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Journée d’étude pour infirmiers sur le contrôle des infections : 14 mars 2016 – 42e semaine des infirmières et sages-femmes

Katrien Vanderwee - infirmière-hygiéniste hospitalière, hôpital OLV van Lourdes Waregem Sara Depotter - infirmière - prévention des infections, AZ Sint-Lucas de Gand

Alors que la 42e semaine des infirmières et sages-femmes battait son plein, la journée d’étude pour infirmiers abordant le contrôle des infections hospitalières s’est concentrée sur la gestion du changement dans la prévention des infections liées aux soins. Une meilleure prévention des infections passe inévitablement par un changement de comportement, d’habitudes et de culture.  Cette journée d’étude nous a permis d’avoir un meilleur aperçu du changement de comportement et de culture, de l’application du Lean Management dans la prévention des infections et de plusieurs exemples pratiques où ce changement de comportement a été tenté pour prévenir les infections liées aux soins. 

Birgit Beckers, psychothérapeute et enseignante à la formation-cadre du CVO Lethas, nous a présenté la lecture passionnante suivante : « Changer de comportement et de culture : comment réagir à la résistance ? »

Les hygiénistes hospitaliers sont fréquemment confrontés à un comportement indésirable de la part de prestataires de soins, comme le port d’une montre ou la non-désinfection des mains avant d’entrer en contact avec un patient. Mme  Beckers a énoncé les raisons qui pouvaient être à l’origine de ce comportement indésirable. Quelle est la mentalité des collaborateurs ? Par exemple, à vouloir se mettre rapidement au travail, on peut omettre de se désinfecter les mains. Mais la culture a également son importance. Ainsi, y a-t-il une grande distance hiérarchique, évite-t-on les conflits ou a-t-on tendance à suivre le supérieur de rang ? On peut agir sur ces différents éléments en vue de changer la culture.
Cependant, ce changement n’a rien d’évident.  Mme Beckers indique qu’en cas de bouleversement, les collaborateurs pensent à ce qu’ils peuvent perdre (ex. temps, confort, acquis) ou gagner (ex. nouvelles aptitudes, meilleure qualité). Les prestataires de soins peuvent passer par différentes phases lors de la mise en œuvre de changements :
(1) déni,
(2) résistance,
(3) exploration
(4) adhésion.

Les collaborateurs d’une équipe se sont répartis dans ces 4 phases. A chaque phase, les points d’attention ont été débattus. Cependant, le temps a tellement vite passé que certains conseils pratiques n’ont pu être proposés. Mais promesse est faite d’y remédier une prochaine fois. Cela promet, donc!

Alain Anthierens, directeur soins aux patients à la BZIO et collaborateur bénévole au Centre universitaire pour infirmiers et sages-femmes de l’Université de Gand, pose au cours de son exposé la question de savoir si le Lean Management est un instrument ou  plutôt un système de gestion? 

Les hôpitaux doivent faire de plus en plus d’économies et voient souvent l’application du Lean Management comme une solution à leurs problèmes financiers. Dans de nombreux établissements de soins, le Lean management se résume à l’utilisation de quelques « outils d’allègement ». Néanmoins, le Lean management est un système de gestion intégré qui se base sur la philosophie et la méthode de production de Toyota.  M. Anthierens a exposé l’histoire de la famille Toyota. Pour eux, la motivation n’était pas le profit ou les économies, mais bien le bien-être, l’épanouissement de leurs collaborateurs, la qualité de leurs produits et la satisfaction du client.  Une base importante de départ dans le Lean Management est la culture d’amélioration permanente.  M. Anthierens a émis quelques réflexions critiques sur l’application du Lean Management dans le secteur de la santé : les établissements de soins ne sont pas des concessions automobiles, chaque patient est unique, comment identifions- nous la voix du client ?
Ce qu’il faut impérativement retenir, c’est que le Lean Management veut développer une culture de l’amélioration permanente.

Dans la foulée, Stijn Slootmans, chef du projet UZA Lean & Productive Ward,  a présenté son exposé sur L’application du Lean management dans le cadre du contrôle des infections à l’UZ Antwerpen.  Plus spécifiquement, il a expliqué comment le management visuel pouvait aider à appliquer la prévention des infections sur le lieu de travail. Le programme UZA Lean se base sur les principes de l’amélioration permanente, l’implication de tous les collaborateurs, l’analyse et l’amélioration des processus de travail, une prise en main systématique et un environnement de travail bien organisé. M. Slootmans décrit le management visuel comme un outil qui permet d’aider les collaborateurs dans l’exécution de leurs tâches grâce à des accessoires visuels qui ne requièrent aucune interprétation mais suscitent des réactions. L’important, c’est la règle des 3 secondes, selon laquelle les collaborateurs doivent pouvoir évaluer le statut de l’espace ou du processus en un clin d’œil.

Dans le cadre de la prévention des infections, le management visuel peut être appliqué au niveau
(1) des résultats,
(2) des processus
(3) de l’environnement.

M. Slootmans a présenté plusieurs applications intéressantes à l’UZA :
(1) Les résultats du service en matière d’hygiène des mains, d’infections du tractus urinaire associées à  l’usage de sonde et de bactériémies liées aux cathéters centraux sont affichés sur le tableau des prestations. Chaque semaine, 10 minutes sont consacrées pour discuter de ces résultats en réunion d’équipe. Le but est d’encourager les infirmiers à entreprendre eux-mêmes des actions en équipe si des améliorations s’avèrent nécessaires.
(2) Un diagramme spaghetti permet de visualiser la non-conformité  en séparant le propre du sale. La fiche numérique du patient indique clairement les mesures d’isolement à prendre en fonction du statut.
(3) Afin de développer une dynamique d’amélioration continue de l’ordre, de la propreté, de la sécurité et de l’organisation du travail optimale,  la méthode des 5 S a été utilisée.

Selon M. Slootmans, les principaux objectifs du management visuel sont de faciliter l’exécution du travail, d’augmenter la participation des collaborateurs dans leur propre (environnement de) travail, d’offrir des opportunités de communiquer ouvertement grâce à des signaux clairs/simples et de prendre des décisions basées sur la réalité (et non de la perception).

La dernière oratrice de la matinée fut Veronique Blomme, infirmière-hygiéniste hospitalière à l’AZ Sint-Rembert Torhout. Son exposé Lean management au sein du contrôle et de la prévention des infections à l’AZ Sint-Rembert portait sur l’application de la  méthode des 5 S au moment de la révision de la  politique d’isolement. Le but ultime est que les collaborateurs prennent aussi rapidement que possible les mesures correctes d’isolement de manière à garantir la sécurité des collaborateurs et des autres patients.

Trois codes couleurs sont utilisés pour les mesures d’isolement : jaune pour l’isolement de contact, bleu pour les précautions de type « air » et « gouttelettes », rouge pour l’isolement protecteur strict (sélectionner). Une case est prévue pour chaque type d’isolement, reprenant l’équipement de protection individuelle adéquat et une fiche de signalisation d’isolement de la chambre. Le but est que les collaborateurs soient capables de mettre en place le type de mesures d’isolement adéquat dans les 30 secondes. Une liste récapitulative reprenant le type d’isolement dans la couleur correspondante (tri) est prévue à cet effet. Il existe une classification récapitulative par type de caisse d’isolement septique et de fiche de signalisation d’isolement à mettre dans le dossier du patient (nettoyage). Des procédures et méthodes de travail sont disponibles dans tout l’hôpital via l’intranet, énumérées par germe pathogène, et des fiches et des caisses d’isolement septique sont prévues dans chaque service (standardisation). Cette méthode de travail est maintenue grâce à son intégration dans le processus des soins et le suivi et la motivation sur le lieu de travail.
Le programme de l’après-midi s’est concentré sur l’accompagnement des collaborateurs sur leur lieu de travail et plusieurs conseils ont été donnés pour que la campagne de contrôle des infections reste captivante.

Le premier orateur fut Yves Velghe du CHU Brugmann à Bruxelles. Support manager de la Direction du Département Infirmier et Paramédical (Learning and Development), il est également Infirmier-chef de service (Manager de soins) en charge de l’Hygiène hospitalière.

M. Velghe a insisté sur l’intérêt d’un management stratégique au sein du secteur des soins de santé. Pour favoriser un changement durable au sein de l’organisation, il est essentiel d’une part d’impliquer le Directeur des Soins responsable de la lutte contre les infections durant le processus de changement,  et d’autre part que la politique de gestion repose sur la relation triangulaire entre le manager de soins, le référent et le supérieur hiérarchique direct (Chef opérationnel) .  M. Velghe renvoie à cet effet au modèle Taylor (know-how) qui définit et reconnait  clairement le rôle et les responsabilités de chacun au sein de l’établissement. Les personnages-clés de cette relation triangulaire sont les infirmiers-référents en hygiène hospitalière qui sont impliqués depuis 2008 dans la politique de lutte contre les infections. Ils apportent notamment leur contribution au sein du programme de formation et lors de la fixation d’indicateurs d’application pour la lutte contre les infections. Donner la priorité à des accords clairs sur le plan de la lutte contre les infections est un autre élément essentiel au bon fonctionnement de la collaboration. Le soutien actif de la Direction est capital à cet effet. Enfin, l’accent a été mis sur l’implémentation de processus d’amélioration qui remettent en question certaines pratiques et les corrigent si nécessaire.

Lieven Hoebrekx, cadre moyen- intermédiaire infirmière-hygiéniste hospitalière à l’AZ Diest, a révélé comment l’équipe de lutte contre les infections donnait son feed-back de manière correcte et motivante aux collaborateurs qui sont en contact direct avec des patients.

Il y a de plus en plus de demandes de surveillance et de publication des activités hospitalières visant à améliorer la qualité des soins. Sur base de ces résultats notamment, les patients peuvent choisir en âme et conscience un hôpital bien précis. Pour l’hôpital en lui-même, ces données doivent représenter un outil, un instrument permettant de mettre en place des actions visant à améliorer la qualité. Il importe ici que les collaborateurs se sentent impliqués durant le feed-back de ces résultats. En effet, ce dernier constitue un point de repère qui permet de juger de l’évolution au sein d’un processus spécifique et non une finalité  en soi. C’est un point de départ vers un objectif nouveau/adapté. Pour pouvoir réaliser cela, il est important de rassembler des données qui permettent de sensibiliser les collaborateurs et de les inciter à changer leur comportement.
Selon M. Hoebrekx, la mise en place d’indicateurs clairs et mesurables est un premier prérequis pour pouvoir donner un feed-back de qualité. Ces indicateurs « SMART » peuvent concerner la structure, le processus ou le résultat, du moment qu’ils permettent de discuter du comportement observé et ainsi aboutir à des soins de qualité.
Une approche portant sur le processus a tout son intérêt ici. Après exécution d’actions ciblées dans le service, des mesures sont effectuées à l’aide d’indicateurs. Ces résultats sont traduits en un feed-back motivant destiné aux collaborateurs. La visualisation des résultats permet de rendre le feed-back attrayant en soi. En collaboration avec l’équipe d’hygiène hospitalière, des actions adaptées peuvent être élaborées.  Cela clôture le processus d’amélioration de la qualité, les résultats ne sont pas un objectif en soi et aucun chiffre n’est publié, rien que pour être repris dans un rapport annuel.

An Willemse, infirmière-hygiéniste hospitalière, Hôpital O.L.V. Alost-Asse-Ninove, a présenté un projet en matière d’hygiène des mains au service des soins intensifs.  Suite à l’apparition de 4 cas de pneumonie à germe multi-résistant en 2012, un projet portant sur l’hygiène des mains a été mis en place au service des soins intensifs. Les mesures d’observation par l’équipe de lutte contre les infections ont été suivies d’un feed-back immédiat aux prestataires de soins concernés, et les résultats globaux ont été rapportés aux médecins et à la hiérarchie. Il en a résulté plusieurs actions concrètes d’amélioration, présentées par l’infirmier en chef en réunion de service. Les résultats étaient encourageants et l’idée de mettre en œuvre dans la foulée un projet « donne-moi la main… » vit le jour. Ce projet a connu une approche multimodale, dont l’accompagnement au chevet et la réorientation par des infirmiers-référents officiant dans le service représentent des éléments essentiels. Il s’en est suivi une auto-évaluation (fascicule d’information), puis un test de connaissances en matière d’hygiène des mains. Tous les infirmiers et prestataires de soins actifs dans le service des soins intensifs ont été assistés et réorientés par un collègue infirmier durant leurs activités quotidiennes de soins. Les médecins et professionnels paramédicaux ont également reçu un feed-back direct. Le projet a été mis en place grâce à une collaboration intensive entre les infirmiers-référents en hygiène hospitalière , les collaborateurs au projet issus du service de soins intensifs et l’équipe d’hygiène hospitalière. Les résultats sont d’ores et déjà très encourageants sur le lieu de travail !

Jany Coenen, infirmier-hygiéniste hospitalier, RZ Heilig Hart de Tirlemont, a quant à lui abordé l’approche et la mise en œuvre d’une campagne d’hygiène des mains vis-à-vis des médecins. L’étude en 3 volets comprenait (1) la promotion de l’hygiène des mains, (2) le mesurage de l’intérêt pour l’étude ainsi que de la bonne application de la technique d’hygiène des mains, et (3) le feed-back ciblé aux médecins au sujet des techniques d’hygiène des mains. Cette étude a trouvé son impulsion dans  les chiffres internes élevés relatifs au SARM, qui ont donné des cheveux gris aux membres du groupe consacré à la politique d’antibiothérapie.
Pour pouvoir mesurer la qualité de la technique d’hygiène des mains, il a été demandé aux médecins de procéder eux-mêmes à la prise d’échantillons pour culture sur leurs doigts. Les échantillons étaient prélevés par le médecin en personne, Le suivi et le feed-back des résultats ont été effectués rigoureusement par l’équipe de lutte contre les infections. D’une part, un feedback individuel était prévu, d’autre part un feed-back général sur le taux de participation était distribué par différents canaux.
Quatre-vingt pour cent des médecins ont participé au projet, permettant ainsi d’atteindre l’objectif des 75%. L’information des médecins s’est avérée cruciale pour pouvoir atteindre ce taux de participation. Tant la diffusion des résultats via les écrans PC que l’information des médecins par bulletin d’information et par e-mail se sont avérés efficaces.

Sara Depotter, infirmière chargée de la prévention des infections à l’AZ St-Lucas de Gand, a partagé ses expériences en matière d’implémentation d’un système de formation et d’audit mobile, le « SureWatch », au sein de l’hôpital. Cet appareil innovant se compose d’une plateforme Microsoft équipée d’un système SureWash® basé sur le protocole d’hygiène des mains de l’OMS. L’utilisateur s’identifie au moyen de son badge personnel, ce qui permet d’effectuer l’enregistrement à son nom. Pendant et après la séance d’exercice et de test, l’appareil donne un feed-back direct. Si l’utilisateur réussit le test, il est déclaré apte à la bonne exécution de la technique d’hygiène des mains. Les rapports du service peuvent ensuite être rédigés. A l’AZ Sint-Lucas de Gand, 657 infirmiers ont passé le test durant une période de 14 mois, et 84% d’entre eux l’ont réussi. Les infirmiers sont enthousiastes à l’idée de travailler avec SureWash, mais il convient de ne pas sous-estimer le soutien logistique nécessaire à cet effet. Pour garder un niveau élevé d’exercice, différents acteurs doivent être impliqués au sein de l’hôpital. Selon Mme  Depotter, cette innovation ne peut avoir un effet positif que si un processus d’amélioration durable et interactif est conjugué à l’utilisation de SureWash.

Csaba Hankó, Directeur Sales & Marketing du « Hand-in-Scan », a présenté un autre système innovant pour exercer la technique d’hygiène des mains et en évaluer la qualité. L’utilisateur s’identifie avec son badge personnel et reçoit un feed-back individuel. Le scanner de Semmelweis prend un instantané des mains désinfectées et évalue objectivement si la technique a été appliquée correctement ou non et dans quelle mesure.  Les zones insuffisamment désinfectées des mains sont identifiées et l’utilisateur reçoit un rapport reprenant son score. Une déclaration d’aptitude peut être associée à ce système et un audit de la technique d’hygiène des mains peut être effectué dans le service de manière innovante. Ce système a déjà été mis en œuvre dans plusieurs hôpitaux hongrois. 

Nous pouvons en conclure qu’il s’agissait d’une journée d’étude intéressante, qui nous a permis d’une part d’avoir une meilleure vision du concept et de l’application du Lean Management, et d’autre part de mettre en œuvre des projets de changement avec des points de repère et de l’inspiration. Nous espérons dès lors avoir le plaisir de vous accueillir à nouveau à l’occasion de notre prochaine journée d’étude, qui se tiendra le lundi 20 mars 2017 sous le thème « lutte contre les maladies infectieuses – des cas classiques aux plus extrêmes ». Des informations supplémentaires relatives au contenu concret et aux orateurs suivront.

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