L’ Infirmier (e) en Hygiène Hospitalière en Belgique : une espèce en voie de disparition ou une renaissance grâce à la pandémie de COVID 19 ?
La lecture de la crise COVID-19 au travers de l’infirmier(e) hygiéniste hospitalier(e) est un choix du comité de rédaction ; elle n’a pas la prétention de couvrir toutes les situations, la crise ayant été douloureusement vécue par le personnel, les patients et leur famille dans le secteur des soins à domicile, dans les maisons de repos et dans toutes autres infrastructures communautaires.
Il se comprend comme un coup de projecteur d’une fonction discrète et méconnue du grand public, parmi d’autres, un éclairage sur le lieu où plus que partout ailleurs le drame a nécessité une prise en charge multidisciplinaire.
Dans les établissements hospitaliers, les différents départements interagissant de près ou de loin auprès du patient sont nombreux et complémentaires. Tous collaborent pour lui délivrer des soins de qualité : équipes médicale, infirmière et soignante, paramédicale, pharmaceutique, technique, ménagère, alimentaire etc… sans oublier l’infirmier(e) hygiéniste hospitalier(e) qui au travers de son expertise, interagit auprès de tous ces professionnels par des conseils, des protocoles et une collaboration inconditionnelle. Avec le médecin hygiéniste, il (elle) constitue les personnes de référence dans le domaine de l’hygiène hospitalière, discipline à part entière.
Avant d’aborder les conséquences de cette pandémie et de l’importance de l’infirmier(e) hygiéniste hospitalier(e), il me semble utile de resituer le contexte de notre profession.
Cet(te) infirmier(e) spécialisé(e) fait partie de l’équipe de direction du département infirmier (cadre intermédiaire – Infirmier chef de service) et travaille sous la supervision du (de la) directeur (trice) de ce département. Il (elle) constitue l’équipe opérationnelle en hygiène hospitalière (EOHH) en binôme avec le médecin en hygiène hospitalière, qui lui dépend du médecin-chef de l’établissement. Cette équipe jouit d’une indépendance opérationnelle mais fait rapport au comité d’hygiène hospitalière, au médecin-chef et au chef du département infirmier.
La lutte contre les infections nosocomiales au travers de la prévention et du contrôle de la transmission d’agents pathogènes infectieux au sein des établissements de soins constitue sa mission prioritaire. Ses fonctions s’étendent cependant bien au-delà et des avis de l’EOHH sont requis dans de nombreuses situations telles que par exemple : l’achat de matériel, la construction d’un hôpital ou la transformation d’un service. C’est également un interlocuteur privilégié pour le personnel de tous les départements et toutes les unités de soins et il (elle) est membre de nombreux comités au sein de l’hôpital et au sein d’organismes officiels.
Depuis quelques années, la reconnaissance et la valorisation de sa fonction est remise en question dans le cadre d’une refonte de la classification des fonctions cliniques et managériales du département infirmier, sous-évaluant ses compétences et ses responsabilités.
C’est dans ce contexte de turbulences qu’apparaît le Coronavirus COVID-19. Début 2020, beaucoup d’entre nous parlaient d’une petite grippe asiatique, sous-estimant ce qui allait se produire.
Très vite nous avons été mis devant une réalité bien plus importante, subissant plutôt les évènements et les décisions, alors que notre rôle se doit d’être avant tout préventif.
Certains d’entre nous avaient néanmoins déjà donné l’alerte dès les premiers cas apparus en Chine et avaient anticipé les commandes de matériel concernant les équipements de protection individuelle (EPI) et les solutions hydroalcooliques (SHA).
Mais très rapidement, tous les hôpitaux se sont retrouvés démunis au point d’avoir recours à l’ingéniosité des uns et à la bonne volonté des autres pour fabriquer des masques, des blouses, des SHA et même des boites à rayons Ultra-violets pour désinfecter le matériel.
La pénurie rapide de matériel et d’équipements indispensables a bouleversé les bonnes pratiques en hygiène hospitalière que nous enseignions depuis des années comme par exemple le type de masque (FFP2 ou chirurgical ?), la durée d’utilisation des masques, l’usage des gants, le respect de leurs normes;
la re-stérilisation du matériel à usage unique ; la présence au sein d’une même unité de soins de patients COVID et non COVID par manque de place, …
Devant le flux croissant de patients COVID, le plan d’urgence hospitalier (PUH) a imposé des règles sévères aux institutions :
arrêt des activités ambulatoires et déprogrammation des interventions chirurgicales non urgentes, conversion des unités d’hospitalisation en unité COVID, augmentation des lits de soins intensifs, …
Dès les premières hospitalisations, des cellules de crise hospitalière se sont mises en place dans chaque hôpital (y intégrant les hygiénistes), pour tenter de jongler entre les recommandations de Sciensano et la réalité de terrain (pénuries de ressources humaines et de matériel, crainte du personnel soignant face à la qualité suboptimale de celui-ci face à ce virus)
Dans certains cas extrêmes, des EOHH ont même été injustement traitées par des membres du personnel comme boucs émissaires, et accusées d’être responsables des problèmes rencontrés. Entre le manque de matériel, la qualité de celui-ci, la formation des équipes jugée insuffisante, les avis multiples et contradictoires des uns et des autres et les confusions de rôle avec la médecine du travail et le service de protection du travailleur, les hygiénistes allaient au front pour tenter d’expliquer et de rassurer. Et comme si ce n’était pas suffisant, une réactualisation continuelle par Sciensano impliquait des adaptations incessantes avec pour conséquence un décalage entre la publication des recommandations et leur mise à jour pratique sur le terrain, le tout entraînant également la confusion, parfois la colère du personnel soignant et le discrédit de l’infirmier(e) en hygiène hospitalière.
La lourdeur de la charge de travail des équipes de soins, les modifications des horaires au pied levé, la suppression des congés, la constitution de cohortes avec prestations parfois de 12h d’affilée ne faisaient qu’aggraver la tension et compliquait la communication avec les équipes alors qu’on demandait aux hygiénistes de rester pragmatiques, didactiques et rassurant (e)s.
Le confinement général, la fermeture des écoles, la réduction des transports en commun auraient-ils une influence sur l’absentéisme du personnel soignant ? Que choisirait-il ? Le travail ou la famille ? L’histoire de cette pandémie retiendra le professionnalisme du personnel de soins, son implication et son sens du devoir, encouragé par les applaudissements de la population et bien d’autres attentions.
Il fallait tenir, ce n’était que pour quelques semaines, quelques mois … On se serrait les coudes comme toujours.
Cette épidémie a néanmoins aussi été une opportunité pour les hygiénistes ; elle a permis de développer de nouvelles collaborations avec d’autres secteurs de l’hôpital, d’aider le secteur psychiatrique à accueillir des patients COVID +, d’interagir avec les délégations syndicales, de mettre en place de nouveaux moyens de communication et de réunions (Visioconférence), d’établir des collaborations plus importantes et mieux structurées avec les maisons de repos et de soins, de former du personnel de la composante médicale de la défense nationale venu en support dans certains hôpitaux, de préparer la campagne annuelle de vaccination contre la grippe au-travers du « levier » COVID, …
Cette première vague s’apaisant, l’activité classique des institutions hospitalières a repris progressivement. Celle-ci avait été postposée, engendrant un accroissement de la morbidité et de la mortalité. Se posait alors la question des critères d’admissions. Il fallait mettre dans la balance l’intérêt du patient par rapport à la protection des autres (Risque d’acquisition de la COVID au sein des institutions).
Les hygiénistes ont été sollicités pour participer à la réflexion mettant en place des règles pour garantir une reprise sécurisée pour les patients et le personnel ; il fallait revoir les circuits, la manière d’attribuer les locaux, de réduire le nombre de patients pour permettre un nettoyage/désinfection adéquat…
Pendant quelques mois, le virus nous a laissé un léger sursis mis à profit pour reprendre l’activité hospitalière là où elle avait été stoppée net et nous préparer à une nouvelle vague tellement redoutée après les vacances et l’arrivée de l’automne. Nous avons pu anticiper, notamment en ce qui concerne le stock de matériel de protection individuelle (bien que cela reste toujours un sujet sensible) et de SHA, l’actualisation des procédures, les scenarii possibles concernant la gestion des locaux et du personnel, les formations données, le port systématique du masque chirurgical par les patients et par le personnel.
L’absentéisme dans les équipes s’est avéré plus important qu’au printemps en raison de l’épuisement du personnel, de la peur de la COVID mais également parce que le personnel, y inclus les hygiénistes, a été plus fréquemment atteint par le virus…nécessitant des hospitalisations, parfois même aux soins intensifs. Certains membres du personnel en sont malheureusement aussi décédés.
L’épidémie laisse des traces : les infirmier(e)s hygiénistes doivent à présent rétablir la confiance des équipes à leur égard en redevenant crédibles et maintenir leur motivation ; ils (elles) accomplissent l’impossible avec les moyens humains et matériels mis à leur disposition et n’ont été que trop rarement mis en lumière.
Cette crise majeure suscitera-t-elle des vocations – des désertions pour la profession infirmière ? L’avenir nous le dira. La probabilité existe de vivre une, voire plusieurs autres vagues ; l’histoire nous a enseigné qu’une nouvelle épidémie / pandémie se reproduira tôt ou tard et le rôle des infirmiers(e)s hygiénistes sera toujours plus essentiel.
En conclusion, au-travers de ce texte, je tenais à mettre en valeur mes collègues et à les remercier pour leur professionnalisme, leur implication, leur dévouement, leur assiduité, leur ténacité au profit du patient.
Il n’est pas 20h, mais permettez-moi de les applaudir.
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