La coqueluche en Belgique: épidémiologie et adaptation de la stratégie vaccinale pour la protection des nourrissons.
Epidémiologie
La coqueluche (pertussis ou whooping cough des anglo-saxons) reste une cause importante de maladie infantile avec une incidence mondiale de 16 millions cas/an occasionnant 195 000 décès (1). Les pays industrialisés ne sont pas épargnés, malgré l’instauration d’une vaccination des nourrissons depuis les années 40-50. Des épidémies surviennent périodiquement, par cycles de 3 à 5 ans (2). Les principales victimes de celles-ci sont les nourrissons non encore ou incomplètement vaccinés.
La surveillance européenne EUVAC-NET a évalué pour la période 2003-2007 l’incidence annuelle de coqueluche en Europe à 4.1 /100 000 habitants (3). En 2012, 506 cas de coqueluche ont été confirmés par le centre de référence belge, avec une incidence la plus élevée de 64/100000 chez les enfants de moins de 12 mois (4).
En Belgique, on observe annuellement depuis 2010, 1 à 5 décès de nourrissons attribués à la coqueluche (4).
Causes de la recrudescence de la coqueluche dans les pays industrialisés
L’augmentation des cas de coqueluche s’observe depuis 2 décennies dans tous les pays industrialisés et est d’origine plurifactorielle.
Le premier facteur est la perte d’immunité 4 à 12 ans après la vaccination antipertussis ou 4 à 20 ans après avoir contracté la maladie (3). La protection chez les adultes vaccinés ou atteints de coqueluche dans l’enfance disparaît donc progressivement vu la faible probabilité de «boost naturel», l’infection circulant peu dans nos pays. Par ailleurs, certaines données montrent que la durée de protection offerte par le vaccin acellulaire serait moindre que pour le vaccin entier (5-6). Ce vaccin entier (wv), développé dans les années 40, plus difficile à produire et dont l’efficacité dépendait du type de préparation, était responsable d’effets secondaires neurologiques (convulsions et épisodes hypotoniques). Le vaccin entier a progressivement été remplacé par le vaccin acellulaire fin des années 1990.
La transmission de la coqueluche dans les pays industrialisés a donc switché du mode enfants à enfants au mode adultes à enfants depuis quelques années.
La seconde raison de recrudescence de la maladie est l’amélioration du diagnostic de celle-ci. La PCR (Polymérase chain reaction ) et la sérologie rendent le diagnostic de coqueluche plus aisé, à différents stades de la maladie.
La circulation de nouvelles souches de Bordetella pertussis qui expriment d’autres toxines pertussiques, pertactine et fimbriae a également été décrite mais reste actuellement anecdotique (5).
Enfin, des programmes de surveillances nationales et internationales spécifiques pour la coqueluche ont également été mis sur pied depuis quelques années et ont permis de mieux recenser les cas (3).
Tous ces facteurs contribuent donc à augmenter l’incidence de la coqueluche dans les pays industrialisés. Par ailleurs les dispositifs de surveillance mis en place permettent de mieux comprendre sa transmission, ce qui permet de mieux définir les stratégies de prévention à adopter pour protéger les nourrissons, qui présentent la forme la plus sévère de la maladie.
Microbiologie, présentation clinique et contagiosité de la coqueluche
Microbiologie : (1, 5)
L’agent causal de la coqueluche est Bordetella pertussis, un coccobacille gram négatif qui a une affinité exclusive pour les muqueuses respiratoires humaines.
Cette bactérie a été isolée par Jules Bordet en 1906 (avec la collaboration de Gustave Gengou) grâce au développement d’un milieu de culture spécifique.
Des présentations «coqueluche-like» dues à Bordetella holmesii, Bordetella parapertussis , Bordetella bronchiseptica sont rapportées dans la littérature, bien que l’incidence de ces maladies reste faible. Le tableau clinique de ces infections est moins sévère et de plus courte durée que l’infection à B. pertussis (8).
Bordetella pertussis produit plusieurs toxines : toxine pertussique (PT), toxine adenylate cyclase hemolysine (AC –Hly), cytotoxine trachéale (TCT) et endotoxine coquelucheuse ainsi que plusieurs adhésines : hémagglutinine filamenteuse (FHA), pertactine (PRN), fimbriae de types 2 et 3 (FIM). Ces toxines et adhésines sont responsables de la virulence de la bactérie. Leur identification a permis de développer les vaccins acellulaires. Différents vaccins acellulaires existent. Ils comportent tous au moins comme antigènes la PT, combiné à FHA ou FHA+PRN, FHA+PRN+FIM. Les vaccins destinés aux enfants (Pa) comportent plus d’antigènes que ceux destinés aux adultes (pa).
Diagnostic microbiologique de la coqueluche
La culture réalisée à partir de prélèvements nasopharyngés au cours des 3 premières semaines de la maladie a toujours sa place. Ses avantages sont sa spécificité et la possibilité de réaliser un antibiogramme et éventuellement un typage moléculaire. Bien que peu de résistance bactérienne soit décrite, la première souche de B. pertussis résistante aux macrolides a été identifiée en France en 2012 (5). Les inconvénients de la culture sont sa faible sensibilité (qui diminue au fil des jours de l’infection) et le délai de réponse (qui peut prendre plusieurs jours).
La PCR est très sensible et doit être réalisée sur le même type de prélèvement que la culture. Elle peut engendrer rarement des résultats « faux positifs », en fonction de l’amorce utilisée, notamment dans les rares cas d’infection à Bordetella holmesii (8). L’autre avantage de la PCR est sa rapidité.
La troisième technique est la sérologie. Celle-ci met en évidence les anticorps antitoxine pertussique de type Ig G (Ac anti-PT) chez des sujets symptomatiques depuis 3 semaines et n’ayant pas été vaccinés au cours de l’année. Un seul prélèvement sanguin est nécessaire sauf dans le cas d’un patient vacciné dans l’année, pour lequel un second prélèvement sera nécessaire pour évaluer l’augmentation des Ig G (4).
Présentation clinique de la coqueluche :(1, 3, 9)
La coqueluche est une infection bactérienne aiguë de l’arbre respiratoire. L’expression clinique de la maladie va de la toux chronique chez l’adulte à la forme maligne des nourrissons avec apnées et cyanose pouvant occasionner le décès.
La période d’incubation pendant laquelle le patient présente une catharre peu fébrile est en moyenne de 10 jours (extrêmes 7 à 21 jours). De la toux apparaît ensuite, souvent paroxysmique et pouvant s’accompagner de vomissements. Cette toux peut se terminer par le classique «chant du coq» qui a donné son nom à la coqueluche. Une toux moins typique, qui persiste pendant des semaines peut être la seule symptomatologie chez les adolescents et adultes.
Contagiosité
La coqueluche est extrêmement contagieuse. On évalue à 64-86% le taux d’attaque secondaire des contacts familiaux non immuns en présence d’un patient en phase catarrhale (10).
Le mode de transmission supposé est celui de type «gouttelettes» (10). Peu d’études ont pu explorer cette transmission vu la difficulté d’obtenir un bon modèle animal. Warfel a développé un modèle chez le babouin et n’a pu exclure une transmission de type «air» dans les conditions de ses expériences, chez des babouins distants de 7 pieds (10).
En pratique, on estime que les malades non traités peuvent être contagieux pendant 3 semaines. Cependant, la contagiosité diminue après la phase catarrhale et est évaluée à 3 à 5 jours après antibiothérapie adéquate (macrolides ou triméthoprime/sulfamethoxazole) (8). Une antibiothérapie précoce (débutée au stade catarrhal) permet d’éviter le développement de la maladie, par contre une antibiothérapie plus tardive ne protège pas le patient de la maladie mais empêche sa transmission.
Identification des réservoirs de transmission de la coqueluche
Dans les pays industrialisés les adolescents et les adultes sont devenus les principaux responsables de la transmission de la maladie aux nourrissons non encore vaccinés (3). Dans l’étude canadienne de Frère et al (11), seulement 6% des jeunes accouchées étaient protégées contre Bordetella pertussis. On estime que les parents des nourrissons sont responsables de la transmission de la maladie à leur bébé dans 67 à 83% des cas (11). Par ailleurs, le personnel soignant des hôpitaux dans les services cibles (néonatologie, maternité et pédiatrie) peut être à la source de la transmission de la coqueluche aux nourrissons et devrait être immunisé contre celle- ci (9). En cas de coqueluche chez un membre du personnel soignant, celui ci doit être écarté pendant 5 jours lorsqu’il est traité par antibiotiques adéquats et pendant 21 jours en l’absence de traitement.
Evolution de la stratégie vaccinale
Au vu de ces nouvelles données épidémiologiques dans les pays industrialisés, la décision de réaliser une vaccination de rappel pour les groupes à risque de transmission de coqueluche aux nourrissons a été instaurée. Cette stratégie vaccinale porte le nom de «vaccination cocoon»(3). En Belgique cette stratégie vaccinale bénéficie d’un remboursement préférentiel moyennant le remplissage d’un formulaire ad-hoc depuis avril 2009.
La stratégie «cocooning» consiste à vacciner les membres de la famille, y compris les grands-parents et toutes les personnes qui seront en contact avec le nourrisson à l’aide d’un vaccin dTpa. Une étude canadienne récente montre que l’approche la plus efficiente, si les 2 parents ne sont pas immunisés, est de réaliser le vaccin à la maternité plutôt qu’en ambulatoire, bien que vacciner l’entourage de la famille au plus tard 2 semaines avant l’accouchement est théoriquement plus adéquat (11).
Depuis septembre 2013, le CSS recommande de vacciner avec le dTpa toutes les femmes enceintes entre la 24ème et la 32ème semaine de grossesse, quel que soit le statut vaccinal antérieur de la patiente (12). En effet, les données de la littérature ont montré que le taux d’Ac antipertussis mesuré dans le sang de cordon du bébé dont la maman s’était fait vacciner dans les 2 ans par dTpa était non protecteur pour le bébé. Les Ac antipertussis diminuent rapidement chez la future mère au cours de la première année après la vaccination (13). Cette vaccination pendant la grossesse permet le passage d’Ac anti-pertussis qui protégeront le bébé le temps de la réalisation de son programme vaccinal. Selon les recommandations américaines, ce dTpa est à répéter lors de chaque grossesse. Un suivi de cette nouvelle stratégie fait l’objet d’une surveillance rapprochée du CDC aux Etats-Unis (13).
Le schéma actualisé de vaccination anti-coqueluche en Belgique comporte donc 5 doses dans la petite enfance : hexavalent (IPV-DTPa-Hib-VHB) à 2 mois, 3 mois, 4 mois, 15 mois, tétravalent (IPV-DTPa) à 5-7 ans puis un rappel à 14-16 ans (trivalent dTpa) et depuis peu un rappel pendant la grossesse et chez le futur papa et les personnes qui auront des contacts rapprochés avec les nourrissons (trivalent dTpa).
Vaccin trivalent dTpa adulte
Le vaccin utilisé en Belgique pour vacciner les adolescents, adultes et femme enceinte est le vaccin trivalent dTpa. Il contient 2 UI d’anatoxine dipthérique, 20 UI d’annatoxine tétanique et 3 antigènes de Bordetella pertussis : 8 ug anatoxine pertussique, 8 ug d’hémagglutinfilamenteuse et 2.5 ug de pertactine. Ce vaccin, qui contient de l’aluminium, est très bien toléré et les précautions d’usage principales sont les allergies à un des composants ou une vaccination récente dT(<1 mois pour les adultes et 18 mois pour les adolescents selon Zepp et al). Son principal effet secondaire est une douleur et/ou un érythème au site d’injection.
Conclusions
L’incidence de la coqueluche chez les nourrissons est en recrudescence dans tous les pays industrialisés. Cette maladie reste grave dans cette catégorie d’âge et est toujours responsable de décès qui sont potentiellement évitables.
La stratégie de prévention de coqueluche chez les nourrissons qui semble actuellement la plus efficace est de vacciner les femmes enceintes entre la 24 ème et 32 ème semaine de grossesse ainsi que toutes les personnes qui s’occuperont du bébé (« cocooning vaccination») à l’aide du vaccin trivalent dTpa. Ce vaccin a démontré son efficacité et son innocuité.
Les soignants sont également responsables de la transmission de coqueluche à l’hôpital et devraient également être vaccinés, en particulier dans les secteurs «mère-enfant».
Une stratégie supplémentaire concernant la vaccination plus précoce des nourrissons est évoquée mais n’est pas encore applicable par manque de données.
La protection des nouveau-nés contre la coqueluche passe donc actuellement par la vaccination des adolescents et des adultes et par l’instauration d’une antibioprophylaxie précoce chez toute personne ayant eu des contacts avec un cas index.
De gros efforts d’éducation et d’informations sont à faire vu le faible taux d’immunisation des jeunes parents et la perception erronée par le public que la coqueluche est une maladie uniquement infantile et que par conséquent les adultes ne sont pas perçus comme les vecteurs de l’infection.
Bibliographie :
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- Belchior., Episodes de coqueluche nosocomiale, France, 2008-2010. www.invs.sante.fr
- Warfel JM, Beren J, Merkel TJ. Airborne transmission of Bordetella pertussis. J Infect Dis. 2012 Sep 15;206(6):902-6.
- Frère J, De Wals P, Ovetchkine P, Coïc L, Audibert F, Tapiero B. Evaluation of several approaches to immunize parents of neonates against B. pertussis. Vaccin2013 Dec 9;31(51):6087-91.
- CSS 2013. Vaccination adulte : révision
- Updated Recommendations for Use of Tetanus Toxoid, Reduced diphteria, and Acellular Pertussis Vaccine (Tdap) in Pregnant women (ACIP), 2012.MMWR. 2013, 62(07):131-5.
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