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Place de la réflexion éthique en maison de repos lors de la pandémie COVID-19

Dr Michel Hanset - Médecin généraliste, Médecin conseiller et coordinateur en Maison de repos et de Soins (MRS)

Dans nos résidences pour personnes âgées, la réflexion autour de la fin de vie est certes présente mais souvent explorée de manière superficielle tant le sujet semble difficile à aborder. La mort reste encore et toujours un sujet tabou probablement parce qu’il nous ramène chaque fois à notre propre mort. De nombreuses tentatives ont été faites pour nous faciliter l’abord de la fin de vie avec le résident ou sa famille mais malgré tout, les obstacles restent présents et empêchent la constitution d’un plan anticipé de soins clair. 

Généralement aucune personne dans l’entourage du patient n’ose le questionner sur ce qu’il attend de sa fin de vie pour ne pas le choquer ou pour ne pas donner l’impression que l’on attend sa fin. Nous nous retranchons souvent derrière : « ce n’est pas le moment opportun » et finalement ce moment ne vient jamais. A contrario, un certain nombre de personnes âgées en bonne santé ont eu une réflexion à ce sujet mais attendent qu’on leur pose la question et n’en parlent pas spontanément.  La discussion avec le patient prend aussi beaucoup de temps ce qui est parfois un facteur limitant à la démarche. Dans certains cas, la famille du résident interdit à l’équipe soignante d’entamer la discussion sur la fin de vie pour des raisons culturelles : « vous devez tout faire pour le maintenir en vie quoiqu’il arrive ». Ce genre de décision met en grande difficulté le médecin et l’équipe soignante en cas de pathologie aigue grave.

Le médecin traitant lui-même ne souhaite pas toujours parler de ce sujet avec son patient. L’équipe soignante ou les aidants-proches ne se sentent pas à l’aise non plus. 

L’élaboration du plan anticipé de soins pourrait être facilitée par  la présence d’une maladie incurable chez la personne concernée qu’elle soit cancéreuse ou neurodégénérative. Pour autant en pratique ce n’est pas ce que nous avons pu observer sur le terrain pour les mêmes raisons citées plus haut.

De tout ceci résulte que en fin de compte peu de résidents au sein de nos maisons de repos ont laissé des directives précises quant à leur fin de vie.

L’ampleur de la pandémie COVID 19 que nous avons connue en 2020 a montré la nécessité absolue de connaitre pour chaque résident de maison de repos ses souhaits de fin de vie.  La première semaine de la pandémie, les premiers résidents touchés ont pu être admis sans problème dans les hôpitaux. Par contre dans les semaines suivantes, la surcharge au sein des hôpitaux a été telle que la question posée par nos collègues spécialistes hospitaliers était toujours la même : « votre patient a quel âge ? a t’il émis des souhaits quant à sa fin de vie ? » Nous avons donc dû statuer nous-même dans l’urgence vu la dégradation sévère de nos résidents atteints, à leur place ou à celle de leur famille ou de leur personne de confiance quand il y en avait une ou de leur médecin traitant si il était présent. La décision d’hospitaliser ou non a toujours  été prise après avoir consulté l’équipe soignante. La situation était d’autant plus compliquée en maison de repos que nos résidents y séjournaient pour la plupart depuis de nombreuses années et que le lien créé entre le patient et l’équipe est très fort à tel point que certains soignants et résidents ont des liens quasi familiaux. 

Ces multiples prises de décision difficiles faites dans l’urgence et ce en plus de la lourdeur du travail ont largement contribué à l’épuisement des équipes. Il est probable que nous avons décidé d’hospitaliser ou de ne pas hospitaliser des personnes dont ce n’était pas le souhait mais vu l’absence de directives nous avons fait ce qu’ils nous semblait raisonnables. Quand le résident ne pouvait pas être hospitalisé, il a dû être soigné sur place c’est-à-dire au sein de structures insuffisamment équipées pour faire face à des pathologies aussi lourdes. Nous avons dû gérer à la fois l’absence de respirateurs, le manque d’oxygène, le manque d’oxyconcentrateurs, mais aussi de masques, de gants de surblouses etc. 

La prise en charge de la fin de vie de ces personnes a été rendue pénible également par le manque de produits permettant d’apaiser leur souffrance. 

Le manque nous a obligés à faire le tri c’est-à-dire à n’appareiller que celles et ceux dont le pronostic était le meilleur. Nous avons là aussi fait des choix pénibles.

Après trois semaines d’épidémie, avec l’aide des gériatres et en accord avec les urgentistes et les intensivistes , nous avons pu utiliser le score de Frailty en vue d’éviter des hospitalisations dont l’issue fatale, rapide était prévisible.  Ce fut une aide à la décision appréciable pour nous dans les maisons de repos.

Les semaines qui suivirent furent tout aussi difficiles et éprouvantes conscients que nous étions de sélectionner les cas suivant des critères les plus réalistes possibles.

En maison de repos dans le cadre des soins de confort et de fin de vie, la dimension éthique est effectivement abordée mais elle ne conduit que trop rarement à un plan anticipé de soins effectif et clair. La généralisation de l’utilisation du questionnaire PICT qui stadifie la prise en charge palliative pour un résident pourrait être une piste pour le futur. L’absence de directives de fin de vie a compliqué la prise en charge de nos résidents atteints sévèrement par la COVID 19.

La pandémie COVID 19 dans nos institutions nous a contraint à pratiquer de la médecine de catastrophe sans y avoir été un tant soi peu formé. Je pense en particulier aux critères qui permettent le tri de patients. La mise en place d’une formation à l’intention du médecin coordinateur et du personnel soignant serait précieuse.  De même la mise sur pied d’un plan catastrophe « maisons de repos » me parait indispensable.

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