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Maîtrise d’un foyer d’entérocoques résistants à la vancomycine dans un service d’hématologie de l’UZA

Frank Van Laer - Équipe d’hygiène hospitalière, UZA Hilde Jansens - Équipe d’hygiène hospitalière, UZA Emiel Goovaerts - Équipe d’hygiène hospitalière, UZA

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Introduction

Alors qu’on attend toujours la publication des « Recommandations nationales pour la maîtrise de l’ensemble des bactéries multirésistantes (Multi-drug resistant organisms, MDRO) » par le Conseil Supérieur de la Santé, une alerte entérocoques résistants à la vancomycine (ERV) donnée en octobre 2014 par l’Institut Scientifique pour la Santé publique (ISP) et l’Agence Soins et Santé a souligné la problématique accrue des entérocoques résistants à la vancomycine (ERV) au sein des hôpitaux belges. Au cours du premier trimestre de 2015, le Centre de référence national (CRN) a reçu un nombre croissant d’isolats provenant de plusieurs hôpitaux, dont certains en situation d’épidémie (1). Le présent article se penche sur le cas d’un foyer d’ERV apparu au service d’hématologie de l’UZA et sur les mesures qui y ont été prises afin de maîtriser ce foyer (2).

Description du foyer

La surveillance des microorganismes multirésistants (MRMO), parmi lesquels l’ERV, par l’équipe d’hygiène hospitalière s’effectue de manière permanente. Chaque échantillon positif à un MRMO est directement notifié par mail au service d’hygiène hospitalière par le laboratoire de microbiologie.
En octobre 2014, un ERV avait été isolé dans des échantillons cliniques provenant de trois patients différents d’un service d’hématologie. Suite à cela, il a été décidé de procéder au dépistage de l’ERV par écouvillonnage ou par analyse de selles de tous les patients admis dans ce service. Tous les nouveaux patients admis ont également été soumis à ce dépistage. Dépistage qui fut répété toutes les semaines chez tous les patients négatifs.
Au total, 16 patients positifs à l’ERV furent identifiés entre octobre 2014 et mars 2015 inclus (graphique 1). Six patients ont été déclarés positifs à l’ERV suite à un prélèvement clinique pour examen (dont 4 par prélèvement sanguin), les 10 autres au moment du dépistage.
Dans les deux semaines qui ont suivi l’identification de trois patients de référence, 9 patients ont été identifiés positifs à l’ERV (1 par échantillon clinique et 8 par dépistage).
Deux autres patients ont été identifiés positifs à l’ERV au service des soins intensifs (SI) : 1 patient ERV a été transféré du service hématologie aux urgences, où une transmission supplémentaire d’ERV s’est produite.
Un mois et deux mois après l’apparition de ce foyer, deux autres patients ont été dépistés positifs à l’ERV au service hématologie grâce au dépistage hebdomadaire.
Les isolats d’ERV furent identifiés comme étant  Enterococcus faecium vanA. Une analyse moléculaire a démontré que tous les isolats avaient le même modèle d’électrophorèse en champ pulsé (ECP).

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Graphique 1 : incidence de l’ERV dans l’UZA entre 2014 et 2015.

Mesures d’hygiène

Parallèlement au dépistage des patients au service hématologie, on est également passé à la mise en œuvre de plusieurs mesures d’hygiène visant à maîtriser le foyer.

a) Politique d’isolement
Tous les patients positifs à l’ERV ont été isolés dans une chambre individuelle et des mesures de précautions (comme le port d’un tablier de protection) ont été appliquées lors des contacts. L’isolement n’était indiqué que pour les cas d’ERV vanA ou d’ERV vanB. Les patients présentant par exemple un Enterococcus gallinarum vanC résistant à la vancomycine n’ont dès lors pas été placés en isolement. L’organisation n’a pas permis de séparer des groupes de patients et/ou de membres du personnel en deux zones dans le service hématologie. Deux chambres individuelles étaient toutefois à disposition pour faire office si nécessaire de chambres d’isolement.
Des patients positifs à l’ERV sont restés en isolement durant toute la durée de leur hospitalisation. La politique d’isolement indique que l’isolement du patient peut être levé si plus aucun antibiotique n’est administré et que le patient a été déclaré négatif à trois dépistages successifs (effectués à une semaine d’intervalle). Dans la pratique, comme les patients en hématologie bénéficiaient d’une antibiothérapie de longue durée ou d’une prophylaxie médicale, l’arrêt de l’isolement n’était pas à l’ordre du jour. Cela n’avait donc pas de sens de procéder à un dépistage hebdomadaire de ces patients, puisque le résultat du dépistage d’ERV n’influençait pas la politique d’isolement. Les patients connus pour être positifs à l’ERV étaient directement isolés lors de leur réadmission à l’hôpital. Même si les patients étaient sortis après 3 dépistages négatifs, la consigné était de les mettre en isolement s’ils devaient être à nouveau hospitalisés ; chez ces patients, l’isolement peut être levé si un dépistage de contrôle s’avère négatif pour l’ERV et si le patient ne reçoit pas d’antibiothérapie dans le même temps.
Les chambres d’isolement étaient nettoyées et désinfectées tous les jours avec une solution à base d’acide peracétique à 0,5%. Après sortie du patient, les rideaux étaient retirés et lavés en interne à 80°C. Le reste du papier toilette et le goupillon du WC étaient évacués de la chambre en tant que déchets
Le nettoyage était évalué en contrôlant les points à risque (comme le bouton d’appel, le perroquet, la poignée d’appui de fauteuil…) à l’aide de prélèvements d’ATP (adénosine triphosphate) (CleanTrace®).

b) Mesures supplémentaires
Pour éviter la transmission de l’ERV par le biais des pannes, une pochette plastique  (CareBag®) est utilisée en combinaison avec la panne, ainsi qu’une serviette absorbante étendue par-dessus la panne de manière à pouvoir évacuer les selles en tant que déchets. Cela permet également d’éviter d’utiliser un lave-panne et de traverser le couloir du service avec des pannes souillées.
Les patients positifs à l’ERV ont été lavés quotidiennement avec des gants de toilette antimicrobiens à usage unique.
En outre les hygiénistes hospitaliers ont demandé une attention particulière au personnel du service pour une hygiène correcte des mains et la désinfection du matériel ; le personnel d’autres disciplines médicales s’étant rendu au chevet des patients en hématologie y a également été invité.
Lorsqu’un patient positif à l’ERV devait subir un examen médico technique (un examen radiologique, par exemple) ou un traitement (kinésithérapie, par exemple), il était inscrit en dernier dans l’agenda de la journée.

Discussion

Il semble difficile de déterminer sans équivoque quelles sont les mesures les plus efficaces pour maîtriser les foyers d’ERV. Dans une étude des CDC (Centres pour le contrôle et la prévention des maladies), les mesures indiquées dans 39 études sont décrites (entre1982 et 2005). Il en ressort par exemple qu’un nettoyage et une désinfection supplémentaires et le recours à des chambres individuelles ne sont repris respectivement que dans 51% et 27% des études (3).
En tout cas, des mesures visant à réduire la charge microbienne de l’environnement et du patient se sont apparemment avérées efficaces pour garder le foyer sous contrôle au service hématologie de l’UZA. Les mêmes mesures sont appliquées également lorsque des patients sont identifiés positifs à l’ERV dans d’autres services, comme aux soins intensifs.

Conclusion

La combinaison des mesures décrites au service hématologie s’est avérée efficace pour maîtriser le foyer d’ERV. Il convient toutefois de rester sur ses gardes. En effet, des patients positifs à l’ERV sont encore  hospitalisés au service hématologie dans la mesure où, d’une part, il est impossible de décoloniser ces patients et, d’autre part, parce qu’ils sont fréquemment réadmis à l’hôpital pour leur thérapie de longue durée. En septembre 2015, deux patients ont en outre été à nouveau dépistés positifs à l’ERV au service hématologie ; ces patients présentaient toutefois un profil ECP différent. La décision de ne pas isoler des patients présentant un E. gallinarum résistant à la vancomycine risque également d’être remise en question à terme ; ainsi, un E. gallinarum résistant tant à la vanC qu’à la vanB a été identifié en octobre 2015.

Références

1 Agence Soins et Santé, Institut scientifique de la Santé Publique. Augmentation du nombre de foyers d’entérocoques résistants à la vancomycine (ERV) dans les hôpitaux de Belgique. Alerte à l’ERV d’octobre 2015/21.10.2015.
2 Jansens H, Van Laer F, Goovaerts E, Loens K. Successful control of vancomycine-resistant enterococci outbreak in a hematology unit. Antimicrobial Resistance and Infection Control, 2015, 4(Suppl 1). P199.
3 Siegel JD, Rhinehart E, Jackson M, Chiarello L, the Healthcare Infection Control Practices Advisory Committee. Management of Multidrug-Resistant Organisms In Healthcare Settings, CDC,2006. http://www.cdc.gov/hicpac/mdro/mdro_0.html

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