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Construire (ou rénover) dans une institution de soins : un défi pour l’équipe d’hygiène hospitalière

An Willemse - infirmière-hygiéniste hospitalière, OLV ziekenhuis Aalst-Asse-Ninove

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Introduction

Lors de travaux (construction, rénovation, réparation et/ou entretien), de la poussière peut être provoquée par des activités comme le forage dans des murs ou la démolition des sols et plafonds. La production de poussière peut donner lieu à la diffusion de spores de moisissures, comme des spores d’Aspergillus. En découle par conséquent un risque accru de contagion de patients, et tout particulièrement ceux dont la résistance est diminuée. Les spores de moisissures peuvent en effet être à l’origine de graves infections des voies respiratoires pouvant entraîner la mort. 

Des travaux effectués au niveau des canalisations d’eau, comme la fermeture temporaire ou l’extension de canalisations, peuvent également être source de risques. Des micro-organismes peuvent se multiplier dans les canalisations où se trouve de l’eau stagnante. Ce sont principalement les canalisations d’eau froide chaudes ou les canalisations d’eau chaude trop froides (eau entre 25 et 60°C) qui constituent un risque de développement de Legionella. Lors de la aérosolisation d’eau contaminée, ce germe lié à l’eau peut, au niveau des poumons, provoquer la légionellose, ou maladie du légionnaire.

Au vu de ce risque accru de contamination par des germes liés à la poussière et à l’eau, la prévention des infections mérite une attention particulière lors de travaux de construction. 

Prévention des infections lors de travaux de construction

La production de poussières pendant des travaux de construction est souvent inévitable. La dissémination de poussière par contre doit être évitée au maximum par la mise en œuvre des mesures de prévention nécessaires et leur respect. La poussière libérée peut se disséminer de différentes manières : par le biais des chaussures et vêtements des personnes qui traversent ou longent la zone de chantier, par le biais de la gravité (elle se déplace vers des étages inférieurs) et/ou par le biais des courants d’air le long des cages d’escalier ou des cages d’ascenseur. Les mesures instaurées ont pour but de limiter au minimum ce déplacement de poussière ou idéalement de l’éliminer.

Les mesures de prévention instaurées dépendent du niveau de risque. Cette classe de risque peut être déterminée à l’aide d’un indice de risque (voir tableau 1) qui tient compte de la nature des travaux (types A, B, C et D, en fonction du niveau de production de poussière) et de la nature de la population de patients concernés (groupe à faible risque à groupe au plus haut risque – en fonction de la résistance des patients concernés). La nature des travaux varie de l’ouverture de plafonds pour inspection visuelle (type A) à des travaux de démolition et de rénovation d’envergure. La population de patients concernés située dans les environs du chantier ou à sa proximité peut fortement varier, de l’absence de patients (risque faible) à la présence de patients oncologiques dont la résistance est fortement diminuée (groupe présentant le risque le plus élevé). Un indice de risque de ce type doit être calculé avant la planification de chaque projet de travaux et détermine les mesures devant être prises dans la phase de préparation, la phase d’exécution et à l’issue des travaux. Ces mesures ont trait à la production et à la diffusion de poussière, à la ventilation, aux déchets de construction, aux installations sanitaires et au mode de circulation. 

Tableau 1 : Définition de l’indice de risque lors de travaux de construction (Conseil supérieur de la santé, 2013).

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Responsabilité de l’équipe d’hygiène hospitalière

C’est à l’équipe d’hygiène hospitalière qu’incombe la tâche légale d’assurer le suivi des aspects ayant trait à l’hygiène dans le cadre d’activités hospitalières telles que la construction ou la transformation (AR du 26 avril 2007). Un hygiéniste-hospitalier a un rôle important à jouer à cet égard, mais est fortement tributaire de la collaboration de toutes les personnes concernées. Afin de pouvoir réaliser la prévention et la maîtrise des infections lors de travaux de construction, il est nécessaire que le suivi des travaux soit considéré comme une responsabilité partagée. Chaque personne impliquée dans un projet de construction ou de transformation dans une institution de soins est directement responsable de la prévention d’infections associées aux soins découlant (pouvant découler) de ces travaux. 

Plus-value des recommandations du Conseil supérieur de la Santé

La tâche légale de l’équipe d’hygiène hospitalière est traduite dans les recommandations du Conseil supérieur de la Santé (Recommandation CSS n° 8580 « Recommandations en matière de prévention des infections durant les travaux de construction, de rénovation et les interventions techniques dans les institutions de soins – Recommandations pour les intervenants internes et externes ») Elle aura pour mission plus concrètement : 

– d’évaluer le cahier des charges sous l’angle de la prévention des infections (les mesures de prévention des infections à prendre doivent être insérées dans le cahier des charges) ;
– d’évaluer le niveau de risque conjointement avec le chef de projet et de réaliser un rapport consignant les remarques à formuler ;
– de transmettre au Comité d’hygiène hospitalière (CHH) toute information utile relative au projet ;
– de participer à la formation/information des équipes techniques en matière de règles de prévention des infections à respecter pendant le chantier ;
– d’informer les unités de soins impliquées, des mesures à respecter;
– de visiter ponctuellement les chantiers afin de s’assurer des applications correctes des mesures préventives ;
– d’inspecter le chantier terminé avant de permettre l’ouverture (la réouverture) des locaux. 

Une plus-value notable de la recommandation est que l’équipe d’hygiène hospitalière dispose, grâce à ce document, d’un élément déterminant ; c’est en effet la loi qui stipule que c’est l’équipe hospitalière qui doit assurer la mise en œuvre des directives et recommandations rédigées par des organismes officiels tels que le Conseil supérieur de la Santé. En marge de spécifier la tâche légale de l’équipe d’hygiène hospitalière, les compétences des autres acteurs au sein de l’institution de soins y sont également clairement décrites. En outre, toutes les mesures à appliquer avant, pendant et après les travaux afin de prévenir l’aspergillose et la légionellose sont mentionnées en détail. Pour terminer, plusieurs documents de consensus, comportant des points d’attention spécifiques pour une institution de soins, sont mis à disposition en guise d’instrument de travail.

Approche au sein du Onze-Lieve-Vrouw ziekenhuis (OLV ziekenhuis) 

Tout comme Rome ne s’est pas faite en un jour, énormément de temps et d’énergie ont été nécessaires pour que l’OLV ziekenhuis arrive à ce qu’elle est aujourd’hui. Par le passé, les soins aux patients étaient aisément combinés à des travaux de rénovation dont l’équipe d’hygiène hospitalière n’était pas au courant. Les temps ont bien changé :
– en collaboration avec toutes les personnes concernées, une procédure « mesures de prévention des infections lors de travaux de construction » a été établie par le Comité d’hygiène hospitalière ;
– l’équipe d’hygiène hospitalière se concerte systématiquement avec le coordinateur de chantier. Lors de cette concertation, les chantiers en cours et planifiés sont abordés (en ce compris la définition de l’indice de risque et les mesures de prévention inhérentes à
adopter) ;
– l’équipe d’hygiène hospitalière peut consulter les comptes rendus du comité de construction et a ainsi un meilleur aperçu du planning à long terme ;
– l’équipe d’hygiène hospitalière participe activement aux réunions d’information avant le démarrage de chantiers d’envergure ;
– l’équipe d’hygiène hospitalière utilise un journal pour l’enregistrement de constatations faites lors de visites de chantier (date – constatation – action entreprise – personne de contact).

Difficultés rencontrées dans la pratique 

La sécurité des patients est un volet important des soins de qualité. L’attention accordée à la sécurité des patients s’est accrue ces dernières années et il s’agit d’un concept de plus en plus important. Chaque prestataire de soins et décideur dans une institution de soins s’accorde à le dire. En dépit de tous les efforts entrepris pour garantir la sécurité des patients, tout ne se déroule cependant pas toujours comme prévu, ce qui peut induire des risques pour le patient. La prévention et la maîtrise des infections font également partie intégrante de soins de qualité. Le contrôle des aspects d’hygiène dans le cadre de travaux de construction dans une institution de soins, un environnement où ces activités doivent être combinées aux soins aux patients, n’est pas une sinécure. 

Ainsi, les mesures en matière de prévention des infections nécessaires pour le déroulement correct de travaux de construction dans une institution de soins de santé ont un impact financier à ne pas sous-estimer. La volonté de la direction à engager ces frais est cruciale. Afin de pouvoir établir une estimation correcte des frais supplémentaires, il est primordial que les mesures à prendre soient correctement mentionnées dans le cahier des charges (par ex. construction d’une paroi de chantier, installation d’un monte-charge de chantier à l’extérieur d’un bâtiment). Les entrepreneurs potentiels pourront ainsi prendre les coûts prévus en compte. Assurer un flux d’information fluide vers les ouvriers sur le chantier n’a également rien d’aisé : les entrepreneurs font souvent appel à des sous-traitants, l’équipe d’ouvriers varie au fil de l’exécution des travaux, les ouvriers parlent souvent une autre langue. Autant d’éléments qui compliquent considérablement la communication. La communication entre le chantier et l’équipe d’hygiène hospitalière peut également être difficile (par ex. changement au niveau de l’aménagement du chantier), l’équipe n’étant pas toujours au courant de l’état de la situation.

Même si chacun est convaincu de l’importance de la prévention des infections (associées aux soins), il semble que l’équipe d’hygiène hospitalière soit parfois seule face au suivi des travaux de construction. Heureusement, les équipes ont bénéficié au fil des ans de l’attention accordée par les pouvoirs publics sur ce sujet, comme lors des audits de la Surveillance de la Santé Publique, la publication des recommandations du CSS et la circulaire de la Vlaamse Agentschap en Gezondheid (Agence flamande Soins et Santé). Les organismes d’accréditation ont également consacré l’attention nécessaire à cette matière, les équipes d’hygiène hospitalière gagnant en puissance. 

En dépit des progrès enregistrés, le suivi des aspects d’hygiène lors de travaux de construction reste un point d’attention notable où les adaptations sont continues. Il est dès lors nécessaire d’organiser des visites de chantier fréquentes afin d’assurer le suivi des travaux, mais toutes les parties concernées doivent également être sensibilisées (allant du coordinateur de chantier au coordinateur de sécurité en passant par le prestataire de soins individuel) afin de mener à bien les travaux de construction dans le cadre des soins de santé. 

Conclusion 

La prévention et la maîtrise des infections lors de travaux de construction au sein d’institutions de soins constituent un défi pour tous les hygiénistes-hospitaliers. La préservation d’un environnement de soins sûr pour nos patients doit en être le moteur. Conclure cet article avec l’adage « il faut aller de l’avant » est dès lors un choix délibéré ….

Référence 

– Directive du groupe de travail prévention des infections. Travaux de construction, 2012.

– Conseil supérieur de la Santé Recommandations en matière de prévention des infections durant les travaux de construction, de rénovation et les interventions techniques dans les institutions de soins – Recommandations pour les intervenants internes et externes, 2013 (CSS n°8580)

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