. Urinary Tract Infections: Does the Smell Really Tell? J Gerontol  Nurs. 2004;30:4–9.

12. Jump RLP, Crnich CJ, Nace DA. Cloudy, Foul-Smelling Urine Not a Criteria for Diagnosis of Urinary Tract Infection in Older Adults. Vol. 17, Journal of the American Medical Directors Association. Elsevier Inc.; 2016. p. 754.

13. Zalmanovici Trestioreanu A, Lador A, Sauerbrun-Cutler MT, Leibovici L. Antibiotics for asymptomatic bacteriuria. Vol. 2015, Cochrane Database of Systematic Reviews. John Wiley and Sons Ltd; 2015.

14.Williams G, Hahn D, Stephens JH, Craig JC, Hodson EM. Cranberries for preventing urinary tract infections. Cochrane Database of Systematic Reviews [Internet]. 2023 Apr 17;2023(4). Available from: http://doi.wiley.com/10.1002/14651858.CD001321.pub6

15. Campagne urineweginfecties voor woonzorgcentra [Internet]. 2023 [cited 2024 Jan 17]. Available from: https://www.zorg-en-gezondheid.be/campagne-urineweginfecties-voor-woonzorgcentra

Figure 1 : Définitions des infections des voies urinaires suspectées et confirmées

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cfu/ml = unités formant des colonies par millilitre

* Fièvre : 1) une fois > 37,8°C par voie orale/ tympan/aisselle ou 2) à plusieurs reprises > 37,2°C par voie orale/sous l’aisselle ou > 37,5°C par voie rectale ou 3) > 1,1°C par rapport à la température normale du résident à un endroit donné (voie orale, tympan, aisselle).

** Leucocytose : 1) neutrophilie > 14 000 leucocytes/mm3 ou 2) déplacement vers la gauche (>6% de noyaux de bâtonnets ou ≥ 1500 noyaux de bâtonnets/mm3 )

Figure 2 : Indications pour la prescription d’antimicrobiens chez les résidents des maisons de repos, études HALT belges, 2010-2026 (8)

 

 

 

 

 

 

Figure déjà publié dans l’article : Latour K, Catry B, Devleesschauwer B, Buntinx F, De Lepeleire J, Jans B. Healthcare-associated infections and antimicrobial use in Belgian nursing homes : results of three point prevalence surveys between 2010 and 2016. Archives of Public Health. 2022 Dec 1;80(1).

Figure 3 : Valeur diagnostique des signes et symptômes en cas de suspicion d’infection des voies urinaires (9)

 

 

 

 

 

 

 

 

Figure déjà publiée dans l’article : Latour K, De Lepeleire J, Catry B, Buntinx F. Nursing home residents with suspected urinary tract infections:
a diagnostic accuracy study. BMC Geriatr. 2022 Dec 1;22(1); traduit en français.

 

 

Nous avons lu pour vous

JP Rodriguez Ruiz, Qiang Lin, Ch Lammens, PR Smeesters, S van Kleef-van Koeveringe, V Matheeussen, S Malhotra-Kumar.

Increase in bloodstream infections caused by emm1 group A Streptococcus correlates with emergence of toxigenic M1UK, Belgium, May 2022 to August 2023.

Eurosurveillance, Vol 28, Issue 36, September 2023

Many European countries have recently reported upsurges in invasive group A Streptococcus (iGAS) infections mainly caused by emm1 Streptococcus pyogenes specifically the toxigenic M1UK lineage. We present the epidemiology of emm1 causing iGAS in Belgium during 2018–August 2023 and describe an emergence of the toxigenic M1UK lineage in Belgium in mid-2022 that was observed as an increase in bloodstream infections caused by emm1 S. pyogenes that continued into 2023.

https://www.eurosurveillance.org/docserver/fulltext/eurosurveillance/28/36/eurosurv-28-36-3.pdf?expires=1731411465&id=id&accname=guest&checksum=A457DA98D76D38CCFC0A8304113901C8


S van Kleef – van Koeveringe, Dr. S De Koster, prof. dr. V Matheeussen

National reference centre for invasive β-hemolytic streptococci non group B.

Report 2012-2023 

This report describes the activities performed by the National Reference Centre (NRC) for invasive β-hemolytic Streptococci non group B from 2012 until 2023, including species identification via MALDI-TOF MS, detection of virulence genes and/or macrolide/tetracycline resistance genes by Whole Genome Sequencing (WGS) and emm typing using Sanger sequencing or WGS. This report aims to follow up on the epidemiological trends of invasive β-hemolytic streptococci over the past decade, highlighting changes in strain distribution, resistance patterns, and the emergence of new virulence factors. Streptococcus pyogenes (group A streptococcus, GAS) and Streptococcus dysgalactiae (groups C and G streptococci, GCS and GGS) are capable of causing a wide range of infections. These range from superficial infections such as pharyngitis and impetigo, to severe invasive infections like necrotizing fasciitis, bacteremia, and streptococcal toxic shock syndrome. Invasive infections are associated with significant morbidity and mortality, particularly in vulnerable populations.The virulence of these organisms is largely attributed to a variety of factors, including the M proteins (encoded by the emm or stG genes), which help the bacteria evade the immune system. Given the significant burden of invasive streptococcal infections, vaccine development has been a subject of interest, particularly targeting the M protein due to its role in pathogenesis and surface accessibility. Although no vaccine is currently available, ongoing research explores the potential for vaccine strategies to prevent infections by S. pyogenes and S. dysgalactiae..

https://www.sciensano.be/sites/default/files/report_2012-2023_streptococci_v1.0.pdf


L Cornelissen  S van Kleef-van Koeveringen , V Matheeussen

Surveillance épidémiologique des infections invasives causées par les streptocoques du groupe A S. pyogenes – 2017 à 2023

Sciensano, rapport épidémiologique 2017-2023, infections invasives causées par les streptocoques du groupe A

Messages clés:

• Toutes les sources de données (laboratoires vigies, Centre National de Référence et déclaration obligatoires) indiquent les mêmes tendances générales : la fréquence de l’iGAS a été faible pendant les années pandémiques 2020-2021 et a fortement augmenté à partir de la fin de 2022, avec des chiffres très élevés en 2023.
• Le pic du nombre de cas signalés a été atteint au tournant de l’année 2022-2023 : décembre ‘22 selon les chiffres du Centre national de référence (CNR) et les laboratoires vigies, janvier ‘23 selon les chiffres de la déclaration obligatoire (DO).
• Il est difficile de déterminer l’ampleur exacte de l’augmentation relative par rapport aux années précédentes en raison des limites des différentes sources de données.
• Le génotype le plus courant pendant le pic 2022-2023 était M1.
• On ne sait pas exactement ce qui a provoqué ce pic, mais il est probable qu’une combinaison de facteurs joue un rôle : une faible circulation pendant la pandémie entraînant une réduction de l’immunité chez les jeunes enfants, une augmentation soudaine des contacts étroits et des autres infections virales (qui sont un facteur de risque pour l’iGAS) après la levée des mesures d’hygiène, et peut-être aussi un génotype plus virulent.
• Les groupes d’âge les plus touchés sont les enfants de moins de 5 ans et les adultes de plus de 65 ans.
• Il s’agit d’infections graves qui nécessitent presque toujours une hospitalisation et sont associées à une mortalité élevée. Toutefois, les chiffres exacts relatifs à la mortalité ne sont pas disponibles en raison de problèmes d’encodage des données (pour les certificats de décès et les données du Résumé Hospitalier Minimal), de l’enregistrement au moment de l’infection aiguë, sans suivi dans le temps (données du CNR), ou d’une couverture limitée (déclaration obligatoire).

https://www.sciensano.be/en/health-topics/invasive-group-a-streptococcal-infection#prevention


Nicolas Yin, Charlotte Michel, Nadia Makki, Ariane Deplano, Alisha Milis, Benoit Prevost, Veronique Yvette Miendje-Deyi, Marie Hallin, Delphine Martiny, National reference centre for Staphylococcus aureus.

Emergence and spread of a mupirocin-resistant variant of the European epidemic fusidic acid-resistant impetigo clone of Staphylococcus aureus, Belgium, 2013 to 2023

Eurosurveillance, 29, 19, May 2024

Background
Antimicrobial resistance to mupirocin and fusidic acid, which are used for treatment of skin infections caused by Staphylococcus aureus, is of concern.

Aim
To investigate resistance to fusidic acid and mupirocin in meticillin-susceptible S. aureus (MSSA) from community-acquired skin and soft tissue infections (SSTIs) in Belgium.

Methods
We collected 2013–2023 data on fusidic acid and mupirocin resistance in SSTI-associated MSSA from two large Belgian laboratories. Resistant MSSA isolates sent to the Belgian Staphylococci Reference Centre were spa-typed and analysed for the presence of the eta and etb virulence genes and the mupA resistance gene. In addition, we whole genome sequenced MSSA isolates collected between October 2021 and September 2023.

Results
Mupirocin resistance increased between 2013 and 2023 from 0.5-1.5% to 1.7-5.6%. Between 2018 and 2023, 91.4% (64/70) of mupirocin-resistant isolates were co-resistant to fusidic acid. By September 2023, between 8.9% (15/168) and 10.1% (11/109) of children isolates from the two laboratories were co-resistant. Of the 33 sequenced isolates, 29 were sequence type 121, clonal and more distantly related to the European epidemic fusidic acid-resistant impetigo clone (EEFIC) observed in Belgium in 2020. These isolates carried the mupA and fusB genes conferring resistance to mupirocin and fusidic acid, respectively, and the eta and etb virulence genes.

Conclusion
We highlight the spread of a mupirocinresistant EEFIC in children, with a seasonal trend for the third quarter of the year. This is of concern because this variant is resistant to the two main topical antibiotics used to treat impetigo in Belgium.

 

Ariane Deplano, Marie Hallin, Natalia Bustos Sierra, Charlotte Michel, , Benoit Prevos, Delphine Martiny and Nicolas Yin

Persistence of the Staphylococcus aureus epidemic European fusidic acid-resistant impetigo clone (EEFIC) in Belgium.

J Antimicrob Chemother 2023; 78: 2061–2065

Objectives
In August 2018, a public health alert was issued in Belgium regarding clusters of impetigo cases caused by the epidemic European fusidic acid-resistant impetigo clone (EEFIC) of Staphylococcus aureus. As a result, the Belgian national reference centre (NRC) was commissioned to update the epidemiology of S. aureus causing community-onset skin and soft tissues infection (CO-SSTI) to assess the proportion of EEFIC among them.

Methods
For 1 year, Belgian clinical laboratories were asked to send their first three S. aureus isolated from CO-SSTI each month. Isolates were tested for antimicrobial susceptibility to oxacillin, mupirocin and fusidic acid.
Resistant isolates were also spa typed and tested for the presence of the genes encoding the Panton–Valentine leucocidin, the toxic shock syndrome toxin and the exfoliatins A and B. MLST clonal complexes werededuced from the spa types.

Results
Among the 518 S. aureus strains analysed, 487 (94.0%) were susceptible to oxacillin. Of these, 79(16.2%) were resistant to fusidic acid, of which 38 (48.1%) belonged to the EEFIC. EEFIC isolates were mostlyisolated from young patients with impetigo and showed a seasonal late summer peak.

Conclusions
These results suggest the persistence of EEFIC in Belgium. Furthermore, its prevalence may lead toreconsideration of the treatment guidelines for impetigo.
The primary risk assessment of the RAG (risk assessment group) concerning a cluster of fusidic acid-resistant Staphylococcus aureus in Flanders (Turnhout) can be found on the Sciensano website through the following link : https://www.sciensano.be/sites/default/files/pra_impetigo_09042019_v2.1_1.pdf

Surveillance des infections sanguines dans les hôpitaux belges. Rapport 2024. Données jusqu’en 2023 inclus.

Le rapport national de la surveillance des infections à Clostridioides difficile (ICD) dans les hôpitaux est publié sur notre site web : Epidemiology of Clostridioides difficile infections in Belgian hospitals: National report – Data up to and including 2023 | sciensano.be

Résumé

Contexte

Les infections hospitalières associées au sang (HABSI) représentent un défi majeur en matière de santé, en particulier celles liées aux dispositifs invasifs, bien que nombre d’entre elles soient évitables grâce à des mesures de contrôle efficaces. En Belgique, un système national de surveillance des HABSI fonctionne depuis 1992 et a été mis à jour de manière significative en 2013 pour mettre l’accent sur la prévention. Depuis 2014, les hôpitaux de soins aigus sont légalement tenus de participer chaque année, avec une centralisation des données sur la plateforme Healthdata/Healthstat dès 2017. Ce programme de surveillance vise à suivre les tendances des HABSI, identifier les pathogènes et les profils de résistance, et fournir aux hôpitaux des outils standardisés pour gérer et analyser les infections. Le rapport 2023 met en lumière les tendances des HABSI, les infections liées aux cathéters centraux (CLABSI), les résistances microbiennes et l’impact des mesures de prévention. Un nouveau groupe de travail a été créé pour réviser le protocole national, avec des mises à jour prévues d’ici 2025, garantissant des améliorations continues dans la prévention et le contrôle des infections.

Résultats

Participation

En 2023, 96 sur 102 hôpitaux belges éligibles (94%) ont participé au programme de surveillance des HABSI, avec 47% contribuant tout au long de l’année. La participation régionale a été forte : 86% à Bruxelles, 98% en Flandre et 92% en Wallonie, avec des taux de participation annuels les plus élevés en Flandre (63%).

Tendances des infections hospitalières associées au sang

Entre 2014 et 2023, les taux d’infections sanguines associées aux hôpitaux (HABSI) en Belgique ont connu une diminution significative, avec une incidence moyenne tombant à 8,8 pour 10 000 journées/patients en 2023, contre des pics enregistrés durant les années COVID-19 (10,4 en 2020). L’incidence des infections sanguines associées aux soins intensifs (ICU-BSI) a également chuté fortement, passant de 47,6 en 2021 à 35,4 en 2023 pour 10 000 journées-patients. Entre 2020 et 2023, les incidences des HABSI et ICU-BSI ont diminué annuellement de 4% et 14%, respectivement. Malgré une activité hospitalière plus faible en 2023 par rapport à 2019, le nombre d’épisodes de HABSI (7 017) et d’hospitalisations avec au moins un épisode de HABSI (6 453) est resté en deçà des niveaux prépandémiques, reflétant une amélioration de la prévention des infections.

L’incidence des infections liées aux cathéters centraux (CLABSI) à l’échelle hospitalière est restée stable de 2014 à 2019, mais a augmenté de 16%, passant de 2,03 pour 10 000 journées-patients en 2019 à 2,12 en 2023. Malgré cette hausse, le nombre total de cas de CLABSI a diminué de 1 862 en 2020 à 1 725 en 2023, avec une proportion de cas confirmés passant de 36% en 2020 à 43% en 2023.

En 2023, l’incidence spécifique aux soins intensifs des CLABSI était de 12,22 pour 10 000 journéespatients, nettement supérieure au taux hospitalier global. Les taux de CLABSI en soins intensifs ont diminué de 17% annuellement entre 2020 et 2023, mais restent 50% plus élevés qu’avant la pandémie. Les taux confirmés de CLABSI ont atteint un pic de 6,59 en 2020 10 000 journées-patients avant de baisser à 4,71 en 2023, toujours au-dessus des niveaux pré-COVID.

À l’échelle régionale, les incidences des CLABSI confirmés ont augmenté à Bruxelles et en Wallonie entre 2020 et 2023, tandis que la Flandre a enregistré une baisse, indiquant des différences entre les régions dans l’utilisation des définitions de surveillance, les populations de patients et/ou l’organisation de la prévention et du contrôle des infections (PCI).

Entre 2014 et 2023, les incidences de HABSI dues à des microorganismes tels que E. coli, K. pneumoniae et E. faecium ont augmenté, atteignant un pic pendant la pandémie de COVID-19, tandis que celles liées à P. aeruginosa et A. baumannii sont restées stables. Après 2020, les incidences des pathogènes clés ont diminué mais restent au-dessus des niveaux prépandémiques.

En 2023, 7 017 épisodes de HABSI ont été signalés dans 96 hôpitaux belges, avec les cathéters centraux (25%) et les infections urinaires (20%) comme principales sources. Les dispositifs invasifs ont contribué à 43 % des cas de HABSI, avec une confirmation microbiologique dans 44 %. La majorité des cas concernaient des patients âgés, principalement des hommes, avec un taux de mortalité de 19 %

En 2023, la résistance antimicrobienne reste préoccupante pour les principaux pathogènes hospitaliers. E. coli a montré une augmentation de la résistance aux céphalosporines de troisième génération, atteignant 16,2%, avec une résistance aux carbapénèmes toujours faible à 1%. Pour K. pneumoniae, la résistance aux céphalosporines de troisième génération a atteint un sommet de 33,1%, tandis que celle aux carbapénèmes a légèrement augmenté à 4,6%. E. cloacae maintient des niveaux élevés de résistance aux céphalosporines de troisième génération (38,9%), accompagnés d’une hausse modérée de la résistance aux carbapénèmes (3%).

Recommandations

Les hôpitaux sont encouragés à renforcer les mesures de prévention et de contrôle des infections (PCI), notamment dans les zones à haut risque comme les soins intensifs, et à optimiser les programmes de gestion des antimicrobiens (ASP) pour lutter contre la résistance des bactéries Gram-négatives. Ils doivent également suivre les directives Conseil Supérieur de la Santé 9803 pour prévenir les infections liées aux cathéters (CRI) et adopter le protocole révisé des BSI, qui sera publié en 2025, afin d’améliorer la précision du diagnostic et les résultats pour les patients.

Les décideurs sont invités à allouer des ressources pour les programmes PCI et ASP, à définir des objectifs nationaux de réduction des incidences de HABSI et CLABSI en accord avec les recommandations de l’ECDC, et à mettre en place des études de validation pour la surveillance des infections associées aux soins de santé (IAS). De plus, l’automatisation des systèmes de surveillance permettra d’identifier plus rapidement les tendances des infections et la résistance aux antimicrobiens.

Les scientifiques de Sciensano doivent maintenir la surveillance continue des infections sanguines (BSI), améliorer les outils de collecte de données tels que Healthstat et coordonner la mise en œuvre du nouveau protocole BSI. Ils sont également encouragés à développer des initiatives de surveillance automatisée pour améliorer la précision des données et permettre une détection précoce des infections et de la résistance antimicrobienne.

Pour en savoir plus : https://www.sciensano.be/sites/default/files/sciensano_national_bloodstream_infection_annual_report_2024.pdf

Résumé du rapport du CNR sur les entérocoques

Ce rapport présente les données du Centre national de référence (CNR) pour les entérocoques en Belgique de 2012 à 2023. Au total, 322 souches d’entérocoques ont été reçues en 2023. L’espèce dominante était E. faecium, suivie par E. faecalis. Au total, 57% des isolats ont été obtenus à partir d’échantillons cliniques, 43% à partir d’échantillons de dépistage.

La résistance acquise aux glycopeptides (entérocoques résistants à la vancomycine, ERV) et au linézolide (entérocoques résistants au linézolide, ERL) limite les options thérapeutiques pour traiter les infections à entérocoques. Depuis 2016, une tendance à la baisse a été observée dans le nombre d’isolats d’ERV reçus. En revanche, une augmentation du nombre absolu de souches résistantes au linézolide a été observée ces dernières années, bien qu’un biais puisse être dû à des tests diagnostiques plus fréquents et à une vigilance accrue à l’égard des ERV. Un nombre limité de souches sont résistantes à la fois à la vancomycine et au linézolide (LVRE). En 2023, 161 ERV, 86 ERL et 4 ERLV ont été envoyés au CNR. Une sélection de LRE, VRE et LVRE a été testée pour l’éravacycline à l’aide d’Etest. L’éravacycline est efficace contre la plupart des entérocoques (multirésistants), mais une résistance a été identifiée dans un petit nombre d’isolats cliniques et sera étroitement surveillée.

Les épidémies hospitalières sont dominées par des souches d’ E. faecium résistantes à la vancomycine. Les souches d’ E. faecium les plus fréquentes dans les épidémies hospitalières étaient ST80 (vanA/vanB/vanD), ST117 (vanA/vanB), ST17 (vanA/vanB), ST18 (vanA/vanB) et ST612 (vanA). Le risque d’épidémies dues à des E. faecium résistants à la vancomycine demeure. Il est primordial de suivre les recommandations visant à prévenir la propagation des souches résistantes à la vancomycine et les pratiques de contrôle des infections dans les hôpitaux. La surveillance des épidémies et de l’émergence de nouvelles souches résistantes à l’aide du séquençage du génome entier (WGS) peut aider à contrôler les infections à entérocoques et à orienter les interventions de contrôle des infections.

Le nouveau rapport contenant les données de 2024 sera bientôt publié, ne manquez donc pas de visiter le site web :
Centre national de référence (CNR) pour les entérocoques |  sciensano.