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Rapport BELMAP 2021, premier rapport “One Health” sur la resistance aux agents antimicrobiens en Belgique

Gaëlle Vandermeulen - SPF Santé Publique Pieter-Jan Ceyssens - Sciensano

 

 

 

 

 

La surveillance est un outil clé pour guider les politiques de prévention et de contrôle des infections, pour définir des stratégies d’intervention ou encore pour améliorer la qualité des soins et orienter les programmes de recherche. Dans cette optique, il existe des programmes nationaux de surveillance, bien établis, tant pour ce qui concerne la consommation d’agents antimicrobiens que le suivi de l’apparition de résistances aux antimicrobiens (AMR) chez l’homme, les animaux producteurs d’aliments, la chaine alimentaire et l’environnement. Les différents programmes sont organisés avec des objectifs différents et il était jusqu’ici difficile d’avoir une vue d’ensemble claire de la situation belge pour l’ensemble des secteurs.

Le rapport BELMAP 2021, premier rapport belge « One Health » sur l’AMR, a pour but de résumer les résultats et les tendances des programmes de surveillance existants (portant sur la période 2011-2020), de souligner les limites et d’identifier les lacunes potentielles et enfin de formuler des recommandations globales pour améliorer la surveillance.

Résumé

Le BELMAP utilise des indicateurs clés pour résumer les tendances de la consommation d’antimicrobiens (AMC) et de la résistance aux antimicrobiens (AMR) chez l’homme et chez les animaux producteurs d’aliments en Belgique. Les indicateurs sélectionnés, légèrement modifiés par rapport à ceux recommandés par l’ECDC, l’EFSA et l’EMA en 20171, sont répartis en indicateurs primaires et secondaires. 

Les indicateurs primaires reflètent globalement la situation concernant l’AMC et l’AMR. Ils ne couvrent pas tous les aspects épidémiologiques de l’AMC et l’AMR et demeurent arbitraires, mais peuvent être utilisés pour fournir une évaluation générale de la situation globale. Les indicateurs secondaires sont conçus pour fournir des informations sur des questions plus spécifiques qui sont également considérées comme importantes pour la santé publique, mais dont la portée est plus restreinte, ou pour englober des domaines qui ne sont pas entièrement couverts par l’indicateur primaire. À l’exception des indicateurs proposés pour l’AMR chez l’homme, les indicateurs ne sont généralement pas destinés en tant que tels à surveiller les effets d’interventions ciblées dans un secteur spécifique, par exemple dans une seule espèce animale ou dans un seul secteur de production animale1.

Consommation d’antimicrobiens

Secteur vétérinaire

La consommation d’antimicrobiens dans le secteur vétérinaire, mesurée en ventes totales (mg/kg de biomasse), a fortement diminué depuis 2011. Les données montrent une réduction cumulée de 40,2 % en 2020, avec cependant une légère augmentation au cours des dernières années de la période considérée. La baisse est encore plus évidente dans les indicateurs secondaires, car les antibiotiques d’importance critique (fluoroquinolones et céphalosporines de 3ème et 4ème génération) ont connu une réduction cumulée de 70,1% en 2020 par rapport à 2011. Une réduction similaire (71,3 %) a été obtenue pour les polymyxines, tandis que les prémélanges2  antibactériens ont connu une réduction cumulative significative de 70,4 % au cours de la même période. 

 

 

 

 

 

En Belgique, l’utilisation d’antibiotiques par secteur et par catégorie d’animaux est enregistrée depuis 2018, et exprimée en BD100 correspondant au pourcentage de temps pendant lequel un animal est traité avec des antibiotiques. Au cours de la période considérée, une réduction significative du BD100  médian n’a été obtenue que chez les veaux de boucherie. Toutefois, ce secteur reste celui qui utilise le plus d’antibiotiques, suivi de près par le secteur des porcelets sevrés.

Secteur humain

La décennie précédente a vu une réduction considérable de l’utilisation des antimicrobiens dans la pratique ambulatoire. De 2010 à 2019, on a constaté une réduction statistiquement significative de 14% de l’utilisation des antibiotiques remboursés. Pendant la pandémie de Covid-19, une forte réduction additionnelle a été observée, ce qui pourrait être lié au changement du mode de soins pendant la pandémie.

 

 

 

 

 

 

 

Le rapport d’utilisation entre l’amoxicilline et l’amoxicilline/acide clavulanique ne s’est que légèrement amélioré au cours de la dernière décennie (de 46/54 en 2010 à 51/49 en 2019), mais est encore loin de l’objectif de 80/20 fixé par la BAPCOC. De même, la réduction ciblée de la proportion de fluoroquinolones consommées parmi les antibiotiques (5% en 2018) n’a pas été atteinte : 6,7% en 2019, en tenant compte de la consommation non remboursée. Du côté positif, le ratio global des antibiotiques à spectre large3
par rapport aux antibiotiques à spectre étroit a sensiblement diminué.

Dans les hôpitaux belges de soins aigus (données 2011-2019), environ 450 doses journalières définies (Defined Daily Dose, DDD) d’antibiotiques (toutes classes confondues) sont enregistrées pour 1000 jours-patients, et cette utilisation a légèrement augmenté (3%) au cours de la dernière décennie. De grandes disparités existent entre les hôpitaux de soins aigus, chroniques et psychiatriques. Elles s’observent également lorsqu’on les compare par type d’hôpital (primaire, secondaire, tertiaire). La proportion d’utilisation d’antibiotiques à spectre large dans les hôpitaux belges (29,5% en 2019) ne s’est que légèrement (mais pas significativement) améliorée au fil du temps. Pour ce paramètre également, une forte variation entre les hôpitaux a été rapportée dans le cadre du programme de surveillance BeH-SAC.

 

 

 

 

 

 

Pour les AMC relatives aux antibiotiques à large spectre dans le secteur hospitalier, une diminution très significative de l’utilisation des fluoroquinolones est observée (-27% entre 2011 et 2019). En revanche, la proportion de pipéracilline en association avec le tazobactam (+48%) et de glycopeptides (+12%) a significativement augmenté au fil du temps. L’augmentation de l’utilisation des glycopeptides s’est néanmoins limitée à la période 2011-2013 et s’est stabilisée par la suite.

 

 

 

 

 

Résistance aux antimicrobiens

Parmi les agents pathogènes humains

Le BELMAP a proposé de légères modifications par rapport aux indicateurs clés de l’AMR proposés en 2017 par l’EMA/ECDC1 pour les pathogènes humains. La prévalence de Klebsiella pneumoniae résistante aux carbapénèmes a été considérée comme un indicateur primaire et la résistance à la ciprofloxacine chez Salmonella et Campylobacter spp. a été retirée de la liste des indicateurs secondaires.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Au cours de la dernière décennie, la proportion d’isolats de Staphylococcus aureus résistants à la méticilline (MRSA) a fortement et continuellement diminué en Belgique. Ceci contraste avec la proportion croissante d’isolats cliniques
d’E. coli résistants aux céphalosporines de 3ème génération, bien qu’une stabilisation autour de 10% soit observée après 2014. La prévalence de K. pneumoniae résistant aux carbapénèmes sur cette période a augmenté et a atteint 1,2% en 2019. La proportion de souches de K. pneumoniae multirésistantes (MDR), résistantes aux céphalosporines de 3e génération, aux aminoglycosides et aux fluoroquinolones, a légèrement augmenté (2011-2014) puis s’est stabilisée autour de 10 %, ce qui reste inférieur à la moyenne européenne (en baisse). La résistance à la colistine chez les E. coli pathogènes, ajoutée aux indicateurs clés pour tenir compte de l’utilisation des polymyxines chez l’homme et l’animal, reste inférieure à 1%.

En 2020, une augmentation de la résistance à la pénicilline a été observée parmi les souches invasives de Streptococcus pneumoniae,  contrastant avec une stabilité des taux de résistance à la pénicilline de 10% (2011-2019). Cela pourrait être dû à un changement d’interprétation des résultats des antibiogrammes au Centre national de référence (CNR) en 2019, et à une réduction substantielle du nombre d’échantillons collectés en 2020. Pour les macrolides, une augmentation similaire a été observée pendant la crise du Covid-19, contrastant avec une baisse initiale et un taux de résistance stable d’environ 15 % pour la période 2015-2019.

Parmi les indicateurs issus d’animaux sains destinés à la production de denrées alimentaires

En raison du manque de données publiques sur l’AMR chez les pathogènes animaux, le BELMAP utilise les données sur l’AMR des bactéries commensales d’animaux sains comme indicateur général de la résistance chez les animaux destinés à
l’alimentation. Ces bactéries peuvent acquérir et conserver des gènes de résistance provenant d’autres organismes dans l’environnement et dans les populations animales. Par conséquent, leurs niveaux de résistance reflètent l’ampleur de la pression exercée par les antibiotiques dans la population.

De grandes différences existent entre les groupes d’animaux. La plus grande proportion de souches d’E. coli totalement sensibles est isolée chez les bovins, avec une augmentation significative de souches pan-sensibles vers un niveau record de 78 % en 2020, et une réduction significative de souches multirésistants. Dans les trois autres populations animales productrices de denrées alimentaires surveillées (poulets de chair, bovins de boucherie, porcs et veaux de boucherie), on n’observe de changements significatifs dans la proportion de souches d’E. coli totalement sensibles (2011-2020).  Les niveaux d’ E. coli multirésistants sont les plus élevés chez les volailles.

Parmi les volailles, les bovins et les veaux de boucherie, nous observons une diminution significative de la résistance à la ciprofloxacine sur l’ensemble de la période 2011-2020, atteignant ses niveaux les plus bas en 2020. De même, la prévalence de la résistance à la colistine chez les veaux de boucherie a diminué de manière significative. Pour toutes les autres espèces, la prévalence de la résistance à la ciprofloxacine, à la colistine et aux céphalosporines est restée stable et très faible, c’est-à-dire inférieure à 10 % au fil des années.

Le rapport BELMAP 2021 complet est consultable et est téléchargeable sur le site du SPF Santé Publique, Sécurité de la Chaîne Alimentaire et Environnement à l’adresse suivante:
https://www.health.belgium.be/sites/default/files/uploads/fields/fpshealth_theme_file/rapport_annuel_amr_2021.pdf

1  ECDC, EFSA BIOHAZ Panel and the EMA Committee for Medicinal Products for Veterinary Use, 2017. ECDC, EFSA and EMA Joint Scientific Opinion on a list of outcome indicators as regards surveillance of antimicrobial resistance and antimicrobial consumption in humans and food-producing animals. EFSA Journal 2017;15(10):5017, 70 pp.

2 Les prémélanges sont des médicaments vétérinaires destinés à être incorporés dans les aliments pour animaux, c’est-à-dire des aliments pour lesquels des antimicrobiens sont mélangés avant ou au moment de la livraison à la ferme.

3  Pour le secteur ambulatoire, les antibiotiques considérés comme  à large spectre comprennent les pénicillines, les céphalosporines, les macrolides et les fluoroquinolones.

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