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Responsabilisation du patient. Le patient est-il prêt ?

F. Van Laer - Équipe d’hygiène hospitalière, UZA D. Verhelst - Étudiant infirmier en hygiène hospitalière, NVKVV Bruxelles H. Jansens - Équipe d’hygiène hospitalière, UZA E. Goovaerts - Équipe d’hygiène hospitalière, UZA

compass empowerment
1. Introduction

Ces dernières années, la responsabilisation du patient est devenue une thématique importante des soins de santé. Le but est de qualifier le patient de manière à ce qu’il devienne un véritable partenaire de la politique des soins, des processus de soins et des modalités de soins (1).  En 1999 déjà, McGukin et al. écrivaient que l’application d’un «modèle d’éducation des patients » (Partners in Your Care) pouvait accroître la compliance de l’hygiène des mains des professionnels de la santé (2).  Déjà lors de la campagne nationale belge sur l’hygiène des mains en 2005-2006, le patient était informé grâce, notamment, à des brochures d’information et des affiches sur l’hygiène des mains (3).  Lors de la campagne nationale de 2010-2011, l’accent a par ailleurs été mis sur la responsabilisation du patient.  À cet effet, une brochure destinée aux patients a été élaborée afin de les inciter à rappeler aux professionnels de la santé de désinfecter leurs mains, si nécessaire.  Le président du groupe de travail de la campagne hygiène des mains se demandait alors si on était prêt pour ce type d’approche (4).

Afin de montrer comment les patients sont informés sur l’hygiène des mains à l’UZ d’Anvers (UZA) et dans quelle mesure ils souhaitent être impliqués dans l’amélioration de l’hygiène des mains, une enquête a été menée auprès d’eux en juin 2014.

2. Matériel et méthodes

Cette enquête s’est basée sur le « patient survey questionnaire »,
élaboré par la Joint Commission (USA) (5).  Le questionnaire a été traduit en néerlandais et un certain nombre de questions ont été rajoutées. 

Ce questionnaire a permis de récolter les informations suivantes :

•quelles sont les caractéristiques des patients ? 
•le patient a-t-il reçu la brochure d’accueil qui comprend des informations sur l’hygiène des mains ? 
•le patient a-t-il lu les informations contenues dans la brochure d’accueil et lui étaient-elles utiles ?
•par quels biais au sein de l’hôpital le patient a-t-il été informé sur l’hygiène des mains? 
•le patient a-t-il vu les professionnels de la santé se laver/désinfecter les mains ?
•le patient est-il d’avis que les professionnels de la santé appliquent une hygiène des mains suffisante ?
•le patient est-il d’avis qu’il devrait être plus impliqué dans l’hygiène des mains des professionnels de la santé ?
•le patient est-il plus rassuré s’il sait que l’hôpital est attentif à l’hygiène des mains ?
•que ferait le patient s’il voyait que les règles d’hygiène des mains n’étaient pas appliquées ?
•le patient serait-il à l’aise ou mal à l’aise, et dans quelle mesure, d’attirer l’attention d’un professionnel de la 
santé sur une mauvaise hygiène des mains ?

Pour éviter de biaiser les résultats, le questionnaire doit être rempli anonymement, et il n’a pas été opté pour un questionnement actif.  Chaque questionnaire a été remis personnellement aux patients hospitalisés dans les services médicaux et chirurgicaux (au total, 8 services) par l’enquêteur ; l’équipe d’hygiène hospitalière, ainsi que le questionnaire lui-même ont été sommairement présentés.  Les formulaires remplis ont ensuite été remis par les patients dans une enveloppe aux infirmiers du service.

3. Résultats

Au total, 88 formulaires d’enquête ont été distribués, dont 57 ont été rendus remplis (taux de réponse de 64,8%).  Parmi ces derniers, 52 sont analysés plus en détail. 

Le tableau 1 décrit les caractéristiques des répondants.

Tableau 1
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Le graphique 1 montre, selon le type d’admission, le nombre de patients qui reçoivent une brochure d’accueil.  Le groupe « autre » comprend un nombre restreint de patients admis, entre autres, en hospitalisation de jour ou en consultation.

Graphique 1 : Pourcentage de patients qui ont reçu une brochure d’accueil, selon le type d’admission 

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52 patients ont répondu à la question concernant la réception de la brochure d’accueil : 25 patients (48%) indiquent avoir effectivement reçu la brochure d’accueil.  Lorsqu’ils ont reçu la brochure d’information, 17 patients (71%) ont retrouvé dans cette brochure des informations sur l’hygiène des mains.  Parmi les patients qui ont lu les informations sur l’hygiène des mains, 16 patients (94%) ont trouvé ces informations utiles.

Le tableau 2 et la figure 1 montrent les différents canaux utilisés au sein de l’UZA pour diffuser l’information sur l’hygiène des mains.  Parmi les répondants, 61% (n=33) ont observé, par un ou plusieurs de ces canaux, des informations sur l’hygiène des mains.  

Tableau 2 : Pourcentage de patients qui ont remarqué les différents canaux d’informations concernant l’hygiène des mains
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Figure 1 : Canaux utilisés par l’UZA pour diffuser les informations relatives à l’hygiène des mains

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Le graphique 2 montre le nombre de répondants (n=53) qui ont remarqué si un professionnel de la santé appliquait les règles d’hygiène des mains. 

Graphique 2 : Pourcentage de patients qui ont vu un professionnel de la santé se laver/désinfecter les mains
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Le graphique 3 illustre dans quelle mesure les répondants (n=42) sont d’avis que l’UZA applique les règles d’hygiène des mains.

Graphique 3: Perception de la mesure dans laquelle l’hygiène des mains est appliquée
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52 patients ont répondu à la question de savoir si les patients doivent être impliqués davantage dans l’amélioration de l’hygiène des mains (graphique 4).

Graphique 4 : Perception sur la nécessité d’implication dans le cadre de l’hygiène des mains
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52 patients ont répondu à la question de savoir si ils se sentiraient, en tant que patients, plus en sécurité s’ils savaient que l’hôpital était attentif à l’hygiène des mains (graphique 5).

Graphique 5 : Perception de la sécurité

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Le tableau 4 montre ce que les répondants feraient si un médecin ou un autre professionnel de la santé n’appliquait pas les règles d’hygiène des mains. 

 

Tableau 4 : Actions potentielles si aucune hygiène des mains n’est appliquée par des médecins ou autres professionnels de la santé

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Dans le questionnaire, il a également été demandé d’indiquer sur une échelle de Likert à 5 points à quel point le patient se sentirait à l’aise (valeur 1) ou mal à l’aise (valeur 5) de faire une remarque sur l’hygiène des mains. Le fait de faire une remarque à un médecin ou à d’autres professionnels de la santé a donné sur l’échelle une moyenne de respectivement 3,45 et 3,35.  Les patients interrogés se sont donc sentis plutôt mal à l’aise d’aborder la question de l’hygiène des mains avec les médecins ou les infirmiers..

Discussion

Ce questionnaire a ses limites en raison du faible nombre de répondants.  Par ailleurs, une partie des questions ont été laissées ouvertes par les répondants.  Il est donc souhaitable de mener cette enquête à une plus grande échelle.

Le taux de réponse élevé de 61,4% à cette enquête peut sans doute s’expliquer par le fait que chaque questionnaire a été remis personnellement aux patients par l’enquêteur.  Les caractéristiques des patients présentent, entre autres, un niveau d’études supérieures des répondants relativement élevé (31,5% enseignement supérieur et 44,4% enseignement secondaire).  Seul un pourcentage restreint (5,6%) des répondants travaillait dans les soins de santé.

Il ressort de l’enquête que dans plus de la moitié des cas, la brochure d’accueil n’arrive pas jusqu’au patient.  Même s’il s’agit d’une admission planifiée, seule la moitié des patients reçoit une brochure d’accueil.  Lorsque les patients sont admis par les urgences, ce chiffre est encore plus bas et seul 43% des patients reçoivent la brochure.  Pourtant, 94% des patients qui ont lu les informations sur l’hygiène des mains ont également trouvé ces informations utiles.

Outre la brochure d’accueil, il existe également d’autres canaux au sein de l’UZA pour informer les patients sur l’hygiène des mains,  ce qui a permis à 61% des répondants d’observer des informations sur l’hygiène des mains.  La brochure d’accueil et les affiches dans le service permettent d’informer les patients de la manière la plus efficace, suivies par l’écran télé dans le hall d’entrée. Les informations diffusées à la télé dans la chambre ont le moins d’effet, mais cela s’explique par le fait que le canal d’informations de l’UZA n’est disponible que dans une seule unité de soins rénovée.  Dans l’unité de soins où le canal d’informations est disponible, 3 des 5 répondants ont remarqué l’information sur l’hygiène des mains.

Lorsque les patients sont au courant que des initiatives en matière d’hygiène des mains sont prises, 87% d’entre eux répondent qu’ils se sentent plus en sécurité.

89% des patients ont observé si les professionnels de la santé appliquaient les règles d’hygiène des mains.  Une majorité des patients (58%) est d’avis que les professionnels de la santé appliquent suffisamment les règles d’hygiène des mains.

Environ la moitié (49%) des répondants estime que les patients devraient bel et bien être impliqués pour signaler l’hygiène des mains aux professionnels de la santé. Pourtant, seuls 24% des répondants s’adresseraient directement à un médecin si celui-ci n’appliquait pas les règles d’hygiène des mains.  Seuls 33,5% des répondants s’adresseraient, dans une même situation, aux autres professionnels de la santé.

4. Conclusion

L’enquête a démontré que la brochure d’accueil est remise aux patients dans moins de la moitié des cas.  Il s’avère toutefois que cette brochure est effectivement lue par la plupart des patients et que les informations sur l’hygiène des mains sont considérées comme utiles.  Il conviendrait donc de mieux distribuer la brochure d’informations afin de transmettre ainsi auprès d’un plus grand nombre de patients les informations sur l’hygiène des mains.

L’enquête a également démontré que les informations sur l’hygiène des mains doivent être transmises par différents canaux pour atteindre ainsi le plus grand nombre de patients.  Certains canaux, comme la télé dans la chambre, peuvent être un moyen d’optimiser la transmission des informations.  Il peut également être fait appel au service de communication pour examiner s’il est possible d’utiliser d’autres canaux pour la transmission d’informations.

Comme le distributeur de désinfectant pour les mains à base d’alcool se trouve dans la chambre des patients, la plupart des patients remarquent que les professionnels de la santé se désinfectent les mains. Une majorité des patients est donc également d’avis que les professionnels de la santé appliquent suffisamment les règles d’hygiène des mains.

Aucune conclusion univoque ne peut donc être tirée sur l’aspect de la responsabilisation du patient.  D’une part, la moitié des répondants est d’avis que le patient doit être plus impliqué dans l’amélioration de l’hygiène des mains, mais d’autre part, seul environ un tiers est prêt à faire remarquer au professionnel de la santé que celui-ci, selon le patient, n’applique pas de manière suffisante les règles d’hygiène des mains.  En effet, la plupart des répondants se sentiraient mal à l’aise s’ils devaient le faire remarquer. La responsabilisation du patient, qui implique les patients dans le processus des soins, passe par le niveau d’assurance des patients à s’exprimer. De plus, les actions menées dans le cadre de la responsabilisation du patient axée sur l’hygiène des mains peuvent également conscientiser les patients et les visiteurs sur le fait que l’hygiène des mains est également importante pour eux.

5. Références

1. Kokoszka V. Responsabilisation du patient : soins de santé démocratiques ? Healthcare Executive, 2014;77:3.

2. McGuckin M, Waterman R, Porten L, et al. Patient education model for increasing handwashing compliance. American Journal of Infection Control, 1999;27(4):309-314.

3. Costers M, Viseur N, Catry B, Simon A. Four multifaceted countrywide campaigns to promote hand hygiene in Belgian hospitals between 2005 and 2011: impact on compliance to hand hygiene. Euro Surveill. 2012;17(18):pii=20161. Disponible en ligne : http://www.eurosurveillance.org/images/dynamic/EE/V17N18/art20161.pdf 

4. Catry B, De Wandel D, Simon A, the national working group. Vous êtes dans de bonnes mains. 5e édition. NSIH Symposium 11/01/2013.

5. The Joint Commission. Measuring Hand Hygiene Adherence: Overcoming the Challenges, 2009.

 
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