◄ Retour au sommaire

L’empowerment des patients

Bernard Bassleer - Médecin Chef adjoint, Coordinateur Qualité-Sécurité des patients, CHU de Liège Caroline Doppagne - Médiatrice, CHU de Liège

empowerment-01
1.  Introduction

Définition de l’empowerment

 Jusqu’il y a peu, la notion la plus courante dans la littérature est celle «d’éducation thérapeutique» ou «d’éducation à la santé du patient». Cette terminologie cherche probablement à ôter le caractère trop paternaliste parfois présent dans d’autres expressions comme «l’éducation du patient». Pour l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), «l’éducation thérapeutique du patient est un processus continu, intégré dans la démarche de soins et centré sur le patient. Il comprend des activités organisées de sensibilisation, d’information, d’apprentissage et d’accompagnement psychosocial concernant la maladie, le traitement prescrit, les soins, l’hospitalisation et les autres institutions de soins concernées. Ce processus éducatif vise à aider le patient et son entourage à comprendre la maladie et le traitement, à mieux coopérer avec les soignants et à maintenir ou à améliorer sa qualité de vie». Cette définition souligne la complexité de la relation soigné-soignant et se confond avec la relation thérapeutique en général (Dumont, 2001).

En 2001, les structures hospitalières s’impliquent de manière croissante dans le développement de l’éducation thérapeutique. Déjà à ce moment, l’absence, au niveau légal, de la considération de cette mission n’en facilite pas une vision à long terme.

L’empowerment, autonomisation ou capacitation, est la prise en charge de l’individu, par lui-même, de sa destinée économique, professionnelle, familiale et sociale. Selon Bernard Vallerie (2008), on repère la première utilisation du terme «empowerment» aux États-Unis, au début du XXe siècle. Il est alors énoncé par les femmes luttant pour la reconnaissance de leurs droits. On retrouve également cette notion dans les méthodes du «community organizing» de Saul Alinsky, dès les années 1930, puis dans le mouvement des droits civiques dans les années 1960. En 1965, un groupe de psychologues utilise la notion dans le cadre de pratiques de psychologie communautaire. La notion va alors se diffuser dans de nombreux champs et se retrouver dans les politiques publiques de lutte contre la pauvreté. Dans cette approche, c’est à partir de son opposé que la notion d’empowerment apparaît : une personne perçoit la diminution ou la perte de son autonomie dans un environnement hostile (powerlessness) (Aujoulat, 2007). Développement du pouvoir d’agir des personnes et des collectivités (empowerment) et pratiques sociales : une approche susceptible de contribuer à une dynamique de développement durable. Bernard Vallerie, IUT2 de Grenoble.
L’empowerment se décline également en plusieurs dimensions: individuelle, communautaire et organisationnelle (Gendron, 2006).

L’Organisation Mondiale de la Santé considère l’empowerment des patients en fonction d’objectifs à atteindre dans la politique de santé actuelle. Rendre les patients et les citoyens autonomes et distribuer des soins centrés sur le patient sont considérés comme des éléments importants pour améliorer les résultats et la performance des systèmes de santé. La société actuelle attend une forme nouvelle de gouvernance de la santé plus proche d’une participation des citoyens et des patients (Jakab 2012).

Pourquoi cette réflexion s’accentue-telle?

Contexte hospitalier

 

Depuis la deuxième moitié du XXe siècle, les développements de la médecine ont été rapides ; ils concernent autant la pratique au domicile du patient qu’en milieu hospitalier. 
Au départ des bases mêmes de la médecine (anamnèse, sémiologie, pari diagnostic, pari thérapeutique), les chercheurs ont rapidement élargi la pharmacopée existant encore après la deuxième guerre mondiale et ils ont développé des technologies d’investigation, de traitements médicaux et chirurgicaux, et de communication dont le retentissement s’accentue plus encore dans l’accélération des progrès actuels.
Au cours des 30 dernières années, les pouvoirs de tutelle sont intervenus pour l’organisation de la médecine hospitalière mais ce ne sont pas les lois Dehaene ou Busquin qui expliquent, en Belgique, le besoin actuel de reconsidérer l’organisation des soins hospitaliers pour le bénéfice du patient.

En effet, depuis les années 1980, les grands domaines de la médecine et de la chirurgie ont vu apparaître différentes spécialités «filles» correspondant à une hyper spécialisation dans des domaines autant diagnostique que thérapeutique. L’engouement des médecins eux-mêmes pour cette évolution n’a pas été complètement maîtrisé. On a vu disparaître, par exemple, les internistes généraux sans qu’aucun autre spécialiste ne puisse assurer un rôle équivalent de coordination dans le domaine de toutes les spécialités écloses en médecine interne. Cette pénurie est le reflet, non pas d’un désintérêt intellectuel, mais bien des conséquences de la nomenclature qui défavorise totalement cette pratique qui ne comporte aucune exploration technique tarifiée.
Les évolutions diagnostiques et thérapeutiques ont permis de raccourcir la durée moyenne de séjour en hospitalisation classique changeant aussi la charge de travail des équipes soignantes. Dans le même temps, la médecine ambulatoire hospitalière s’est fortement développée, principalement au niveau de l’hôpital de jour chirurgical, de l’hôpital de jour médical oncologique et des policliniques.

L’évolution socio-économique de l’après-guerre et le développement des soins médicaux ont contribué à augmenter l’espérance de vie. L’augmentation de la moyenne d’âge des patients hospitalisés fait apparaître par la même occasion plus de pathologies lourdes et graves, plus de maladies chroniques (Ekinci, 2005). Elles sont définies par l’OMS comme «affections de longues durées qui en règle générale, évoluent lentement». En Europe, les maladies cardio-vasculaires représentent la première cause de décès (33 %) suivies par les cancers (27 %). En Belgique, plus d’un quart de la population (27,2 %) déclare souffrir d’une maladie chronique (KCE, 2012).

L’hôpital est une structure complexe où travaillent de nombreux professionnels médicaux, infirmiers, paramédicaux, administratifs et des services de soutien. Il y existe de grandes diversités de structures, de motivations, de compétences et de pratiques.
Les projets pour la qualité des soins et la sécurité des patients visent à améliorer l’organisation. Les processus de soins ont déjà fait l’objet de nombreuses démarches (itinéraires cliniques, check-lists, transfert des patients, etc.). A l’évidence, l’organisation n’est pas un problème isolé ; d’autres s’y greffent et sont également très importants comme l’information et la communication. Ces dernières concernent autant le patient que les professionnels eux-mêmes.

L’empowerment doit s’associer à toutes les attentions «centrées» sur le patient. La notion de «centrage» vis-à-vis du patient prend déjà un aspect ancien.
En effet, le modèle paternaliste a fait place à un modèle participatif. Celui-ci est d’ailleurs renforcé par la loi des droits des patients de 2002.

Les 9 dimensions du «patient-centred care» sont (Leperre-Desplanques, Banaei-Bouchareb, Erbault, 2012) :

  1. accès au soin,
  2. respect pour les valeurs, préférences et besoins exprimés des patients,
  3. coordination et intégration du soin,
  4. information, communication et éducation,
  5. confort physique,
  6. aide émotionnelle et soulagement de la peur et de l’anxiété,
  7. implication de la famille et des amis,
  8. transition et continuité,
  9. courtoisie.

Ce qu’attendent les patients

 La «participation des patients» n’est pas comprise de la même façon des patients ou des professionnels de la santé et n’a pas le même sens pour tous. Elle est souvent assimilée au respect du traitement médical et des ordres du médecin. Elle est souvent comprise comme la transmission d’informations générales sur les symptômes des patients. En revanche, elle est moins souvent comprise comme un dialogue plus interactif, ou comme une occasion pour le patient de donner son avis et de participer au devenir de sa prise en charge médicale.

Les praticiens et les patients ne mettent pas clairement en évidence les avantages plus concrets de la participation dans le processus de soins. L’idée d’une meilleure coopération entre le professionnel de la santé et le patient qui permet d’arriver à de meilleurs résultats en matière de santé n’apparaît pas toujours de façon évidente dans l’appréciation des uns et des autres.
Pour beaucoup, la communication est au cœur du sujet. Pour les patients, cela signifie que les praticiens doivent leur expliquer le diagnostic et le traitement. Pour les praticiens, les patients doivent décrire les symptômes et les tenir informés des progrès du traitement.

La principale barrière à une communication efficace est le temps que les médecins peuvent consacrer aux patients. Patients et médecins décrivent le manque de temps dont les médecins disposent pour expliquer les options de traitement.
Certains patients décrivent un «rapport traditionnel médecin – patient», dans lequel le médecin est perçu comme une personne incontestable et où les patients sont gênés de donner leur avis. Pour cette raison, certains patients estiment qu’il est plus facile de communiquer efficacement avec les infirmiers qu’avec les médecins, particulièrement dans les hôpitaux.
Même si les patients ne veulent pas être responsables de la décision à prendre, ils jugent important de pouvoir poser des questions et de comprendre comment les décisions sont prises (Eurobaromètre, 2012).

L’OMS renouvelle en mai 2013 son engagement pour la participation, la coopération et l’autonomisation des patients dans un texte «Un soin propre est un soin plus sûr». Très clairement, les objectifs sont les suivants :

  1. instaurer une véritable culture de la sécurité dans laquelle les patients, leur famille, les visiteurs et les professionnels de santé œuvrent ensemble,
  2. inviter et encourager les patients à aider les professionnels soignants à améliorer leur pratique,
  3. au bout du compte, améliorer l’hygiène des mains et prévenir les infections associées aux soins (OMS, 2013).

En fait, le problème se complique encore par la perception aliénante de la maladie par le patient «ne plus se reconnaître» ou «ne plus être reconnu», «ne plus s’appartenir», «ne plus être le même», etc… sont des expressions très fréquentes des patients (Aujoulat, 2007). Elles révèlent la détresse du patient qui, confronté à la maladie, se trouve en face du douloureux défi de devoir devenir «autrement le même», «autrement» référant aux changements rendus nécessaires par la maladie. Il existe donc un contraste entre l’empowerment comme concept, qui est souvent décrit dans la littérature comme un processus de prise de contrôle assorti d’objectifs éducatifs tels que le renforcement du sentiment d’auto efficacité par rapport à des comportements qui ne sont pas nécessairement auto déterminés, c’est-à-dire choisis par la personne concernée, et d’autre part, l’empowerment comme expérience de vie, qui n’est pas orienté vers l’élargissement mais vers l’être, et qui suppose l’acceptation d’une perte de contrôle.
Toute cette complexité est difficilement expliquée par le patient qui se replie le plus souvent sur lui-même et qui ne se sent pas dans le cadre idéal pour en parler au moment d’une «consultation classique».
Le choix représente également un aspect essentiel de la participation des patients. Il englobe plusieurs types de sujets, dont: pouvoir changer de médecin et connaître les traitements alternatifs.

Presque tous les patients ont aujourd’hui un meilleur accès aux informations concernant leurs symptômes, les diagnostics possibles et les soins. Cette évolution représente un élément positif du point de vue des patients. Ils estiment cependant que les informations devraient être réglementées pour avoir des garde-fous particulièrement utiles sur Internet.

Les professionnels de la santé perçoivent les avantages de la «participation des patients» dans la mesure où les patients sont plus motivés et impliqués. Les avantages pour les patients sont: une information plus optimale, l’explication des options thérapeutiques ainsi qu’un dialogue plus ouvert dans lequel la communication est plus efficace et ouvre au dialogue.

Les deux risques majeurs de la «participation des patients» semblent être les besoins en ressources (par exemple davantage de temps et de personnel) et l’impact négatif qu’elle pourrait avoir sur le rapport patient/médecins. Bénéficier d’explications complémentaires sur les soins et discuter des options impliquent une plus grande contrainte de temps imposée aux médecins et de disponibilité de personnel actuellement non financé (Eurobaromètre, 2012). De plus, si cette prise en charge doit comporter également la liaison entre l’hôpital et d’autres structures extérieures, le problème ce complexifie encore.
Le patient qui rentre plus tôt à son domicile a souvent besoin d’aides complémentaires qui ne font l’objet d’aucune prise en charge par les caisses d’assurance maladie.
En juin 2011, le SPF Santé Publique a publié sa «Note conceptuelle sur les soins transmuraux». L’hôpital n’est qu’une étape dans les soins des patients. Des liens plus forts devraient se tisser avec l’ensemble des structures d’aval. Il faut malheureusement reconnaître que l’expression des besoins des malades est loin d’être rencontrée à ce niveau et que beaucoup reste à faire. En conséquence, l’hôpital manque d’interlocuteurs et de structures d’accueil des patients. La situation s’aggrave aussi avec la pénurie médicale. Vu l’évolution du nombre de médecins généralistes (trois départs sont remplacés par une arrivée), un scénario hautement probable est le partage croissant de leurs tâches avec d’autres professions de la santé.

La loi des droits des patients

 Le 22 août 2002, entrée en vigueur de la loi relative aux droits du patient. Cette nouvelle loi a incontestablement imposé de nouvelles contraintes au corps médical.
Elle a aussi, indirectement, introduit une autre façon de communiquer avec le patient. Grâce à la possibilité de demander un avis à un autre prestataire de soins et d’obtenir une copie de son dossier médical, le patient acquiert de plus en plus de connaissance sur lui-même et sur sa maladie ; et sur ce que fait et pourrait faire le soignant auquel il se confie.
Du côté médical, on devient alors plus prudent, craintif par rapport aux actions en justice et aux attaques des patients qui se disent «acteurs de leur maladie».
Malheureusement, ce type de comportement fragilise la relation de confiance. Le patient a davantage recours à la plainte envers son médecin et celui-ci se sent contraint à adopter un maximum de précautions et de prendre de la distance.
L’article 17 de la loi sur les hôpitaux (coordonnée le 07/08/1987) ajoute un article 17novies et instaure au sein des hôpitaux l’obligation d’avoir un service de médiation hospitalière.
Une des missions principales du Médiateur est de faciliter et de restaurer le dialogue entre les soignants et les soignés, afin de prévenir les litiges ou de résoudre ceux qui ont commencé.

Les droits du patient :

Art. 5. Prestations de qualité répondant à ses besoins:

  • Qualité des soins.
  • Respect de la dignité humaine.
  • Respect de l’autonomie.
  • Sans la moindre discrimination.

 Art. 6. Libre choix du praticien professionnel:

  • Liberté du choix.
  • Modification du choix.

Art. 7. Droit d’être informé:

  • Sur son état de santé et son évolution probable.
  • Dans une langue claire.
  • Par écrit, si le patient le demande.
  • Accompagné par une personne de confiance, si le patient le souhaite.
  • Droit de ne pas être informé.

Art. 8. Consentement libre et éclairé:

  • Moyennant une information préalable, donnée en temps opportun.
  • Donné expressément, sauf lorsque le praticien professionnel peut inférer du comportement du patient qu’il consent à l’intervention.
  • Fixé par écrit dans le DM du patient (conditions).
  • Refus ou retrait de consentement (conditions).
  • Cas d’urgence. 

Art. 9. Le dossier du patient:

  • Soigneusement tenu à jour et conservé en lieu sûr.
  • La consultation du dossier du patient (délais – personne de confiance – annotations personnelles – refus).
  • La copie du dossier du patient (délais – coût – refus).
  • Le dossier du patient décédé.

Art. 10. La vie privée du patient:

  • Lors de toute intervention du praticien professionnel.
  • Sur les informations liées à sa santé.
  • Respect de l’intimité du patient.
  • Aucune ingérence n’est autorisée (sauf exceptions).

Art. 11bis. Droit à des soins appropriés:

  • Prévenir, écouter, évaluer, prendre en compte, traiter et soulager la douleur.

Les devoirs du patient :

  • Participer activement à la relation de soin pour garantir un dialogue ouvert.
  • Transmettre toutes les informations nécessaires pour que le prestataire puisse prodiguer les soins adéquats.

Les droits du prestataire de soins :

  • Exception thérapeutique : dans l’intérêt du patient, le praticien, dans le cadre d’une concertation pluridisciplinaire, peut déroger à la décision prise.
  • Refuser l’accès au dossier médical s’il dispose d’éléments indiquant que le patient subit des pressions.
  • Confidentialité de ses annotations personnelles dans le dossier médical (uniquement consultation indirecte, par l’intermédiaire d’un médecin).

Les devoirs du prestataire de soins :

  • Se conformer à la législation relative aux droits du patient.
  • En cas de plainte, donner suite à une invitation à un entretien avec le médiateur.

2.  Les objectifs à atteindre

Généralités

Il nous semble essentiel que les réflexions d’amélioration de l’empowerment des patients au sein de l’institution hospitalière se fassent en présence de tous les interlocuteurs.
Dans cette démarche, on peut s’inspirer du modèle de Robert Dilts avec les six niveaux différents, en pyramide, partant de la base vers le sommet : l’environnement, le comportement, les aptitudes, puis les valeurs et l’identité, pour arriver finalement à l’appartenance. Il s’applique à tous les processus de l’apprentissage, de changement, de communication, de solution à des problèmes (Seidi, 2011). En posant des questions à chaque niveau, il est possible de rassembler des informations permettant de situer l’endroit où un changement est nécessaire et ce n’est qu’en présence de tous les acteurs que la démarche peut être complète. Plus une personne en sait sur elle-même et sur son interlocuteur, plus il lui est facile de se mettre à la place de l’autre. De ce fait, les problèmes peuvent être identifiés plus aisément et on évite de s’adonner à de pures spéculations qui ne permettraient pas à la nouvelle structure souhaitée d’aboutir. D’autre part, il est ainsi possible d’attribuer les problèmes à un niveau et les endroits où un changement s’impose. Et, leur traitement a lieu au niveau qui est juste au-dessus.

Le projet d’un empowerment des patients concerne particulièrement l’équipe de médecins et d’infirmières et c’est à partir de l’expression de leurs besoins qu’un débat plus général peut être ouvert en matière de culture de la qualité de la sécurité des soins et donc en culture organisationnelle.
Les directions pourront ainsi exprimer leur point de vue et donner leur vision des possibilités dans ce domaine. Ces échanges d’idées doivent se poursuivre de la même façon pour les points suivants, les outils et les méthodes.

Au niveau des équipes soignantes, il n’y a pas de mystère: les besoins sont la disponibilité de temps et de ressources, de locaux d’accueil et de formation, de la logistique téléphonique et de secrétariat.

On peut se demander pourquoi ils ne sont déjà pas rencontrés quand ces démarches d’organisation des soins des patients écourtent les hospitalisations et permettent à l’institution de mieux répondre à la demande.

Comment répondre à l’attente du patient

 Dans un premier temps, la phase diagnostique peut-être plus ou moins complexe en fonction des symptômes du patient. Dans un second temps, quand la maladie est connue, l’objectif thérapeutique et le traitement médical lui sont souvent présentés comme des impératifs (Barrier, 2009).
Une forte proportion de malades chroniques est considérée habituellement comme ne suivant pas suffisamment leur traitement et l’on peut estimer à 30% des patients chroniques ceux qui sont totalement «non observants».
Le discours médical est trop souvent encore lié à une conception de normativité où la norme apparaît comme la seule priorité du médecin.
Il faut considérer l’aptitude du patient à d’abord accepter le diagnostic et ensuite à découvrir et à gérer par lui-même ce qu’il considère comme sa norme de santé pour son meilleur épanouissement possible dans le cadre de la maladie. C’est à ce moment que le patient bâtit un réel projet de vie qui influence l’orientation des décisions à prendre.
C’est là un aspect délicat du problème de la gestion du temps par le médecin dans sa relation au patient chronique.
Dans les conditions d’un premier diagnostic, il n’y a pas lieu de postposer la sortie si toutes les conventions avec le patient ne sont pas abouties. La prise en charge éducative doit se poursuivre en ambulatoire. Dans certains cas, la prise en charge est uniquement ambulatoire.

À partir de ce moment, on rentre dans une phase importante de communication entre le patient, le médecin et les équipes soignantes. Il faut en effet identifier et valider des choix de traitement avec lui et ensuite négocier ses choix en fonction du projet de vie. C’est après cette étape qu’on pourra envisager son autonomisation (Dumez, 2012).

Le contrôle des effets du traitement est donc essentiel. En effet, c’est bien au patient, qui gère lui-même son traitement à qui revient le rôle de contrôle de sa maladie. Le patient autonome vise à repousser les contraintes de sa maladie. C’est la pratique d’ajustement du traitement en autocontrôle volontaire qui peut le lui permettre. Le médecin passe en quelque sorte au second plan. Il est évident que, dans des situations d’urgence, des décisions doivent être prises et qu’elles reviennent en toute légitimité au médecin qui a les instruments de savoir et d’action salutaires.

L’autonomie peut ainsi être comprise comme la gestion intelligente des dépendances impliquées par le statut de patient. Le patient peut poursuivre dès lors un parcours de self management tout en étant bien entendu encore encadré par les équipes de soins, jusqu’à arriver à une certaine expertise dans le domaine de sa maladie qu’il pourrait partager avec d’autres. Nous arrivons ainsi à une notion de «patient expert» qui n’est pas encore véritablement consacrée dans nos habitudes.

Le patient expert

 Le patient peut être expert de lui-même pour lui-même : c’est alors un véritable partenaire des médecins et des équipes soignantes. Le patient expert peut-être aussi une ressource pour les autres, par exemple à la demande des équipes soignantes et son expertise peut concerner d’autres horizons que ceux de la seule maladie.
Le patient expert peut être enfin un patient aidant, en particulier pour les patients novices ou les patients en difficulté.
Il faut dès lors prévoir une aide disponible en permanence. L’informatique a une place privilégiée dans un tel domaine. La note d’orientation SPF Santé Publique – INAMI (2013) présente l’idée d’un module qui devrait répondre à plusieurs critères pour aider le patient et pour assurer la surveillance de son évolution et la prévention des complications.
Cette mission peut aller jusqu’à un patient expert «professionnel» qui doit alors oublier son expérience personnelle et se former pour la connaissance de la maladie, de la psychologie et de la communication. Qui va gérer ce programme de formation? Quelle doit être l’évaluation de la formation suivie? Quelles seront les modalités de «certification»? Bien d’autres questions peuvent encore être évoquées sur ce sujet (Grimaldi, 2012).

Le case management

L’empowerment étant une démarche particulièrement attachée aux maladies chroniques, sa gestion devient une nécessité (SPF Santé Publique, INAMI, 2013). Dans les cas ordinaires, le patient devrait pouvoir assurer seul la gestion de son cas (tout au moins jusqu’à un certain âge). Si la complexité de la situation est importante ou que l’autonomie du patient diminue, d’autres personnes seront plus impliquées dans le case management. Cette fonction nécessite la définition d’un case manager mais aussi une autre façon de se coordonner. La communication et l’approche multidisciplinaire des soins sont 2 facteurs de réussite que l’on trouve dans toutes les démarches Qualité. Ceci implique non seulement de nouvelles fonctions mais également une formation adaptée.

Ethique et déontologie

L’empowerment des patients apparaît comme une démarche naturelle pour le bénéfice du binôme patient-médecin.
En règle générale, il n’y a pas de crainte particulière à exprimer sur le sujet mais certains cas de figure doivent cependant être évoqués en raison des droits des patients. Cela concerne particulièrement le secret médical dans les cas de support par un membre de la famille: divergence de vue entre membres d’une même famille, situation potentielle de succession, etc. Cette aide doit-elle être associée à la notion de personne de confiance désignée officiellement par le patient (et résiliable)?

Dans l’objectif d’une prise en charge transmurale complète et de soins intégrés, il faut bien définir les partenaires et établir des conventions de telle sorte que la transmission du dossier médical réponde aux exigences en la matière et que le patient (ou son délégué) ait marqué son accord.

«Output» et indicateurs

 Comme pour tout projet qualité-sécurité des patients, la mesure des résultats est un point essentiel de feedback pour poursuivre l’amélioration.
Indicateurs à discuter : morbi-mortalité, ré hospitalisations, satisfaction, événements indésirables, retours d’expérience, médiations, plaintes, par exemple. Ils devraient être, qualitatifs et quantitatifs, validés scientifiquement, acceptés des professionnels de la santé et des représentants des patients. Ils devraient assurer également un feedback des aspects pratiques (faisabilité) et de la maîtrise des coûts.

3.  Conclusions

Le processus de l’empowerment peut être construit sur un principe d’itinéraire clinique pour ses aspects principaux en respectant les étapes essentielles qui mènent à l’autonomisation.
Le projet de vie module ce qu’on considère alors comme un standard de base. Pour certains patients qui ont une vie très active ou qui souhaitent aller le plus loin possible dans sa préservation, la personnalisation et donc l’encadrement par des professionnels de la santé doivent être très accentués.
Si on s’accorde pour une telle approche, il est aussi concevable d’évoquer un «empowerment intégré». Cette appellation pourrait recouvrir l’organisation globale des soins hospitaliers et de la 1ère ligne. La note d’orientation SPF Santé Publique – INAMI ouvre de nouveaux horizons jusqu’à considérer indispensable de financer le dossier patient informatisé global dans des conditions strictes d’encodage et de fiabilité de l’information. 

Références

Aujoulat Isabelle (2007). L’empowerment des patients atteints de maladie chronique. Thèse de doctorat, UCL.

Barrier Philippe (2009). Le contrôle dans la maladie chronique, le point de vue du patient expert. 13è congrès de pneumologie de langue française, Lyon.

Dumez Vincent (2012). Partenariat de soins avec les patients : tendances et défis en contexte de maladies chroniques. 4è rendez-vous de la gestion des maladies chroniques, Montréal.

Dumont Jacques (2001). Etat des lieux sur le développement structurel de l’éducation thérapeutique du patient. L’Hôpital Belge, n° 4, 58-60.

Ekinci O. (2010). Getting to the heart of Things; European Hospital.

Eurobaromètre (2012). Etude qualitative, Commission européenne. Rapport complet. Participation des patients.

Gendron Jean Stephen (2006). Le principe de l’empowerment et de la PNL appliqués au monde des affaires. Association internationale de thérapeutes et association canadienne de PNL.

Grimaldi A. (2012). «Patient expert»: une clarification nécessaire. 2èmes rencontres d’éducation thérapeutique du patient, Lyon.

Jakab Zsuzsanna (2012). Patient empowerment in the European Region. First European Conference on Patient Empowerment. Copenhagen.

KCE (2012). Rapport 190 B, Organisation des soins pour les malades chroniques en Belgique.

Leperre-Desplanques Armelle, Banaei-Bouchareb Linda, Erbault Marie (2012). Accident vasculaire cérébral, Perspectives HAS, Expérience Patient. Plénière annuelle HAS.

OMS (2013). Les patients ont leur mot à dire ! http://www.who.int/gpsc/5may/5may2013_patient-participation/fr/.

Seidi Barbara (2011). L’Art de la PNL, Ixelles éditions, p 101-102.

SPF Santé Publique, INAMI (2013). Note d’orientation. Une vision intégrée des soins aux malades chroniques en Belgique.

Vallerie Bernard (2008). Développement du pouvoir d’agir des personnes et des collectivités (empowerment) et pratiques sociales. Une approche susceptible de contribuer à une dynamique de développement durable. In Fondation d’Auteuil, Familles et professionnels de l’action sociale. Eduquer ensemble. Lyon, Chronique sociale.

◄ Retour au sommaire

Nouveautés

Agenda scientifique

  • mars 2024
  • 28/03
    Symposium BICS
  • avril 2024
  • du 8/04 au 11/04 || à Edinburgh
    The Microbiology Society Annual Conference
  • du 23/04 au 24/04 || à Birmingham
    Prévention et Contrôle des infections (IPC)
  • du 27/04 au 30/04 || à Barcelone
    34th European Congress of Clinical Microbiology and infectious diseases
  • mai 2024
  • du 16/05 au 17/05 || à Louvain-La-Neuve
    18ème Rencontre Internationale Francophone des Infirmiers et Infirmières (RIF)
Charger les évènements suivants

Proposer un article ?

Offres d'emploi

Nos partenaires

Flux RSS

Subscribe

Comité de rédaction

Les anciens numéros

Toutes les archives

Découvrez nos dossiers spéciaux

Expériences à partager