Après deux années de report suite à la pandémie, les XVIIèmes Rencontres Internationales des Infirmier(e)s en Hygiène et Prévention de l’Infection ont eu lieu les 27 & 28 octobre 2022 au Luxembourg. Malgré l’énorme charge de travail induite par la crise COVID, les orateurs ont présenté des exposés de qualité lors de ces deux journées. Les différents sujets présentés sont le reflet non seulement des capacités d’adaptation des équipes PCI (Prévention et contrôle des infections) mais aussi de leur créativité et de leur professionnalisme.

Au Luxembourg, le Centre de Réhabilitation du Château de Colpach de la Croix-Rouge Luxembourgeoise a changé de mission à la demande du Haut-Commissariat à la Protection Nationale pour devenir un Centre de Traitement COVID et ce dès mars 2020. Afin de relever ce défi, le centre a dû procéder à divers changements au niveau de la structure, du personnel et des patients. Dès le 16 mars 2020, il était prêt à accueillir les premiers patients. L’état des lieux et la définition des besoins ont abouti à une organisation pyramidale avec une définition claire des rôles de chacun. Avant l’arrivée des premiers patients l’infirmière hygiéniste a dû redéfinir les différents circuits (personnel, linge, déchets), réaliser différentes affiches (séquences habillage et déshabillage), formaliser les procédures et former le personnel. Pendant toute la durée de cette mission, la direction et les cadres de soins étaient présentes sur le terrain et accompagnaient les changements, ce qui a grandement contribué à la réussite de ce mandat transitoire.

En Suisse, le Pôle Santé de la Vallée du Joux a réagi face à la crise en se donnant pour objectifs d’assumer la continuité des soins pour les patients COVID-19 ou non COVID-19 de son service de soins aigus, de poursuivre sa mission de soins de proximité et de protéger les résidents de l’EMS (Etablissement médico-social), les patients et les collaborateurs. Pour atteindre ceux-ci, il a développé des collaborations avec les médecins de ville pour mettre en place des hospitalisations à domicile, mis en place un centre de dépistage à l’extérieur de l’établissement, organisé un centre de vaccination ou encore redéfini le rôle de certains membres du personnel. 

La formation en matière de gestion du risque infectieux a également été abordée sous divers angles. L’apprentissage par le jeu fait son chemin dans les équipes de PCI. Ainsi à l’Hôpital ophtalmique de Lausanne les membres du personnel passent leur permis HPCI (Hygiène, Prévention et Contrôle des Infections (nosocomiales) en participant à un «escape game». Cette formation ludique permet de mobiliser les connaissances, de développer des compétences d’observation et de résolution de problèmes, fédérer l’équipe, découvrir le lieu de travail autrement et mener collectivement une investigation. 

Une autre forme d’apprentissage présentée par une équipe de Toulouse est la simulation en santé et prévention du risque infectieux qui est une approche participative. Les scénarii sont basés sur des situations rencontrées sur le terrain. Cette méthode pédagogique contribue au développement de la culture de sécurité souhaitée par tous. 

En Belgique, une équipe PCI de Liège s’est posée la question : Comment améliorer de façon continue la connaissance et la pratique des précautions additionnelles pour les soignants. Elle a opté pour un mode d’apprentissage mixte «blended learning», un type de formation innovant qui combine à la fois l’apprentissage via les cours classiques en présentiel et via les outils d’enseignement en e-learning complétés par des audits. Le «blended learning» a été créé pour la procédure d’habillage et déshabillage. L’évaluation de ces procédures a permis de mettre en évidence que le déshabillage représente un moment à risque : le personnel soignant a proposé une procédure alternative qui a été validée et diffusée. Une autre alternative originale a été proposée par l’équipe PCI de Brugmann : «l’empowerment » du patient psychiatrique. Des ateliers patients-soignants pilotés par l’équipe PCI ont été organisés autour du « jeu de l’oie de l’hygiène des mains ». Cette activité ludique a engendré des bénéfices pour tous ; chez le patient elle a favorisé l’estime de soi, alors que les soignants ont ressenti plus d’aisance et d’efficacité dans la prise de décisions pendant la crise sanitaire et l’équipe PCI a constaté une amélioration dans l’observance de l’hygiène des mains en psychiatrie.

Le film d’animation réalisé par l’équipe de réseau hospitalier neuchâtelois a particulièrement retenu l’attention des congressistes. Les mots étaient inutiles. «Le goûter confettis» illustre de façon admirable les différentes voies de transmission du virus au travers de situations réelles observées lors d’un repas entre collègues. Cette vidéo de 5 minutes s’est avérée être un support pédagogique de grande qualité.

Certaines équipes PCI ont dû adapter les précautions additionnelles COVID-19 à leur patientèle particulière. Ainsi dans un service de soins palliatifs au Canada toutes les mesures émanant des autorités sanitaires ont été appliquées, mais ont été adaptées en utilisant les proches aidants comme «bénévoles» pour les usagers. L’utilisation des aires communes a été prohibée et les aidants restaient en chambre avec leur parent.

A Bruxelles, l’infirmière PCI a dû jongler entre recommandations et besoins spécifiques des enfants maltraités. La gestion de la pandémie s’est révélée très compliquée et source de souffrances tant pour les enfants que pour les soignants. La concertation avec les équipes de terrain a permis d’adapter les mesures tout en restant réaliste. L’observation, la communication, la présence sur le terrain, le bon sens et le réalisme faisant partie des qualités intrinsèques de l’infirmière en PCI ont bien été mis en évidence dans cet exposé. 

Une équipe PCI est sortie des murs hospitaliers pour animer des séances collaboratives et pédagogiques auprès de collégiens et pour sensibiliser des écoliers de maternelle et primaire. Suite à un appel à projet de l’Agence Régionale de Santé Rhône-Alpes, le Centre Hospitalier Chambéry Métropole a proposé une «Sensibilisation aux gestes barrières sur un jeune public». Deux communes ont répondu, l’une pour son collège et l’autre pour les enfants de maternelle et primaire. L’objectif général fixé était d’améliorer le respect des gestes barrières dans le contexte COVID-19 et d’envisager la pérennité de certains gestes et actions en-dehors de la pandémie. Le programme pour les collégiens est constitué d’un quizz en ligne afin d’adapter les thèmes de l’intervention, d’une réflexion sur les gestes barrières, de quelques rappels sur les gestes barrières et les maladies transmissibles suivis de mise en situation pratique et de l’utilisation de la boîte à coucou ou encore boîte à SHA qui a remporté un vif succès auprès des collégiens. 

Pour les plus jeunes, la participation aux ateliers gestes barrières était récompensée par l’obtention d’un passeport anti-virus. Six ateliers sont dispensés aux jeunes écoliers. Différents matériels ont été utilisés pour faire découvrir aux jeunes enfants le monde des microbes et leurs modes de transmission. L’activité qui a remporté le plus de succès est le jeu du super éternuement. L’enfant est encouragé à éternuer sur la piste d’atterrissage pour éternuements au moyen d’un vaporisateur à éternuements bleus/rouges/verts en respectant 4 consignes différentes : éternuer sur la piste, éternuer sur la piste en mettant le coude devant, éternuer sur la piste en mettant le mouchoir devant, éternuer sur la piste en mettant le masque devant. Ensuite les distances sont mesurées sur la piste d’atterrissage. Cette activité permet de faire comprendre au jeune public l’utilité des gestes barrières. En parallèle de cette activité, les écoliers ont également appris comment et quand se laver les mains avant de se voir remettre leur passeport anti-virus. La satisfaction générale générée par ces activités ludiques a conduit la communauté à acheter une boîte à SHA pour continuer la sensibilisation.

Certaines conférences se veulent rassurantes pour la profession : la prévention des infections est un éternel recommencement. En effet, la pandémie a eu un effet délétère sur l’application des précautions standard et/ou complémentaires. Cet effet papillon a été provoqué d’une part par le manque d’équipements de protection individuelle et d’autre part par les nombreuses modifications des recommandations COVID-19,parfois contradictoires, qui ont fortement déboussolé le personnel sur le terrain. De plus, durant la pandémie les procédures se concentraient essentiellement sur des recommandations en lien avec des symptômes respiratoires. Cet état de fait a été objectivé par des audits réalisés à Genève ou encore à Montpellier.

Vous avez dit HOST ? En Belgique, des projets-pilotes HOST (Hospital Outbreak Support Team) sous la responsabilité de la Commission belge de Coordination de la Politique Antibiotique (BAPCOC) ont été mis en place dans les 25 réseaux hospitaliers. Ces projets sont animé par des équipes de professionnels hospitaliers au service des structures hospitalières et résidentielles extrahospitalières en matière de prévention et de lutte contre l’infection et la résistance aux antibiotiques. Les réseaux HUmani, Elipse et Move ont présenté leurs approches respectives du projet dont les stratégies sont issues du Plan d’Action National Belge One Health dont un des axes est la prévention et la lutte contre les infections afin de limiter les infections associées aux soins et par voie de conséquence le recours aux traitements antibiotiques.

L’Hôpital Universitaire Erasme a bénéficié du support d’un logiciel d’infectiovigilance appelé Nosokos qui s’est révélé d’une grande utilité durant la pandémie. Les EOHH ont été formées à son utilisation en janvier 2020 et le projet a été lancé en février 2020. L’utilisation de Nosokos a ainsi permis de gérer 4000 fiches COVID entre 2020 et 2022. Au quotidien ce logiciel a permis d’avoir une vision claire de la situation épidémiologique, une meilleure gestion des alarmes ou encore une surveillance en temps réel des infections associées aux soins, mais aussi la création de fiches de surveillance ou de rapports de suivi des précautions additionnelles. Cet outil optimalise la plus-value des EOHH et permet un gain de temps considérable dans la compilation des données.

Pour une oratrice belge de Bruxelles, la crise COVID a signé le temps du changement. En effet, elle s’est lancé un nouveau défi en changeant de structure mais pas de fonction. Après une analyse du risque infectieux elle a défini 4 axes d’action en matière de formation PCI, à savoir : les formations récurrentes, l’accueil du nouvel engagé du département infirmier, les référents PCI et les autres projets. Différents contenus ont déjà été formalisé. L’oratrice met en évidence l’importance de développer des techniques innovantes d’apprentissage, d’amener la formation auprès des membres du personnel.

Cette 17ème rencontre a une fois encore mis en avant la capacité d’adaptation des infirmières PCI, leur créativité et leur professionnalisme durant les vagues successives de COVID. Elles méritent des applaudissements pour l’excellent travail fourni et leur engagement durant cette pandémie.