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Impact de la pandémie de COVID-19 sur l incidence des infections liées aux soins : Commentaires à propos de l’expérience de l’UZ Anvers

Y. Glupczynski - Médecin Microbiologiste et Hygiéniste hospitalier/Professeur émérite à la faculté de Médecine de l’UCLouvain/ Président de la Commission Technique MDRO (CT-MDRO) auprès de la BAPCOC

Dans ce numéro de NOSO-Info, F. Van Laer et coll. présentent brièvement les résultats d’une étude conduite à l’UZA qui visait à évaluer l’impact de la pandémie de COVID-19 sur l’incidence de différentes infections liées aux soins avec un focus particulier sur certaines bactéries multi-résistantes fréquemment responsables (MRSA, CP, VRE) d’infections nosocomiales. Cette étude a été motivée par des publications récentes dont les résultats suggéraient que le renforcement et l’observance stricte des mesures de prévention et de controle de la transmission de la COVID-19 pouvait conduire à une diminution de la transmission et de l’incidence d’autres types d’infections nosocomiales dont notamment celles occasionnées par les MDRO.

Dans l’étude transversale et, rétrospective effectuée à l’UZA, les auteurs ont comparé les taux d’incidence de huit types d’infections nosocomiales (bactériémies associées aux cathéters veineux centraux (CLABSI), infections urinaires sur cathéter à demeure (CAUTI), infection entérique à Clostridium difficile, colonisation/infection à MRSA, VRE et CP) pendant les 2 années ayant précédé la pandémie de COVID-19 (janvier 2018-Février 2020; période pré-COVID-19) et la période de la pandémie (mars 2020-Novembre 2020; Période COVID-19). Globalement, les résultats vont en sens divers et montrent une diminution notable du  taux d’incidence de colonisation/infection à MRSA (-30%) et des CLASBI (-25%). A l’opposé, l’incidence des infections/colonisations à VRE (+42%) et à CP incluant les Pseudomonas aeruginosa producteurs de carbapénémase de type VIM (+49%) semble avoir nettement augmenté pendant la période COVID-19 tandis que les CAUTI et les infections à Clostridium difficile sont relativement peu impactées.

Les auteurs proposent comme explication que le port généralisé du masque chirurgical par le personnel soignant et par les patients ainsi que l’augmentation de l’observance de l’hygiène des mains et de l’utilisation  des solutions hydro-alcooliques pourraient expliquer une diminution de la propagation de MRSA (et de l’incidence des CLABSI) mais que les normes accrues d’hygiène n’ont cependant pas eu d’effets bénéfiques sur l’incidence des infections à VRE et à CP (et Pseudomonas aeruginosa– producteurs de carbapénémase de type VIM). Une hypothèse avancée pour expliquer ce paradoxe (sans cependant que des données tangibles viennent l’étayer) serait une mauvaise utilisation par le personnel soignant des équipements de protection individuel (EPI) (p.ex: pas de port de surblouse de protection, pas de changement systématique des gants entre les soins de patients différents ) ainsi qu’ une observance moyenne des précautions standard et de contact préconisées.

Les limites des conclusions de ce travail sont en grande partie liées à son caractère transversal et retrospectif ainsi que par l’analyse seulement de données globales rapportées pour l’ensemble de l’hôpital (sans distinction des unités (p.ex: unité COVID-19 vs unité non COVID-19 , USI vs non-USI) et/ou des types de patients et de leurs facteurs de risque (p.ex. service de gériatrie ou de patients immunodéprimés). Par ailleurs, les données sont analysées également de manière globale sur deux périodes (pré-COVID-19 et COVID-19) sans tenir compte d’une évolution possible (par mois ou par trimestre). A cet égard, il semble évident que tant les recommandations en matière de prévention et de contrôle des infections que la pénurie/disponibilité du matériel et des équipements de protection ont fortement évolué au fil des premiers mois de la pandémie de COVID-19 et qu’il est donc difficile de considérer la période COVID-19 comme une période unique dans la comparaison avec la période pré-COVID-19.

Un autre point à signaler concerne le dépistage des MDRO (p.ex: à l’admission dans des unités à risque, en cas de transfert d’une autre institution, en cas de voyage à l’étranger, en cas de cas contact dans une unité,….). Il est très probable que dans le contexte de la phase aigüe de la pandémie de COVID-19, de la réorganisation des services, la pénurie de personnel et la charge accrue de travail (index ratio patient/personnel), l’intensité du dépistage (p.ex: screening des cas contacts) ait diminué et que en conséquence ceci aurait pu favoriser la propagation à bas bruit de certains MDRO (VRE, CP) éventuellement à caractère endémique et déjà présent dans l’institution (p.ex: Pseudomonas aeruginosa producteurs de carbapénémases VIM). Enfin, les modifications de stratégies médicales introduites au niveau de l’hôpital en particulier lors de la première phase de la pandémie de COVID-19 (limitation/diminution de certains types d’admissions, modifications de l’organisation et du fonctionnement des unités d’hospitalisation…) pourraient vraisemblablement avoir également modifié le “case-mix” et la démographie de la population admise à l’hôpital (par rapport à la période non COVID-19).

Quelques paramètres particulièrement importants dans le cadre de l’épidémiologie des infections à MDRO et qui mériteraient certainement d’être pris en compte dans une analyse de l’impact éventuel du COVID-19 sur la transmission des MDRO et sur l’incidence des infections liées aux soins concernent notamment: l’âge des patients, leurs comorbidités, la durée d’hospitalisation, la durée de séjour en soins intensifs (et la durée d’intubation et de ventilation mécanique) ainsi que l’exposition (et la durée de celle-ci) à des traitements antibiotiques à large spectre. Une analyse de la consommation d’antibiotiques à large spectre chez les patients hospitalisés dans les unités COVID-19 (vs les unités non COVID-19) et de son impact éventuel sur les infections nosocomiales et notamment à BLSE (qui sont des marqueurs épidémiologiques de résistance bien plus sensible que les CP ou les VRE à la pression de sélection induites par les antibiotiques à large spectre) seraient également intéressant à surveiller et à rapporter.

Au final, un grand nombre de paramètres potentiellement importants dans le cadre de la prise en charge de patients suspects ou infectés par le COVID-19 peuvent impacter favorablement la prévention des infections nosocomiales à MDRO (renforcement des précautions standard (hygiène des mains, hygiène respiratoire, disponibilité et port correct des EPI, procédures correctes de nettoyage/désinfection de l’environnement…). Par contre plusieurs autres facteurs liés au COVID-19 pourraient jouer en sens inverse et accroître le risque de transmission d’infections nosocomiales (taux élevé d’occupation de l’hôpital, et en particulier des unités COVID-19, USI…) augmentation de l’index ratio de charge de travail patient/personnel lié à un nombre très élevé d’admissions, et/ou à une diminution du nombre de membres du personnel présent (absence pour cause de maladie), son remplacement par du personnel moins qualifié, une augmentation du nombre de patients avec comorbidités, augmentation de l’usage des antibiotiques…).

 Compte tenu de la multiplicité et la variabilité de ces différents facteurs, Il est très probable que l’on ne pourra jamais extrapoler ni comparer les résultats obtenus d’une institution à une autre et que seules les données locales puissent être utiles localement. Au-delà de la seule analyse de données chiffrées (proportion, taux d’incidence de MDRO et d’infections nosocomiales), il paraît cependant surtout important d’essayer d’identifier les facteurs de risques, les variables confondantes et la multi-factorialité des éléments qui peuvent affecter les chiffres obtenus afin de bien comprendre leur signification et leur limite.

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