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Simple et complexe : le défi de l’hygiène des mains dans les hôpitaux du Bénin.

Carine YEHOUENOU - Clinical Pharmacy Research Group (CLIP), Louvain Drug Research Institute (LDRI), Université catholique de Louvain UCLouvain, Brussels, Belgium / Laboratoire de Référence des Mycobactéries (LRM), Cotonou, Benin. Angèle DOHOU - Clinical Pharmacy Research Group (CLIP), Louvain Drug Research Institute (LDRI), Université catholique de Louvain UCLouvain, Brussels, Belgium. Ariane FIOGBE - Clinical Pharmacy Research Group (CLIP), Louvain Drug Research Institute (LDRI), Université catholique de Louvain UCLouvain, Brussels, Belgium. Olivia DALLEUR - Clinical Pharmacy Research Group (CLIP), Louvain Drug Research Institute (LDRI), Université catholique de Louvain UCLouvain, Brussels, Belgium. / Pharmacy,Cliniques universitaires Saint-Luc, Université catholique de Louvain, UCLouvain, Brussels, Belgium Anne SIMON - Pole de microbiologie, Institut de Recherche Expérimentale et Clinique (IREC), Université catholique de Louvain UCLouvain, Brussels, Belgium / Microbiologie, Cliniques universitaires Saint-Luc, Université catholique de Louvain, UCLouvain, Brussels, Belgium

Introduction

Les infections associées aux soins (IAS) constituent un problème majeur de santé publique dans le monde et particulièrement dans les pays en voie de développement où les infrastructures sont souvent limitées. Ces IAS entrainent entre autres, un allongement du séjour hospitalier, une augmentation de la mortalité et la morbidité et évidemment des coûts financiers additionnels aux patients et à l’hôpital (1). 

Au cours des soins, les mains des praticiens constituent le vecteur principal de transmission de ces IAS. Les micro-organismes sont véhiculés facilement d’un patient vers un autre lorsque l’hygiène des mains n’est pas correctement réalisée. Celle-ci inclut le lavage à l’eau et au savon et la friction hydroalcoolique qui est même plus efficace, plus simple et ne nécessite pas, surtout dans notre contexte, de grandes infrastructures pour sa réalisation. Selon les données de l’Organisation Mondiale de la Santé, la compliance à l’hygiène des mains varie entre services, entre catégories socio-professionnelles et même selon les conditions de travail d’un hôpital à un autre et dépasse rarement 50%.(2) De nombreux facteurs peuvent influencer l’adhésion à une bonne pratique de l’hygiène des mains. Il s’agit par exemple, du manque de ressources et d’infrastructures appropriées, certaines situations comme le port de gants et des catégories professionnelles telles que les médecins décrits comme étant les moins compliants. 

L’hygiène des mains constitue la pierre angulaire des stratégies de lutte contre les IAS (2). C’est fort de cette évidence, que nous avons réalisé « mes cinq moments de l’hygiène des mains » à l’aide de la grille d’évaluation de l’OMS, dans six hôpitaux du pays. Cet article fait un état des lieux et décrit les diverses stratégies mises en œuvre pour améliorer l’observance des soignants.

Compliance, déterminants et points des infrastructures

Malgré les biais et l’effet « Hawthorne », l’observation directe est le gold standard pour le monitoring de l’hygiène des mains. Dans six hôpitaux publics et dans les services de chirurgie et de gynécologie nous avons observé les soignants pendant les soins durant huit semaines. Qu’il s’agisse des salles de pansement, d’hospitalisation, de consultation ou au bloc opératoire, tout soignant était observé. La grille de L’OMS a permis de calculer la compliance. Nous avons recueilli aussi des informations concernant les prérequis à une bonne hygiène des mains (Ongles, Cheveux, bracelets…) et les infrastructures.

Pendant 60 jours, 432 acteurs de soins ont été observés. Les infirmiers et aides- infirmiers représentaient la catégorie la plus représentée (4). La compliance était de 33,3% et elle variait selon le service. Comme dans beaucoup d’études l’attitude d’autoprotection des soignants était assez marquée.et se traduisait par une compliance plus élevée pour toutes les opportunités intervenant après contact avec des patients (37,5% après avoir touché les patients et 54,5% après exposition à un liquide biologique) comparativement à celles se situant avant un contact avec un patient (25.2%) ou avant un geste aseptique (33%) (cf. Tableau 1). 

Tableau 1 :  Tableau présentant la compliance des acteurs de soins au Benin, audit 2018.

La friction des mains au moyen d’une solution hydro-alcoolique (SHA) est aujourd’hui le standard de qualité des pratiques d’hygiène des mains. Elle doit être privilégiée dans toutes les situations, si les mains ne sont pas souillées par des sécrétions, du sang ou tout autre liquide biologique.  L’utilisation de solutions hydro-alcooliques n’est pas encore dans les habitudes de soins. Parmi les 438 actions d’hygiène réalisées, seulement 27,9% étaient consacrées à la friction. Dans la très grande majorité des cas où l’observance était respectée, la durée et la technique n’étaient pas correctes. En effet, seulement 6% des acteurs de soins respectaient les trente secondes de la friction hydroalcoolique tandis qu’aucun d’entre eux ne respectait la durée des 60 secondes du lavage au savon. Il est cependant bien connu que le temps de contact constitue un paramètre d’importance majeure pour assurer une efficacité optimale. En effet, compte tenu de la dynamique de colonisation bactérienne des mains, seule l’application d’un agent antiseptique rapidement  disponible, constitue une alternative compatible avec l’enchainement des processus de soins (3).

Beaucoup reste à faire également en ce qui concerne les prérequis de l’hygiène des mains. Environ un quart des soignants portaient des bijoux 77% des soignants n’avaient pas de bijoux . >90% des soignants avaient des cheveux courts et/ ou attachés pendant les soins. Concernant les ongles, 91% avaient des ongles courts sans vernis, 7.2% des ongles courts avec du vernis et 1.8% portaient de faux ongles.  

Grace à la grille d’infrastructures de l’OMS, nous avons fait le tour des hôpitaux à la fin de chaque mois pour collecter les différentes infrastructures disponibles. Cette grille est constituée de 28 questions et nous présentons dans le tableau 2 le récapitulatif des items clé.

Les infrastructures existantes dans les hôpitaux sont souvent mal situées dans les lieux de soins. Un lave-main bien loin des salles de consultation. L’alcool existant une semaine sur trois et une absence dans certains hôpitaux de « reminders ». 

Tableau 2 : Récapitulatif des infrastructures et ressources disponibles dans les hôpitaux du Bénin, 2018.

Légende : Les trois couleurs utilisées rappelant les feux tricolores signifient : 

Rouge = absence totale d’infrastructure
Orange = Intermittence disponibilité par moments (Nécessité d’amélioration)
Vert = infrastructure disponible chaque fois. 

Les défis des prochaines années 

• Primo, il s’agira de préparer et d’apprendre à préparer la solution hydro-alcoolique dans les hôpitaux pour au moins faciliter l’usage fréquent pendant des soins.

• Secundo, nous formerons les infirmiers et les membres des CLIN (Comité de Lutte contre les Infections Nosocomiales) sur la technique et l’importance de l’hygiène dans la réduction des IAS. En effet les CLIN existent dans tous ces hôpitaux mais ils n’ont pas toujours un plan d’action annuel validé et exécuté.  

• Tertio, nous allons réaliser et implémenter différents supports (affiches, poster, flyers). Les acteurs de soins des hôpitaux aideront à vulgariser les affiches dans les salles de pansement et d’hospitalisation. 

• Quarto, il nous faut mettre le patient et les visiteurs au cœur de l’hygiène des mains. Certains l’ont fait avec succès(5). De petites pancartes avec des émoticônes placées dans les couloirs de l’hôpital par des patients avec des phrases incitatives telles que : « N’oubliez pas de vous laver les mains», « Êtes-vous sûrs que vos gants sont propres ? », « Lavez-vos mains, protégez-nous ». Enfin les divers services et le ministère de la santé seront totalement impliqués dans ces divers processus pour nous aider à relever le défi « Clean your hands save lives » au Bénin. 

Bibliographie 

1. Allegranzi B, Pittet D. Role of hand hygiene in healthcare-associated infection prevention. Journal of Hospital Infection. 2009;73(4):305-15.

2.Pittet D, Allegranzi B, Boyce J, World Health Organization World Alliance for Patient Safety First Global Patient Safety Challenge Core Group of E. The World Health Organization Guidelines on Hand Hygiene in Health Care and their consensus recommendations. Infect Control Hosp Epidemiol. 2009;30(7):611-22.

3.D. HSPVP. Alcohol- Based Handrub Improves Compliance With hand Hygiene in Intensive Care Units. . Arch Intern Med. 2002;162:1037-43.

4. Yehouenou CL. Dohou A. Fiogbe A. Esse M. Degbey C. Simon A. and Dalleur O. Hand hygiene in surgery in Benin: opportunities and challenges. Antimicrobial resistance Infection Control. 2020; 1-8.

5. Eriksson K, Gaube S, Tsivrikos D, Dollinger D, Lermer E. How a smiley protects health: A pilot intervention to improve hand hygiene in hospitals by activating injunctive norms through emoticons. Plos One. 2018;13(5).

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